BRAHMA ET LA FILLE DU MAHARAJA, UN CONTE DE CARMEN MONTET

Il y a bien longtemps, dans un pays lointain, (l’Inde, aujourd’hui )  un pauvre enfant, Brahma, partageait sa vie avec un vieil homme Sonhal. Le jeune garçon n’avait pas dix ans. Il avait été trouvé tout bébé, près du fleuve Gange, par ce vieillard, qui l’avait sauvé et élevé. C’était un sage, un homme de connaissances et de savoirs, jadis conseiller à la cour, mais disgracié pour ses controverses religieuses.

Leur misère était si grande, que pour survivre et aider son aïeul, le garçon louait ses services à de riches marchands de la ville. Il vivait dans la rue, dans la grande ville de Delhi. Comme tous les infortunés, ils se protégeaient de la pluie et du froid sous une hutte construite de roseaux et d’herbes hautes séchées. Le vieillard avait instruit Brahma de toute sa science. Élève intelligent et vif, il savait beaucoup de choses sur la vie, la religion, la philosophie que l’immense majorité de ses semblables ignoraient.

Un jour l’enfant croisa la procession du Maharaja : sept éléphants magnifiques, parés de tissus extraordinaires. Les pauvres se ruaient vers les majestueux animaux quémandant quelques pièces.Tout le peuple s’agenouilla quand le maharaja, lui-même fit arrêter le cortège et descendit de son siège. Le seigneur s’approcha des gamins, jeta au hasard quelques pièces d’or provoquant une bagarre monstre, et continua à pied, quelques mètres, son parcours. Brahma le regarda et le Mahrajah le remarqua : l’enfant ne baissait pas les yeux, il ne s’agenouillait pas et ne demandait rien. Il restait debout comme si, le Maharaja n’était rien d’autre, qu’un simple homme. Le Prince fit venir l’enfant vers lui :

– Qui te permets de ne pas me saluer comme tous les autres, les enfants, les femmes, les hommes, les vieux ?

– C’est que je crois sincèrement que vous n’êtes qu’un humain comme nous tous, et que dans l’au-delà, vous deviendrez un pauvre à votre tour, et que moi, je serai à votre place.

Le Roi troublé par de tels propos lui dit :

– Qui t’a enseigné cela ? Qui est ton maître ? Qui raconte de telles sottises et de tels propos rebelles à mon égard ?

Brahma se tut mais le Maharaja ne voulut pas en rester là.

– Qu’on l’attache et qu’on lui donne cent coups de fouet pour lui faire comprendre qui est le Maître éternel ici bas, et au ciel, hier, aujourd’hui, et demain !

On attacha l’enfant à un pieu et le chef des gardes, le fouetta sauvagement. L’enfant n’aurait pas résisté à cent coups de fouet. C’est alors que la fille aînée du Maharaja, Genesha qui avait le même âge que Brahma, descendit de son éléphant et se précipita aux pieds de son père .

– Seigneur, c’est le jour de mon anniversaire ! Je ne vous ai rien demandé encore, mais accordez- moi la grâce d’arrêter ces coup de fouets : arrêtons -là ! C’est mon désir !

Le père regarda sa fille. Le garçon était déjà inconscient.Il fit arrêter le fouet et a caravane reprit sa route.

Brahma gisait, à terre, le peuple effrayé et soumis s’agenouilla encore devant la caravane. On alla chercher le père « adoptif de Brahma » qui le porta jusqu’à sa hutte, le soigna de ses plantes, de sa science et de son amour. Il le veilla quarante jours. Entre deux mondes, celui d’ici bas et celui du Haut, l’enfant resta prisonnier. Puis enfin il reprit conscience, et peu à peu il put remarcher. Le vieil homme décida de quitter le pays et l’emmena loin du Maharaja et de sa folie. Ils trouvèrent asile dans le palais d’un petit seigneur qui était fort mal en point. Sonhal le guérit, grâce à sa science médicinale. Le Seigneur lui proposa l’hospitalité à lui et à son fils Brahma, en échange d’un bon enseignement et lui proposa un poste de précepteur, pour son jeune fils : Mitar, de l’âge de Brahma.

