Frontière, tu as dit frontière ? « Ready killer one. Tout le long de la frontière un premier no man’s land permettait d’avoir une vue dégagée sur cet ailleurs dangereux d’où des hordes de migrants pouvaient jaillir sans crier gare. Une caravane de racailles et de violeurs se regroupait d’ailleurs au Honduras dans ce but ; @potus nous l’avait tweeté. La lisière végétale qui les cachait à nos yeux était régulièrement arrosée de défoliant, quelquefois même brûlée au napalm. La lueur des incendies rougissait alors le ciel. Un réseau de barbelés rasoirs s’appuyait ensuite contre un chaos impénétrable de palissades métalliques en contre-pente, enfoncées profondément. A intervalles irréguliers d’énormes pieux métalliques plongeant loin dans le sol interdisaient le creusement de tunnels sommaires. Quelques mètres encore séparaient les barbelés du Mur proprement dit. On avait abandonné les patrouilles frontalières qui circulaient autrefois sur cette bande de terre et préféré y laisser vivre et se reproduire des meutes de chiens que l’on nourrissait à peine. Meilleurs chasseurs que les shérifs, infatigables, haineux et affamés, on ne les payait pas et ils faisaient parfaitement l’affaire. On les appelait les Arpaio’dogs. A première vue le Mur était gracile, élancé et son assise semblait trop étroite pour supporter une telle hauteur, mais les nouveaux bétons techniques résistaient aux plus fortes tempêtes, au feu, aux tremblements de terre, aux impacts de projectiles lourds, à tout en fait. Le Mur était surmonté de tourelles télé-opérées de deux sortes : des tourelles d’observation et des tourelles de tir. Sous l’autorité de la Garde nationale, les milices populaires texanes avaient mis en place, dès la construction du Mur, un service civil obligatoire de deux ans pour chaque citoyen majeur, complétant la conscription fédérale exceptionnelle en vigueur. Nous étions tous, à tour de rôle, les télé-opérateurs des tourelles du Mur. Selon un algorithme spécifique triant nos datas les plus récentes, nous étions appelés régulièrement à donner une ou deux heures de notre temps libre hebdomadaire pour veiller à l’intégrité des USA. Le casque VR, les data gloves et la connexion 10G de base étaient fournis gratuitement. On pouvait se procurer de l’équipement premium pour renforcer l’immersion. Des fois, sans le dire, je laissais mon fils s’amuser un peu, pour l’entraîner. Lors des migrations de l’été dernier, j’avais bien amélioré mon score et même gagné l’accès à la Ligue de Platine. Un bon ranking garantissait des réductions dans les magasins d’état et des upgrades de précision et de munitions pour les veilles à venir. Ce soir, confortablement installé dans mon fauteuil préféré, j’allais « faire une veille de nuit ». La mitrailleuse de ma tourelle de tir disposerait d’une optique nocturne améliorée avec ciblage thermique et de bandeaux de munitions au phosphore. Encore quelques milliers de points et j’aurais droit au Minigun tirant les balles Rockshot HE dont je rêve depuis longtemps. Ready killer one ! »
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