Je rêve d’un cahier où tout le monde écrirait. J’imagine quelquefois en laisser un en ville, à l’abri de la pluie, sous un kiosque par exemple ou un arrêt de bus, avec un crayon relié à un fil. Chacun serait invité à rapporter ce qu’il aime le plus, ce qui le révolte et pourquoi pas son rêve.
On pourrait y dessiner, ajouter un ticket de cinéma, un plan de ville, un « papillon » …
Parmi les souhaits de chacun, on découvrirait les doléances les plus unanimes. Parmi les bonheurs, quoi du monde, chacun a reçu en cadeau.
Il réunirait toutes les langues et toutes leurs traductions ; tous les prénoms … on pourrait les fredonner comme les sons qu’on entend pour la première fois et dont les sonorités nous étonnent et nous plaisent.
Peut-être qu’on pourrait en faire deux copies, chacune destinée à des êtres futurs. Une destinée aux archéologues de demain. Une autre que l’on enverrait dans l’espace, comme il a déjà été fait avec celle qui transporte désormais dans l’univers, à côté des connaissances et du message choisis par les savants, la musique de Mozart et de Blind Billie Johnson.
D’ailleurs, il y aurait des pages où l’on s’adresserait tout spécialement à ces destinataires inconnus mais rêvés depuis si longtemps …
Non.
Pas deux copies.
Pas seulement.
On retirerait le cahier le temps de le faire publier, puis on le reposerait bien à l’abri, avec son crayon en bandoulière, comme une ombre pour connaître le temps.
On le ferait publier par une petite maison d’éditions et on ne le vendrait pas cher.
À la fin de chaque exemplaire, on laisserait plein de pages blanches exprès, et il n’en finirait jamais !
