Anne Perrin – J’aime pas l’amour

J’aime pas l’amour. J’aime pas les gens. J’aime pas les gens qui s’aiment. Toutes ces muqueuses. Tous ces liquides, ça dégouline. Ça suinte de partout. Ça rend les gens cons. Ils sont là, à se regarder dans le blanc des yeux. A pas savoir quoi se dire tellement leur bouche se colle l’une à l’autre. Cette proximité me dégoûte. Ils se répandent et se mélangent. Ça fait des drôles de bruits. Ça chuinte, ça colle, ça dégouline de partout.
J’ai des envies de meurtre à les voir se contacter, se toucher, se respirer, se mélanger de la sorte. Y en a pas un pour rattraper l’autre. Tellement comme s’ils étaient seuls sur terre. A n’exister que pour l’autre. A ne rien voir d’autre.
Ils sont là, tout frémissants, frétillants. Comme des ados qu’auraient oublié de grandir. A se faire des promesses éternelles. A prendre des airs d’éternité.
Je les vois là, allongés tout nus. Je vois sa bave suinter à la commissure de ses lèvres. Elle lui renifle le cou à la manière de la femelle chimpanzé. Le liquide coule, se répand, s’éparpille le long de sa joue. Réparti entre les poils drus, il se fraie un chemin sinueux le long du menton hagard. D’un doigt malhabile, tu essuies cette goutte persistante et tu portes à ta bouche son goût douçâtre et gluant.
Vos liquides se mélangent, excitées par leur contact, vos chairs se frôlent et se rassemblent. Tes gestes sont déjà plus sûrs pour glisser le long de son abdomen humide, suintant de sels et d’eau la rencontre animale.
Ta main attrape le sexe lourd d’inertie. Tu t’emploies à le serrer par touches répétitives. Tu le sens grossir et se durcir d’entre tes doigts.
Déjà, ta bouche se rapproche près du membre de moins en moins flasque. Son odeur te saisit à la gorge : rance, avec une pointe d’ammoniac. La vieille odeur d’un tiroir laissé longtemps fermé.
Tu réprimes un haut le cœur et patiemment, tu fais coulisser l’ardent objet de ton désir le long de ta cavité buccale.
Vos deux corps sont tendus à l’extrême, mus par le même désir d’accouplement.
Tu laisses glisser un doigt derrière deux testicules ratatinés. Tu explores l’anus tentateur qui se contracte à ton approche. Tu laisses couler un filet de bave à cette entrée si fièrement revêche.
Des odeurs âcres s’en échappent. De tes mains imprégnées, tu saisis la tignasse de ses cheveux de paille et vous accomplissez l’acte reproducteur.
De cet amour si fort, de cet amour rempli de liquides nauséabonds, l’enfant viendra excuser toute répugnance. Il sera le territoire infini du contact et, à la vue du monde, grandira, malgré le dégoût.
A son tour, il fera chère la chair de sa chair auprès d’une très chère.

Ainsi va le monde.

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