Fables et fabulistes – Jean Anouilh -L’enterrement

Le chien suivait l’enterrement du maître.

Il pensait aux caresses ;

Et il pensait aux coups.

Les caresses étaient plus fortes…

Dans le cortège, on s’indignait beaucoup.

On excusait la veuve — elle était comme morte.

On pardonnait à la maîtresse

(Elle était morte aussi).

Mais, qu’en la présence du prêtre,

La bonne ait pu laisser vagabonder ainsi

Ce chien au milieu du cortège !

Ah !
Ces filles vraiment ne se font nul souci.

Quelqu’un, l’ordonnateur, la famille, que sais-je ?

Aurait dû l’obliger à attacher le chien !

Elle-même, voyons !

C’est une propre à rien

Qui n’avait même pas l’excuse du chagrin.

Pourquoi la gardaient-ils?

Un ménage d’artistes…

De véritables bohémiens.

Ce monde-là vivait d’une étrange manière…

De coup de pied en coup de pied dans le derrière,

Rejeté à la queue du cortège, le chien

Songeait que seule la bonne était triste;

La bonne qui ne disait rien,

Et à qui ne parlait personne.

Il suivit jusqu’au bout aux côtés de la bonne.

Au cimetière, tous les deux au dernier rang

Ils écoutèrent le discours du président

De la Société des Auteurs Dramatiques.

A la fin, las du pathétique,

Le chien s’avança posément

Et, pour venger un peu la bonne,

Il pissa sur une couronne.

Hugomanie

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