Ainsi durant  dix ans qui suivirent ,Brahama et Solhen purent vivre loin de toutes craintes, protégés, dans l’estime des gens du palais. Le temps passa paisiblement. Mitar et son compagnon Brahma, avaient maintenant tous deux vingt ans.

De son côté, Genesha, la fille du Maharajah qui avait battu  si fort Brahma, devait prendre époux. Or aucun  des prétendants de la plus haute caste sociale du pays, qu’on lui présenta,ne trouvèrent grâce à ses yeux. Alors le Maharaja décida d’étendre aux jeunes seigneurs, ceux de seconde caste, des provinces voisines, son offre de mariage. Ainsi Mitar se rendit à Delhi accompagné de son père de sa mère pout tenter sa chance auprès de la princesse et demanda à Brahma, son presque frère,  de l’accompagner. Mais Sonhal refusa et  expliqua  au Seigneur, les événements de dix ans en arrière qui avaient été à l’origine de leur fuite. 

– Tu as raison Sonhal, ! Dit le Seigneur, Il vaut mieux que tu restes ici avec Brahma. De plus, il paraît que la princesse est assez capricieuse ! Ton fils est bien plus beau que le mien ! Tout le monde en convient : il est fort, bien fait, et ses yeux sont magnifiques. Imagine que la princesse, qui l’a sauvé naguère, tombe amoureuse de lui ! Le Maharaja, cette fois, fera tout pour l’éliminer !

– Effectivement maître ! dit le vieil homme c’est pour cela que je ne voulais pas que Brahma s’approche de la cour.

Il fut convenu que les deux protégés n’accompagneraient pas le jeune homme Mitar, à Delhi. Mitar, se rendit donc seul au Palais de Delhi. La Princesse ne fut pas intéressée par lui, elle lui  dit :

– Je recherche un homme capable de m’apprendre des choses, capable de me surprendre, courageux généreux et brave.

– Princesse ! lui dit Mirar ! Je suis peut-être cet homme là ?

– Ah vraiment eh bien explique- toi ! répondit-elle d’un ton hautain.

Mitar lui parla de toutes les choses que le vieux Sonhal lui avaient apprises : les plantes guérisseuses, l’interprétation des rêves, l’observation des astres, de la nature, le chant des oiseaux, comment soigner les plaies, la fièvre, la médecine ,quoi ! Il lui parla de ses lectures sacrées de la religion hindouiste : « tout naît, meurt et renaît sans cesse », de la place de chacun. La roue qui tourne : aujourd’hui tu es Roi demain tu seras mendiant. La princesse l’écoutait avec attention.

-Tu connais beaucoup de choses ! Qui te les a apprises ?

-Un maître ! Un vénérable ! Sonhal un vieillard recueilli par mon père.

– Soit ! Mais qu’as tu fais de courageux toi ? En quoi es-tu un homme brave, généreux ?

Mitar ajouta d’un trait :

– Oui je suis sage et brave ! J’ai recueilli en plus du vieillard, son fils Brahma qui devait fuir le Maharaja pour l’avoir provoqué. J’en ai fait mon ami. Je n’ai pas tenu compte de ses origines simples pour le traiter et l’aimer comme mon frère. Quand ils sont venus chez moi , lui et le vieil homme qui le trouva jadis, ils étaient pauvres, malades et tremblants. Je les ai aidés , et leur ai donné l’hospitalité ! Oui je sais que c’est mon père qui leur ouvrit sa porte et leur offrit le gite le couvert, mais moi , je leur ai ouvert mon coeur ! Ils sont tout deux en bonne santé, et Brahma est bien plus fort que moi et bien plus beau aussi ! Mais il n’est pas de famille noble ! Princesse.

– Sais -tu que c’est à moi que Brahama doit la vie ? Ajouta la princesse qui venait de comprendre de qui parlait Mitar. J’ai demandé à mon père d’arrêter qu’on le fouette ! De plus, j’ai su que c’est le vieil homme qui le soigna grâce à sa science, qu’il put s’en sorti, et non grâce à toi. J’ai su qu’ils quittèrent la région .On m’a dit qu’ils étaient partis loin, en pays de Mongolie.

– Ils demandèrent l’asile en mon palais ! Je sais que Brahma fut sauvé par Sonhal, mais ils profitèrent de l’hospitalité de mon père.

