« Aimer sans être aimé, comme être le jouet d’une erreur ou d’un esprit malfaisant ».
Elle avait souligné cette phrase dans un livre lu cet automne – en novembre peut-être.
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Le vent, qui ne lui laissait jamais aucun répit, faisait tourner dans sa tête les ailes d’un moulin imaginaire, à toute vitesse. Elle se tenait là, derrière sa fenêtre, avec pour seul horizon ce jardin délavé par de trop longs hiver.
Le bruit des vagues, cette voix venue de la mer, ne cessait de l’appeler comme quelqu’un qui l’attendrait sans qu’elle en eut conscience. La voix se brisait en écume dans sa tête, se mêlant à l’étrave des nuages qui démembraient le ciel. Une voix d’outre-mer qui ne se taisait jamais et se muait peu à peu en des sortes d’acouphènes lui faisant perdre le sens de l’équilibre.
Aujourd’hui elle est seule face à elle-même, amaigrie, l’air d’une louve solitaire pouvant encore séduire tout autant qu’effrayer.
La fièvre la faisait parfois délirer, la projetant jusqu’à ces champs d’oliviers et d’orangers qui s’étalaient à perte de vue, ou sur cette corniche bordée de palmiers oscillants de plaisir sous un soleil de plomb.
La petite fille sauvage était restée cachée dans un repli de sa mémoire, fuyant toujours cette guerre sans nom qui n’en finissait pas de la rattraper.
Et puis ce voyage dans les feux de l’été, sans bagages ni billet de retour, qui l’avait conduite avec ses parents sur l’autre rive de son exil – dans l’étrange de ce pays qu’elle n’a pas reconnu…