Elisa Ka – LES INSTANTS INFIDÈLES


Elle approcha le coquillage de son oreille et reconnut le chant de la mer qui lui faisait tout oublier.
Le cheval fou qui galopait dans sa tête terminerait sa course sous un déluge de silence quand le voyage prendrait fin. La bête s’enfoncerait dans les eaux noires, emportant avec elle les abandons et toutes les trahisons.
Autrefois, le regard bienveillant d’un père aurait pu combler ce besoin d’attention et de reconnaissance qui ne la quitterait plus.
Toutes ces attendrissantes petites scènes de famille, qu’elle avait tant enviées aux autres, s’inscriraient dans le livre d’une enfance nue, comme un ferment indispensable à son efflorescence.
Un peu plus tard, au coeur de la tourmente elle s’était élancée sur ce fil fragile qui la séparait de l’inconnu. Elle se disait que son absence au pays des prophètes et des contes d’imposture ne laisserait aucune trace d’un ancrage si fragile.
Mais elle se disait aussi que les dernières fleurs de son été, même privées de sève, ne cesseraient d’embaumer les pages de sa mémoire.
Après tout ce temps, elle avait compris que le véritable adieu à son autre-mer se graverait dans l’écriture, peut-être – pour ne pas s’oublier.

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s