Le Cinéma de Philippe Guillaume :  » Samson ET Dalila  » ( 1949 ) – Cécile B de Mille

Vous avez peut-être remarqué,en parlant avec vos proches, que tout comme celle d’ « A la recherche du temps perdu« , la lecture de la Bible est toujours remise aux calendes grecques, aux prochaines vacances, à la retraite ( ce qui par les temps qui courent n’est pas pour demain). Ce n’est pas faute de faire la retape en promettant au lecteur bruit, passion, fureur, turpitudes et violences, mais chat échaudé craint l’eau tiède et la moraline.

Les producteurs de la Paramount ne pensaient pas autrement quand Cecil B.de Mille leur proposa  » Samson et Dalila  » :

 » Quoi? investir des millions de dollars dans une histoire de catéchisme ?  » Mais De Mille leur montra les croquis suggestifs de son pre-designer et ils revinrent à de meilleurs sentiments :

 » Ah bon ? c’est cela que vous voulez faire..vous comprenez..nous pensions..mais ça c’est différent! c’est très bien! »(1)

Oui, De Mille pensait qu’habiller de respect les personnages de la Bible revenait à les priver de cette humanité qu’il souhaitait leur redonner.

Yahvé, contraint et forcé, veut bien filer un coup de main à son peuple après moult supplications et imprécations. Il est un fin politique et les parents de Samson ignorent qu’en instrumentalisant leur fils il cherche un sujet de querelle avec les oppresseurs philistins.

Quand l’esprit de Dieu descendra sur ce solide gaillard, tombé dans la marmite de potion magique divine quand il était petit, ce sera pour l’aider à tuer pas moins de trente hommes .. « Ceux qu’il a fait mourir en mourant sont plus nombreux que ceux qu’il fit mourir durant sa vie « , lit -on.

Une oraison funèbre peu orthodoxe ! Pas très catholique, ce rude berger que ses ennemis pensent coincer alors qu’il se rend à Gaza et entre chez une prostituée ! Victor Mature lui prête sa puissante musculature et ce magnifique regard bovin dont vont le priver ses bourreaux.

Le Livre des Juges se montre plus laconique en ce qui concerne sa rencontre avec Dalila, c’est pourquoi De Mille, conteur né, comble les lacunes de l’histoire en donnant un mobile plus vraisemblable que la pure vénalité à la merveilleuse traîtresse Dalila.

Après l’incendie de sa maison, la ruine de son père et la mort de sa sœur, que Samson lui préféra, Dalila, gourde un peu cruche,  » vendeuse de Prisunic séduisant son chef de rayon « (Serge Daney) conduit son cortège d’hétaïres itinérantes dans les collines dépouillées et désertiques de Palestine et le viril danite tombe dans ses rets de séductrice professionnelle.

Avec elle, il se lâche et se relâche, déclame de la poésie à deux balles en croquant des dattes dans un petit coin de paradis semblable au décor de ces crèches de Noël ou cohabitent palmiers, oasis et fontaines provençales. Et le voilà bientôt piégé, privé du spectacle d’Hedy Lamarr dont les yeux du spectateur se régalent…

Dalila, en perpétuelle représentation dans le plus pur style orientaliste du XIXeme, enrage de constater que Samson ne peut plus la VOIR et, donc ,la DESIRER..elle usera du fouet pour le conduire vers les colonnes du temple, devant un parterre de mégères aux appas mûrs et blets, à peine réhaussés par l’artifice du maquillage, émoustillées par le spectacle de ce torse viril supplicié.

Le Temple s’écroule sur ce peuple dénué de conscience politique et sur son souverain qui, dans un magnifique élan de cynisme nihiliste, lève une dernière fois sa coupe à Dalila (Sublime George Sanders!!!)

Pour DeMille, il s’agit d’enluminer une  » sacrée bonne histoire  » et non d’illustrer platement une histoire sacrée. L’attraction érotique, l’oppression d’un peuple, la trahison, la résistance, etc., constances de l’histoire humaine.

Serge Daney y décelait  » une image structurale du désir « et j’ai lu quelque part que l’utilisation de la parole dans  » Les dix commandements  » apparentait De Mille à Marguerite Duras..mais aussi au cinéma des Straub, à Hans Jurgen Syberberg.

Au sein du factice, du carton-pâte, et de la reconstitution désignée comme telle, surgit la vérité d’un geste, d’un regard, d’une émotion.

« Il reconstitue les objets , les costumes…mais toute rupture lui est bonne qui met à distance l’événement, l’arrache à l’Histoire réelle et le propose à notre étonnement ». Ce n’est pas à propos de De Mille que Germaine Surreau disait cela mais à propos de Brecht….Trop fort!

(1)Citations extraites de l’autobiographie de De MILLE inédite en France, mais dont on peut lire de larges extraits dans le numéro 24- 25 de  » Présence du cinéma « ( Automne1967 ) à condition de se procurer cette revue.. Ce qui n’est pas gagné !

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