Almanach Vermot 1939 : Textes et Anecdotes Histoire des cartes à jouer

Cartes à jouer d’autrefois… Souvenir précieux pour les collectionneurs et les amateurs d’antiquités : car les cartes jaunies, écornées, aux profils bizarres, qui égayaient  jadis  les soirées d’hiver de nos aïeux sont excessivement rares aujourd’hui.

Toutes les cartes à jouer antérieures à la Révolution sont pour ainsi dire introuvables. La plupart de celles que possèdent les collectionneurs datent de la seconde moitié du XVIII éme siècle. Et cela parce qu’un édit de 1703 faisait défense de conserver chez soi  » les cartes des anciens portraits « . Cette interdiction était surtout faite dans un but fiscal, mais elle entraînait la destruction des jeux devenus inutilisables.

A cette époque, les cartes proprement dites n’étaient pas celle d’à présent, tarotés au dos, c’est à dire couvertes de quadrillages foncés ; cette particularité était réservée aux tarots, qui étaient alors bien distincts des cartes à jouer, dont le revers était blanc et uni.

Au XVIIIéme siècle, de grands personnages lancèrent la mode bizarre de faire imprimer des cartes de visite au dos des cartes à jouer dépareillées. On inscrivait aussi, sur les cartes mises au rebut, des notes, des pamphlets, même des réclames d’officiers recruteurs qui  » racolaient  » des hommes de troupe.

Jusqu’au XIXème siècle, les modèles de cartes varièrent beaucoup. Les collections d’anciennes cartes à jouer, beaucoup plus rares que celles de timbres ou de cartes postales, sont fort curieuses et possèdent une très grande valeur, surtout lorsque les jeux sont complets, et quand les cartes remontent au moins à l’époque de Louis XIII.

L’une des plus jolies collections existant au monde se trouve au British Museum de Londres, auquel elle a été offerte par Mme Charlotte Schreiber. Sans être comme le jeu de l’oie, les cartes à jouer ne datent pas d’hier. Si elles  se sont  renouvelées depuis les Grecs, elles ont une antiquité assez respectable puisqu’elles remontent au XIIéme siècle. Les premiers jeux de cartes ont été formés par l’imitation d’une collection d’images appelées  » naïbi « , en Italie. L’ingénieux Italien, demeuré anonyme, qui imagina de faire un jeu pour les grandes personnes avec un amusement d’enfant, ne se doutait certainement pas du succès qui l’attendait….

A ses débuts pourtant, la carte à jouer ne connut pas grand enthousiasme. On lui préférait, et de loin, les dés et le trictrac, ainsi que les échecs. C’est pourtant aux échecs que les cartes, appelées jeu du Roi et de la Reine, ressemblaient le plus à cette époque. Il y avait un fou, une tour et des chevaliers.

Certains jeux figurèrent plus tard une sorte de danse macabre : on y voyait le Pape, l’empereur, l’ermite, le fou, le pendu, l’écuyer, la lune, le soleil, la Parque, la fortune, la tempérance, la force, la mort,la maison de Dieu. C’était, comme on peut le penser, passablement compliqué.

Sous le règne de Charles VII, les cartes à jouer reçurent leur orientation définitive. Désormais, il y aura quatre rois qui, sauf certaines variations, seront David, Alexandre, César et Charlemagne. C’est seulement beaucoup plus tard que fut fixé le nom des dames. Les quatre valets représentent les quatre âges de la Chevalerie. Hector, fils de Priam, figure le cycle antique. Ogier le Danois est un des plus célèbres héros de nos chansons de gestes nationales.Lancelot du Lac, aussi mythique que le précédent, est un des principaux personnages du cycle breton. La Hire, au contraire, était un personnage contemporain, un compagnon d’armes de Jeanne D’Arc. et par là les cartes voulaient  s’affirmer,  en tenant compte de l’actualité. Mais c’est aussi et avant tout un jeu guerrier et féodal.

Les pacifiques joueurs de Belote, les acharnés joueurs de Manille du Café du Commerce se doutent-ils que le trèfle représente la garde de l’épée, le carreau le fer carré d’une flèche, Le pique la lance d’une pertuisane, le cœur la pointe d’un trait d’arbalète. L’as, symbole d’argent pour la pie des troupes, sert d’enseigne et marche le premier. De nos jours on lui a conservé à peu près le même sens. Un as est quelqu’un qui sort du rang, qui prend la tête, qui se distingue, qui sert de modèle aux autres. Les figures se modifient assez vite, les guerriers bardés de fer deviennent des gentilshommes de salon, à la fin du XVIII ème siècle. Jusqu’au premier Empire, les personnages sont représentés en pied, au lieu d’être formés comme aujourd’hui de deux bustes accolés et placés en sens inverse l’un de l’autre. Les cartes à jouer n’avaient donc qu’un sens, ce qui m’empêchait nullement les joueurs de jouer à l’envers et de se laisser  » tourner la tête « .

Puis, sous la Révolution et  l’Empire, on essaya de changer les figures traditionnelles des rois, des dames et des valets, pour les remplacer par divers symboles. Il était pénible, on le conçoit, pour de  » farouches sans-culottes  » de jouer avec des images représentant ceux qu’ils venaient d’abattre. Mais ces modifications n’eurent aucun succès, et on revint bientôt aux anciens types. Quand bien tranquillement vous faites votre partie, monsieur, et vous madame, avez-vous parfois songé que les petits morceaux de cartons avec les quels vous jouez ont leur histoire. une longue histoire, que nous venons de rappeler un peu trop brièvement peut-être. Une histoire qui suit étroitement la grande. Les cartes, ont les a trouvées partout, à la cour, dans les salons, dans les cuisines, dans la giberne du troupier… et encore aujourd’hui elles occupent nos loisirs.

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