– Certes ! Cela est très bien ! Tu m’as convaincue Mitar ! Mais à présent pour confirmer tes dires, je veux que tu fasses venir ici Brahma !

Mitar se retira et partit à la recherche de son père et lui expliqua ce qui était arrivé :

– J’ai toutes mes chances! J’ai séduit Genesca par la science que m’a enseignée Sonham, j’ai ému la princesse par mon courage et notre générosité en recueillant Brahma et en lui donnant l’hospitalité !

– Idiot ! Hurla le père ! Idiot ! Maintenant il va falloir sortir Brahma de la cachette dans laquelle on l’avait mis en sécurité. Comment peut-tu être satisfait de cela ? Il est vivant et le Maharaja l’avait fouetté  ! Il est plus beau que toi ! La princesse se souvenait encore de lui ! Que croit -tu qu’il va se passer ? Elle va tomber amoureuse de lui, et lui d’elle, et nous aurons tous les problèmes !

– Mais j’ai dit tout cela pour me valoriser, pour nous valoriser ! Que faire à présent ?

– J’irai auprès de la princesse, et toi pars au palais prévenir Sonhal. Dis-lui de partir au plus vite dans le pays voisin le Pakistan, ou plus loin encore.Nous dirons qu’ils se sont retirés en ermites dans une colline étrangère pour vivre en paix avec leur conscience et que nous n’avons plus de leurs nouvelles depuis des mois.

Ainsi fut fait….Sonhal partit dans la montagne avec Brahma et on dit à Genesta que le jeune homme avait fait son choix : la religion et consacrait sa vie à la méditation et à la résignation. La princesse ne put retarder son mariage d’avantage et épousa celui qui l’avait surprise mais elle garda secrètement au fond de son coeur, l’ espoir fou de retrouver Brahma qu’elle n’avait jamais oublié ! Elle savait que si quelqu’un pouvait avoir des nouvelles de lui, ce ne pouvait être que Mitar.

Trois ans passèrent. Genesta n’eut pas d’enfant. Après de nombreuses collations et prières, on comprit que cela venait, non pas de la jeune femme, mais de son époux. Mitar en fut très attristé. Lors d’une guerre contre les mongols envahisseurs, Mitar fut capturé et tué. Le royaume de Delhi, tomba, alors, aux mains des rebelles. Le palais fut pillé et le Maharaja et la princesse trouvèrent leur salut, en fuyant vers le pays du Pakistan. Ce fut une terrible épreuve. Les pillards mongols prirent la grande ville de Delhi  et y installèrent leur roi.

Dans les montagnes arides, du Nord de l’Inde ,Genesta et ce qui restait de la cour du Maharaja, survécurent dans des grottes, en se cachant car les mongols  promettaient une belle récompense à ceux qui livreraient le Maharaja. Ce dernier, prit la fièvre ainsi que ses serviteurs et rien pour les soigner. Genesta se souvint alors que dans ces montagnes, devait vivre le vieillard de science : celui qui avait été recueilli par son mari. On envoya des messagers. On remua ciel et terre et enfin, on retrouva le vieillard.

– Il faut venir sauver le Maharaja ! Lui dit-on.

– Je suis trop malade. Je ne peux me déplacer !

– Envoie ton fils ! Il connait ta science !

– Oui il l’a connait ! Brahma va ! Va sauver le  Maharaja.

– Non ! hurla le jeune homme, Le Maharaja en a voulu à ma vie et m’a fouetté enfant !

– Vas-y, insista le vieil homme,  c’est mon dernier souhait ! Là est ton destin ! Un destin merveilleux t’attend. C’est ton karma : un chemin au départ, difficile, rempli d’embûches, avant d’ atteindre la plaine inondée de soleil .

– Je ne veux pas te laisser seul ici !

– Quand tu reviendras, je serai encore auprès de toi, je t’attendrais !

Brahma suivit le garde pour faire plaisir à Sonhal. Quand il arriva à la grotte, il vit Genesta plus belle que jamais ; elle l’attendait : leur regard fondirent l’un dans l’autre. Le jeune homme aida à soulager le mal du père et put guérir aussi les autres membres de la famille royale. Puis, les soins faits,  il retourna vers Sonhal.

– Ainsi le chemin est tracé ! dit Sonhal. Je vais mourir bientôt et tu épouseras Genesta !

