J’ai traversé tes silences comme un bruit longtemps cacophonique évident.
Évidant ton mal-être, ta misère, tes malaises,
tes maux non dits en dedans…
J’ai su plus tard,
post-mortem peut-être,
tes incompréhensions répétées, sans solutions,
tes doutes originaux, tes prises de non-possession,
tes oracles d’enfant ranimé à la naissance…
Tu subissais plus que tu ne vivais…
Tu ignorais tout ce que de toi, nous ne connaissions que trop…
T’es morte en vomissant ton sang.
T’avais trente ans.
Trente ans de retard sur nos avancés thérapeutiques, sur tes délires sans nom qui nous dépassaient,
sur tes insuffisances mentales, physiques,
sur tes handicaps à la chaîne,
sur tes accidents renouvelés,
ta malchance d’être née une seconde fois
par l’éther de la foi d’antan,
la médecine tenue à la laisse des pauvres,
en déficit d’esprit et d’initiative…
Trente ans, c’est jeune, diront certains !
Non, c’était déjà très tard
et ça suffisait bien
étant donné les souffrances
que jusque-là,
t’as encaissées…
Toi, ma sœur.
Mon unique sœur, de six ans, ma cadette.
Toi, le calvaire total incompressible des parents.
Toi, la culpabilité de notre mère qui ne s’en est jamais remise !
Toi, le fruit de mes incapacités à y changer quoi que ce soit !
Toi, l’autiste incomprise et ses cavalcades mirobolantes, qui,
de Lourdes en fauteuil roulant devant la fameuse grotte
aux jeunes cellules de veaux en Suisse, qu’on te transplantait dans la couenne,
pouvait faire croire aux miracles,
à celles et ceux qui n’avaient que ça pour te faire
survivre encore un peu,
en espérant un chamboulement,
un mieux,
un mieux qui n’est jamais venu…
Finalement, aujourd’hui,
ton absence,
trente six ans
après ton décès,
vois-tu,
me parle clairement,
très distinctement !
Pour le dire,
pour te dire,
il me semble avoir
trouver les mots.
