Hommage à Henri Merle – Le SWING DE L’HUISSIER

Un huissier s’est pointé chez moi.

J’avais signé un chèque en bois

Pour payer des pomp’s à Odile,

Des croquenots pur crocodile…

Un gros chèque en bois d’acajou,

Un chèque en vrai bois de filou…

Et quand l’huissier s’est annoncé,

Pour l’amadouer j’ai chanté :

“ Coupez-moi le gaz,

Mais m’coupez pas le jazz,

Embarquez l’armoire bretonne,

Mais pas les disques d’Ellington,

Saisissez couteaux et fourchettes,

Mais pas les galett’s de Bechet ! ”

Et l’huissier est monté chez moi,

Dans l’escalier claquait son pas,

Son pas pesant de crocodile,

Adieu les pieds mignons d’Odile,

Partie la veille à Tombouctou

Avec son banquier-manitou…

Et lorsque l’huissier a sonné

Pour le charmer, j’ai entonné :

“ Coupez-moi le gaz,

Mais m’coupez pas le jazz,

Emportez le pèse -liqueur

Mais laissez-moi Charlie Parker

Prenez la pendule ding-dong,

Mais épargnez le vieil Armstrong ! ”

Et l’huissier est entré chez-moi…

Il m’a dit : “Qu’est-ce-que tu bois ?

J’t’offre un verre au troquet d’en face,

Un triple whisky, et sans glace…

On va arroser ma retraite,

Je vais me mettre à la trompette. »

Et lorsque nous fûmes bourrés,

En duo, nous avons chanté :

 » Laissez-nous le gaz,

Et laissez nous le jazz!

Laissez-nous les vins, les liqueurs,

Tous les cédés de Chet Baker! « 

Et avec tous ceux qu’ont les glandes

On a formé notre big-band.

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