Destin de femme – Marie Angélique Virginie Sampeur, poétesse haïtienne (1839-1919) par Stéphane Martelly et Dieulermesson Petit Frère

C ‘est grâce à mon ami le poète Haïtien Claude Sterlin Rozema que j’ai découvert cette poétesse il y a peu. Considérée comme une grande voix de la poésie haïtienne du 19e siècle, sa poésie comme son parcours de vie, méritent d’être mis à l’honneur et je suis sure que comme moi le portrait de cette femme exceptionnelle, tout comme sa poésie, vous toucheront au coeur. Belle lecture !


Fille de Géroline Jérôme et Surpris Sampeur, Marie Angélique Virginie Sampeur naît à Port-au-Prince le 28 mars 1839. Elle fait ses études sous la direction de Monsieur Trichet, un instituteur français vivant en Haïti.

Polyglotte et cultivée, cette institutrice de formation écrit dès 17 ans ses premiers vers.

À 23 ans, soit en 1862, elle épouse le célèbre poète Oswald Durand avec qui, selon Alice Garoute, « elle croyait réaliser l’amour dans la poésie et la poésie dans l’amour ». Cependant, les infidelités nombreuses de Durand auront raison d’un tel idéal romantique.

Elle divorce de lui après neuf ans de mariage et épouse en secondes noces Louis Tacite Lamothe. De cette union naît à Port-au-Prince, en 1882, Ludovic Lamothe, compositeur et pianiste haïtien formé par le Conservatoire de Paris, surnommé le Chopin noir par les gens de son époque. Son grand-père Joseph Lamothe était musicien ; c’est en fait sa mère qui lui donne ses premières leçons de piano.


Institutrice, Virginie Sampeur Lamothe dirige à Port-au-Prince le Pensionnat National des Demoiselles pendant huit ans, de 1901 à 1909, tout en publiant ses poèmes dans diverses revues de l’époque et dans les Morceaux Choisis de M. Barutel, un « littérateur français » (Émile Marcelin), un ouvrage consacré exclusivement aux femmes.

Pourtant, peu de temps auparavant, entre ses deux mariages, elle aurait brûlé nombre de ses manuscrits avant de s’établir en France en 1876. Il nous reste ainsi très peu de traces de son œuvre et peu de témoignages. Georges Sylvain, un plus jeune contemporain, la compare à la poète grecque Sappho et à la reine poète Anacaona.


Son poème le plus connu, « L’abandonnée », lu traditionnellement comme l’expression véhémente de l’amour bafoué, subvertit quelque peu l’esthétique romantique, pour faire de l’invective l’occasion d’une véritable affirmation de soi.

Elle est également l’auteure d’Angèle Dufour, un roman « semi-autobiographique » inédit (Louis Morpeau) et des « fantaisies » publiées çà et là, dont « Le songe d’Estelle », « Francine » et « Vierge veuve » (Léila Lhérisson) et « Fleur révélatrice » (Émile Marcelin).


Ayant marqué les débuts de la littérature haïtienne, Virginie Sampeur peut être considérée comme la première poète et la première femme de lettres haïtienne. Il est remarquable que la voix des femmes s’inscrive dans la poésie haïtienne à travers un texte réclamant avec puissance et talent une forme d’émancipation et de dignité. Virginie Sampeur meurt à Port-au-Prince le 8 juin 1919.

Martelly, Stéphane et Dieulermesson Petit Frère. « Dossier Virginie Sampeur. » Site internet Ile en Ile, 2021

L’Abandonnée

Ah! si vous étiez mort! de mon âme meurtrie
Je ferais une tombe où, retraite chérie,
Mes larmes couleraient lentement, sans remords,
Que votre image en moi resterait radieuse!
Que sous le soleil mon âme aurait été joyeuse !
Ah! si vous étiez mort !
Je ferais de mon cœur l’urne mélancolique
Abritant du passé la suave relique,
Comme ces coffrets d’or qui gardent les parfums,
Je ferais de mon âme une ardente chapelle
Où toujours brillerait la dernière étincelle
De nos espoirs défunts,
Ah! si vous étiez mort, votre éternel silence,
Moins âpre qu’en ce jour, aurait votre éloquence,
Car ce ne serai plus le cruel abandon,
Je dirais : « Il est mort, mais il sait bien m’entendre,
Et peut-être, en mourant, n’a-t-il pu se défendre
De murmurer : Pardon ! »
Mais vous n’êtes pas mort! ô douleur sans mesure !
Regret qui fait jaillir le sang de ma blessure !
Je ne puis m’empêcher, moi, de me souvenir,
Même quand vous restez devant mes larmes vraies,
Sec et froid, sans donner à mes profondes plaies
L’aumône d’un soupir!…
Ingrat! vous vivez donc quand tout me dit vengeance !
Mais je n’écoute pas! À défaut d’espérance,
Le passé par instants revient, me berce encor…
Illusion, folie, ou vain rêve de femme !…
Je vous aimerai tant, si vous n’étiez qu’une âme.
Ah! que n’êtes-vous mort !

Au temps

Médecin de mon cœur naguère si souffrant,
Qu’as-tu fait de mon mal que je regrette tant ?
Rends-le moi, je t’en prie ;
Rends-moi mon autre vie ;
Rends-moi des jours passés le langoureux soupir
Et l’espoir décevant dont j’ai failli mourir,
Et mes douces chimères,
Et mes larmes amères !
Mon pauvre cœur va-t-il saigner encor, ô Temps ?
Connaîtra-t-il encor la foi de ses vingt ans ?
J’aurais trop peur d’y croire :
Cours à d’autres victoires !

Pour en savoir plus : https://www.haitiinter.com/virginie-sampeur-la-premiere-poetesse-haitienne/

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