– Non ! Père vous allez vivre ! Jamais le Maharaja ne voudra de moi !

– Lui non ! mais sa fille l’héritière du trône, la seule tu le sais ! elle, Oui !

– Mais comment ?

– Le Maharajah sera esclave des mongols quand le soleil se couchera sur cette colline. Dès lors, il n’y aura plus aucun obstacle à ton bonheur. Mais tu devras pendant des années combattre les mongols mais tu réussiras à les repousser loin de l’Inde. De plus, tu devras honorer la religion hindouiste, et construire des dispensaires et hospices pour les pauvres.Toute une vie t’attend. Tu auras trois filles et quatre garçons qui poursuivront ta lignée. Tu vivras très vieux et un jour, ici, tu viendras pour me retrouver et passer dans l’autre monde.

Le Maharaja fut soigné et sauvé par Brahma mais comme il était un homme mauvais, nous le savons, il refusa sa fille à Brahma. Le jeune homme bien que très vertueux et beau n’était pas d’une caste Noble et par sa naissance ne pouvait accéder au rang de haut dignitaire. Il ignorait lui-même ses origines de naissance…Alors dépité il partit. Genesta décida de le suivre malgré son père, et les jeunes gens s’enfuirent ensemble. Deux nuits plus tar , tout le trésor que le Maharaja avait réussi à emporter lors de sa fuite fut volé par ses gardes et des complices espions des Mongols : on tua la femme du Maharajah, ainsi que ses serviteurs. On le captura  et on l’emmena au Palais de Delhi pour qu’il devienne esclave du Chef Mongol.

-Tu devras me servir tout le restant de tes jours, je te traiterai pire que le dernier de tes esclaves car tu es mauvais ! Lui dit le Mogol . Tu te nourriras de mes restes et des restes des chiens. Qu’on l’attache à une corde et qu’il reste ici à la vue de tous dans des haillons .. . Le maharajah fut exposé à la furie de la foule des Hindous et des mongols qui se vengèrent de ses méchants actes et lui lancèrent cailloux et détritus. Il resta ainsi des jours et des jours. Puis il fut emmené au Palais où il devait nettoyer les latrines, les poubelles et faire les pires besognes avilissantes et humiliantes..

Pendant ce temps, Braham quitta la montagne et rejoignit le pays voisin. Il y épousa la belle Genesta et ils vécurent de la science du jeune homme qui officia comme  médecin et conseiller du seigneur local , et aussi de précepteur pour les enfants de celui-ci. Sohnal mourut paisiblement entouré de son fils adoptif, de ses petits enfants et de ses amis.

Le temps passa… dix ans : dix ans d’enfer pour le Maharaja. Lorsqu’il mourut seul, ses dernières pensées furent pour Brahama et sa fille :

– Oh combien tu avais raison mon fils ! Ici rien n’est éternel !

Pendant ce temps l’occupation des envahisseurs Mongols était très mal vécue : les étrangers ignoraient tout de la religion hindouiste et l’interdisait. Ils affamaient le peuple en imposant des impôts exorbitants. La résistance s’organisa petit à petit : d’abord des mouvements ici et là, des incendies de palais, des meurtres puis la grande rébellion. Il fallait un chef pour fédérer les groupes et les tribus hindous. Ce fut Braham qui fut choisit en raison de sa valeur. Il livra bataille aux Mongols et les repoussa hors de Delhi et de l’Inde. Alors on le proclama : Roi ,Maharaja ! Le pauvre enfant fouetté par l’ancien Maharaja devenait à son tour Roi ! On célébra cette victoire grandement. Genesta retrouva son palais et son titre. Ses enfants vécurent comme de s princes et des princesses. Braham fut un Roi digne généreux et soucieux des pauvres pour avoir été longtemps pauvre lui-même. Et Brahma vécut heureux et longtemps avec Genesta et  leur sept enfants.

Ainsi tout change, tout tourne ! La grande Roue de l’Univers peut te mettre tout en haut vers le Soleil ou tout en bas et t ‘écraser. Tu vois la lumière ou tu vois l’ombre. Rien n’est stable et définitif. Un jour tu es Roi demain tu seras mendiant ! Tout bouge, tout peut  basculer d’un instant à l’autre.

La seule certitude dans ce monde est le fait que rien n’est sûr !

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