Micro Nouvelle : Auguste Loranger- Martine Pichoir –

Auguste Loranger ne porte pas bien son nom. Il déteste les couleurs. Hier encore, sous le soleil de juin il faisait grise mine.

Ah ! Toutes ces marguerites au cœur soufré, diabolique, qui reçoivent sans vergogne et sans pudeur apollons blancs ocellés de rouge, paons du jour multicolores, Zygènes aux fines et longues ailes noires et rouges… Indécentes ces copulations ! Et ces coquelicots enorgueillis de leurs coroles pourpres, franchement, pourquoi pas des cardinaux au milieu des champs ? Et ces trolles et boutons d’or à l’arrogance de bijoux suspendus au creux des chemins. Berk !

Rien, ne trouvait grâce à ses yeux émeraude, brillant d’un éclat qu’il n’avait jamais à plus de soixante-dix ans, voulu admettre.

A quoi ça sert, des yeux verts ?

A vingt ans, timide, il s’était couvert de ridicule devant une belle jeunette fraîche, vive comme l’eau des torrents turquoise qui descendent de la montagne. Ce jour-là, ébahi il n’avait pas pu lui décocher un mot, avait rougi, avant de tourner le dos sous ses rires moqueurs.

Enfin, si depuis toujours, monsieur Loranger avait accumulé gaffes, erreurs, manquements, il avait rêvé souvent d’une vie aux couleurs d’aurore boréale nimbée de vert et de bleu atténués.

Costumé de vêtements noirs, qui ne mettaient pas en valeur son grand corps sculpté par le travail des champs, il cachait ses cheveux blonds-roux sous un chapeau à larges rebords.

On aurait dit un croque-mort.

Jusqu’à hier, il avait plutôt broyé du noir que bu du petit lait.

Et surgie de nulle part, une randonneuse est passée par là.

Elle lui a demandé le gîte et le couvert, ça ne se refuse pas.

Elle était gaie, pétillante !

Il n’en revenait pas d’éprouver de la joie devant ses cheveux poivre-et-sel, qu’il admirait en silence ! Et ses yeux, directs, noisettes, étincelants comme les galets d’une rivière translucide. Et ses mots, si doux, si simples, si vrais ! Et ses rires, si directs, spontanés !

Ce matin, après des ablutions rieuses à la fontaine, elle a repris la route. Il l’a regardée s’éloigner sans tristesse, heureux même. Il a enfin croisé son aurore boréale pour la vie !

Le Cercle des Lettres et des Arts

À le plaisir de vous inviter à rencontrer une auteure régionale, Mme Anne Robin, qui vous parlera d’un de ses ouvrages  » La pêche aux pensées « , avec des intermèdes musicaux à la flûte traversière, le 12 avril 2022 , à la maison des Associations 4 rue André Malraux.

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