Printemps des poètes – Grégory Rateau -J’aimerais m’embarquer…

J’aimerais m’embarquer
Dans la douceur de ce large
Sans nom, sans destination
Rouleur d’éternité
Nulle escale
Voyager en solitaire
En prendre plein les embruns
Un ressac de présent concentré
Bout au vent
Fumer l’horizon jusqu’à ce point limite
Cette lueur qui pique les yeux
Où convergent mes dernières forces vives
Saisir cette brèche
Résister un bon coup
Contre ce sel qui s’accroche à mes basques
Me ronge au talon d’Achille
Abattre les voiles
Me dresser face au réel
Déjouer cette conspiration
Les proches, les envieux, les faux-amis
Tous de la même pâte informe et malléable
Fureur contre ce siècle qui monnaye le temps
Contre la houle qui fige mon sang
Ma jeunesse pétrifiée dans l’air
Coule à pic
Dans un dernier sursaut de bon sens
Je me glisse par le hublot grand ouvert
Le repos du marin
Cette peur panique du noir, primale
Sauvé par le spectacle des poissons lanternes
Je sais maintenant où jeter l’ancre
Sans peur
C’est ici
Dans les bas-fonds
Où les courants murmurent une dernière fois
Avant de définitivement se taire
Que je regarderai les bateaux passer
Sans jamais plus s’arrêter

Conspiration du réel, Unicité.

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