
Surnommée » Madame Sans-Gêne « Marie-Thérèse Figueur est une soldate enrôlée dans l’armée révolutionnaire au 15e régiment des Dragons, malgré la loi qui interdisait la présence de femmes dans l’armée française. Elle participera aux grandes batailles de l’an II à l’an VIII. Faite deux fois prisonnière, elle sauvera la vie du Général Nouguez . Blessée à plusieurs reprises, elle retourne toujours sur les champs de bataille dès la convalescence achevée. Malgré toute une vie au service de la nation et malgré de nombreux faits d’armes, elle ne recevra pour reconnaissance qu’une maigre pension pour sa retraite et l’oubli de l’histoire. Le Dix Vins blog rend aujourd’hui hommage à cette soldate oubliée et à son destin particulier.

Marie-Thérèse Figueur nait en Bourgogne le 17 janvier 1774 à Talmay, petit village de la Côte d’or. Sa naissance coute la vie à sa mère et jusqu’à ses neuf ans elle est élevée par son père, meunier mais issu d’une vieille famille de petite noblesse. À la mort de celui-ci, elle part vivre auprès de son oncle maternel, sa belle-mère ne souhaitant s’occuper d’elle. Son oncle, Jean Viard est officier d’artillerie dans l’armée royale, il se retirera du service avec le grade de capitaine et la croix de la Légion d’honneur. Éblouie par cet oncle, ses faits d’arme et attirée par l’armée, la jeune fille s’engage avec l’accord de son tuteur et rejoint à 19 ans la batterie d’artillerie fédéraliste commandée par ce dernier. Elle combat donc contre les troupes républicaines malgré sa tristesse de voir le pays se déchirer.
Marie Thérése Figueur est faite prisonnière par les troupes Républicaines quelques mois plus tard. Le courage, le franc-parler et la force de caractère de la jeune femme poussent les Républicains à lui proposer de rejoindre leurs rangs. La cause fédéraliste étant définitivement perdu, elle accepte avec empressement, d’autant que pour elle l’armée est devenue sa famille et sa raison d’être.
Le 9 juillet 1793, son oncle l’autorise à s’engager comme cantinière dans la Légion des Allobroges commandée par le colonel Pinon, d’abord au 15e puis au 9e régiment de Dragons. C’est dans cette arme que la jeune Thérèse fait toutes les campagnes de la République et de l’Empire. C’est là aussi qu’elle gagne son surnom de « Sans-Gêne », qu’elle doit à son caractère masculin et à sa carrière aventureuse. Ses camarades la décrivent comme aussi séduisante qu’intrépide et ses supérieurs notent qu’elle est aussi appliquée à l’entraînement que pour aller danser.
Blessée une première fois lors du siège de Toulon en 1793, où Bonaparte se distingue, elle le traite de “petit moricaud” (en français moderne : sâle bougne …) pour s’être fait punir à cause d’un message pas assez vite porté, sous le feu ennemi…
Elle sera de quasi toutes les campagnes de l’an II (1792) à l’an VIII (1798) aux armées du Rhin mais aussi d’Allemagne et d’Helvétie. En 1793, lors du combat de la Fonderie, elle sauve la vie du général Nougues blessé à la tête par une balle et le ramène sous le feu de l’ennemi. Grâce à son courage, le général qui vivra encore 15 ans grâce à elle, finira député et Connétable de l’Empire. Lors de la bataille de Savigliano en novembre 1799, elle reçoit quatre coups de sabre et est faite deux fois prisonnière (prise une 1ere fois elle s’évade et à nouveau capturée, s’évade encore, en traversant le camp ennemi en rampant) ce qui contribue à renforcer l’admiration de ses compagnons et à créer sa légende de soldate intrépide et courageuse.
La soldate Sans-Gêne aime l’armée, le combat, mais refuse d’être pourtant nommée caporal pour ses faits d’armes. Elle épouse un sous-officier du 8ᵉ Régiment de Hussards et le suit au sein de son régiment, y reste quand il en est muté, avant de repartir à nouveau les Dragons, et de continuer à y écrire sa légende.
En 1800, sur recommandations des généraux Augereau et Lannes, elle est mise en retraite forcée à 26 ans pour convalescence après avoir encore refusé une promotion comme sous-officier, mais reçoit quand même la pension d’un sous-officier.

