Jo Cassen – Une simple habitude

Pouvait-il partager sa morne solitude
Sans risquer de lasser et même déranger ?
Il choisit de se taire, une simple habitude
Qui rassure alentour, ami comme étranger.
Pourquoi dire au soleil l’infernale souffrance,
L’horizon invisible et les chemins tortus ?
Pourquoi maudire un vent qui chasse l’espérance
Loin du douillet confort des braves gens obtus ?
Comment oser l’estoc si l’écoute s’éclipse ?
Qui ne veut pas entendre évite le contact,
Se replie en des lieux loin de l’apocalypse…
On s’imagine sage en oubliant le tact.
En refusant de voir on choisit le silence,
Celui qui parlerait, deviendrait un suspect ;
L’allégeance flétrit l’insigne turbulence ;
Courber l’échine encor, demeurer circonspect !
Pouvait-il partager sa morne solitude
Sans risquer de lasser et même déranger ?
Il choisit de se taire, une simple habitude
Qui rassure alentour, ami comme étranger.
Un pas après un pas, il marchait seul au monde,
Il savait cette issue, il en avait rêvé,
Il ne cracherait plus dans cette soupe immonde,
Il ne voulait plus être un horrible endêvé.
De ce mal trop profond nul ne disait l’outrage,
Chacun s’habituait, riait de son malheur
Presque sans sourciller, maîtrisait son courage,
Pour se fondre en la foule aux règles sans valeur.
Ce n’était pas un jeu, juste un moment de vie,
Une histoire banale ignorant le plaisir,
Un machin insipide orphelin de l’envie,
Une page sans gloire, un déchet de désir.
Pouvait-il partager sa morne solitude
Sans risquer de lasser et même déranger ?
Il choisit de se taire, une simple habitude
Qui rassure alentour, ami comme étranger.
« La Vie de Château »