27 Juin 2010
Causerie quasi-savante. L’heure s’avère grave et l’instant solennel.
Or solennité et gravitude sont les deux mamelles d’où coulent les laits jumeaux et féconds du futur et donc de l’espérance. Pour ces raisons, je ne rédigerai pas cette chronique en employant
le » je « : nous userons ici du « nous » de Majesté. Il faut parfois sortir du placard sa cravate.
Où en étais-je, pardon, étions-nous ? Ah, oui, rappel des faits, ce 23 juin 2010 après JC, mais jusqu’à quand après JC :
Un joueur de balle au pied, monsieur Anelka, a insulté naguère son entraîneur, monsieur Domenech.
» Va te faire enculer, sale fils de pute! » Telle fut l’insulte proférée.

Nous la transcrivons en toutes lettres et en rougissant…Et si des enfants blogeurs, blagueurs, lisaient cet article ? Quel exemple pour les innocents primo-arrivants sur ce globe de tous les malheurs? Nous nous dédouanerons lâchement en prétextant sournoisement avec tonton Freud que ces infâmes gniards sont des pervers polymorphes.Nous ajouterons avec démagogie que, les enfants apprenant à lire de plus en plus tard, mais que font les enseignants, seul un bambin en âge d’être bachelier pourra
en déchiffrer le sens. En vérité, l’insulte sus-écrite nous choque par son vocabulaire vulgaire. Nous sommes loin du langage de ces poissonnières chères à Brassens, langage porteur de toute la poésie qu’enfante le génie populaire. Cette insulte trahit son souteneur. L’harengère se meurt, mais pas le maquereau.
En outre, cette phrase insultante nous choque par l’emploi de l’impératif présent :
Certes, l’impératif peut exprimer un souhait : » Que Dieu vous bénisse « .
Certes, l’impératif peut exprimer une prière : » Bénissez ce repas… «
Certes, l’impératif peut-exprimer un conseil : » Ménagez-vous ! « Mais il exprime le plus souventun ordre : » Garde-à-vous, rompez ! «
Et l’expression » va te faire enculer » semble bien plus exprimer un ordre qu’un souhait, une prière, un conseil…Or, peut-on donner un tel ordre à son supérieur hiérarchique, hétérosexuel proclamé ? Car monsieur Domenech a affirmé cette hétérosexualité en demandant en mariage, devant des millions detéléspectateurs, une certaine ESTELLE, pas un certain MARCEL. Monsieur Domenech est passé devant un maire qui ne s’appelait point Noël Mamère.
D’autre part, l’adjectif » sale « , employé par l’employé monsieur Anelka, semble mettre en doute la propreté corporelle de l’employeur, monsieur Domenech. Et le substantif « pute », toujours employé par l’employé, à connotation nettement péjorative, laisse entendre que la mère de l’employeur vit honteusement du commerce de sa chair, préjugé Judéo-Chrétien.
Est-ce pour les canidés que l’expression » travailleuse sexuelle « , déculpabilisante pour le prolétariat, fut inventée ? Le camarade Besancenot se tait et nous déçoit… Et pourtant…malgré toutes les réserves émises ci-dessus, nous ne pouvons nous empêcher de
trouver un certain charme à l’expression : » Va te faire enculer, sale fils de pute ! «
Cela tient à une chose toute bête : la musicalité de la phrase.
Presque un alexandrin, un beau, un vrai, un bien dodu, avec césure à l’hémistiche !
Voyons cela de plus près :
» Va te faire enculer « ….Impeccable premier hémistiche. Six pieds. De l’allant, de l’allure. Nous sommes bien près de la perfection du : » Va, cours, vole et nous venge ! » de Victor Hugo citant Corneille.
Trois fois hélas, Alice…ensuite: patatras! Car le deuxième hémistiche: » Sale fils de pute! « …
ne contient que cinq pieds. Bien sûr, nous pourrions prononcer à la méridionale, façon Nougaro ou Brassens:
» Sale FISSE de pute ! «
Nous gagnerions ainsi un pied, comme d’autres gagnèrent grâce à une main, mais n’est-ce pas un peu tricher, sauf le respect que l’on doit au toulousain et au sétois ?
O monsieur Anelka, si vous aviez clamé:
» Va te faire enculer, IGNOBLE fils de pute! »
IMMONDE
SINISTRE
INFINI, etc…
…Vous y seriez passé, à la postérité.
Quand à nous, c’est sans souci aucun de postérité,car nous sommes programmé par une génétique modestie,que nous nous proposons d’écrire une tragédie que nous titrerons ANELKA. ANELKA, cela sonne presque aussi bien qu’HERNANI. Notre muse féconde a déjà accouché des quatre premiers vers. Les voici:
» Va te faire enculer, O sale fils de pute !
Qu’un rat géant te nique et fasse une turlute !
Qu’un bouffon sodomite éclate ton vieux fion
Pour semer en ses poils la race du morpion ! »
Malgré son affligeante vulgarité, ce quatrain ne manque pas de panache. Cette tragédie sera jouée par l’équipe de France de balle au pied, recyclée dans l’art dramatique. Nous ferons bien sûr don de nos droits d’auteur. Pour moitié à l’Académie Française, à qui la Star Ac fait une ombre funeste. L’autre moitié ira aux ateliers d’écriture-rap de banlieue. Mais après réflexion, nous verrions bien Joey Starr et Jamel Debouzze dans les rôles principaux.
En ce cas, l’équipe de France fera le coeur antique.
Rêverions nous, corne-baudruche ?
Nous conclurons par ce superbe alexandrin:
« Mais un monde sans rêve est un joueur sans ballon… »
Alexandrin de treize pieds en temps d’austérité.
Kiadi khon nété pas dégatés ?!