Patricia Ligouis Fort – La neige tardait à venir…

La neige tardait à venir.
Jeanne l’attendait avec cette ferveur enfantine, surveillant du coin de l’oeil la fenêtre silencieuse. Avec son coeur empesé d’adolescence, avant un rendez – vous amoureux.
Des galets roulaient dans son ventre.
C’était chaque fois pareil, elle aurait voulu la blancheur qui recouvre et arrondit le paysage, le silence ouaté, comme une nouvelle virginité.
Jeanne avait enfilé sa solitude dans un caleçon vintage et un sweat douillet. Elle pensait à toutes ses petites soeurs de coeur qui comme elle attendaient.
La neige, le prince charmant, une rémission, un regard, un coup de téléphone, un coup de Klaxon, un air de trombone, qu’à la porte on sonne, que quelqu’un les pardonne, enfin que leur coeur résonne…
Jeanne attendait la neige seulement.
Attendre était ce qu’elle faisait de mieux.
L’attente renferme tous les possibles encore.
Elle est ce moment juste avant que le verre atteigne les lèvres et étanche la soif. Ce délicieux instant qui contient déjà la plénitude mais l’anticipe dans un imaginaire libre.
L’attente est un mot au bord des lèvres, une porte fermée, une ascension vers une cime.
Un court métrage qui tricote nos désirs inconscients et nos souvenirs heureux.
C’était sa sérotonine.
Se raconter des histoires.
Tant que la porte n’était pas ouverte, nul besoin d’imaginer le pire.
Elle avait ouvert tant de portes, suivi de si nombreux chemins qu’il était inutile de lui opposer que derrière elles ou une fois sur la crête, la réalité était souvent décevante.
Jeanne le savait par coeur.
Mais elle savait aussi qu’elle avait embrassé de fabuleux paysages, rencontré des moments parfaits, prononcé des mots dont résonnait encore l’écho.
Alors Jeanne attendait qu’il neige.
C’est con hein ?