Une fois remise de ses blessures, qu’à cela ne tienne, Marie Thérèse reprend le chemin de l’armée et se présente à nouveau chez les Dragons en 1802, où elle demande à rester soldat de base. Par sa naissance (petite noblesse)et son glorieux passif militaire elle peut signer son engagement en qualité de “gentilhomme volontaire“ (ce qui aujourd’hui correspondrait à caporale chef). Cela lui permet d’assister à des cérémonies officielles où elle dîne en compagnie de Napoléon alors Premier Consul de France et durant quelques semaines sera dame de compagnie auprès de Joséphine de Beauharnais. Mais L’armée, lui manque aussi Lorsque son ami, le Général Augereau devenu maréchal, lui propose de devenir l’aide de camp de sa femme qui comme Marie-Thérèse aime les champs de bataille et les cavalcades elle accepte sans hésiter.

Avec l’Empire, les guerres se succèdent et le régiment de Marie-Thérèse repart au combat à sa grande joie : elle n’aime rien tant que se battre sur le champ de bataille : Ulm, Austerlitz, Iena : elle est de tous les combats, et y s’illustre à chaque fois. Sa réputation la précède et la Sans Gêne est souvent décrite comme une soldate hors pair au courage exceptionnel.
En 1806 victime d’un grave accident de cheval, elle est obligée de se retirer trois ans des combats avant de reprendre du service en 1809, rejoint un des régiments d’infanterie de la Garde Impériale pour combattre en simple soldat, à nouveau, en Espagne où elle est capturée et envoyée en prison en Angleterre. Elle sera libérée 2 ans plus tard. Elle a 41 ans. On l’affecte aux Chasseurs à Cheval du Roi, qui redevient Chasseurs à Cheval de la Garde au retour de Napoléon. Mais on lui refuse ensuite toute affectation à un poste de combat pour la Campagne de France, et elle ne peut participer à Waterloo et finit sa carrière en simple cantinière. Elle prend sa retraite peu après et en juillet 1818, elle épouse en secondes noces Clément Joseph Melchior Sutter son ami d’enfance, devenu adjudant-chef dans une unité d’élite de cavalerie de la Garde Royale après avoir fait, de son côté, toutes les guerres de l’Empire. Elle a44.
Quelques années plus tard, elle écrit ses mémoires de soldate et se voit attribuer une pension supplémentaire par Napoléon III.

Elle finit ses jours à l’hospice des Petites Maisons à paris, et y meurt en 1861 à 86 ans. Celle dont un des généraux de la République naissante disait : “je n’ai jamais connu de soldat plus brave“ aura été une véritable légende de son vivant, admirée par Napoléon lui-même. Marie-Thérèse soldate « Sans gêne » aura servi la France de l’Ancien Régime, de la République, du Consulat, de l’Empire et la Monarchie, combattant quelque soit l’ennemi en respectant les vertus militaires, humaines et morales.
Femme au destin extraordinaire, Marie-Thérése Figueur , soldate » Sans-Géne « est pourtant, comme beaucoup d’autres femmes remarquables, une oubliée de l’Histoire alors que son courage et sa bravoure furent bien supérieurs à celles de tant d’hommes dont l’histoire se pare pourtant.
En, 1893, Victorien Sardou lui donnera un regain de popularité en créant au théâtre du Vaudeville sa comédie » Madame Sans-Gêne » mais choisissant, pour des raisons dramaturgiques, d’attribuer ce surnom à la maréchale Lefebvre, Catherine Hubscher.