Je dormais…Edgar R. Gryolet

J’écrivis cette série de vers parce que j’eus soudain envie de croquer un fruit de l’arbre qu’une divinité inconnue avait planté au fond du jardin, entre un buisson d’orties et la mare aux canards.

Je dormais sur ma planète

Je dormais sur un tapis

Je dormais sur la carpette

Je dormais sur un parvis

Je dormais dans un escalier

Je dormais sous un peuplier

Pendant ce temps, monde sphérique,

Boule amère et craquelée

Tu roulais, tu tournais,

Tu tourneboulais, toute gaie

Comme un inarrêtable bilboquet

Tandis que je dormais

La tête sur un chat

La tête sur un édredon (quelle drôle d’idée ?)

La tête dans ses bras

La tête sur un mouton,

La tête sous une croix,

La tête en bas,

La tête en l’air,

La tête sur une cafetière

Je voyais ma vie en rêve

Je voyais ma vie sans trêve,

Un esquif sur une grève

Un Ulysse aux petits bras

Sur une barque à fond plat

Le long des berges d’un canal, attend Pénélope

Qui traîne dans des milieux interlopes

Tandis que son mari, hop !

Se tape une nymphe au Calypso

Puis rembarque, hisse et ho !

Pour d’autres galères sur son radeau

Sa friable coque de noix

Se bagarrant dans des tavernes à soldats

Avec d’ombrageux cyclopes

Tandis que la sémillante Pénélope

Fait patienter d’ambitieux politiciens

Rêvant de poser sur le trône leur arrière-train

Je m’éveillai au son d’un tambourin

Au son d’un chant de marin

Au son d’une clochette

Au son d’une tempête

Au creux de mon émoi

Au creux d’un merveilleux sous-bois

Apaisé par une si belle nuit

Je résolus de partir aussi

À l’aventure, à l’assaut

Prenant les illusions au lasso

Pour les forcer à m’être soumises

Pour troquer contre ma chemise

Un bateau qui prend l’eau, un cheval rétif,

Une auto vêtue de rouille, un inoffensif canif,

Afin de faire la nique aux serpents de mer,

De dégommer quelques futiles adversaires

De conquérir l’énigmatique Lune

De franchir du désert les coruscantes dunes

Afin d’atteindre l’inaccessible oasis

De parvenir enfin à une indicible catharsis

D’accoster nocturnement sur des rivages de sable

Où m’attendent des flibustiers anonymes et pitoyables

Enivré et exalté de tant de rhum et de candeur

Près de flammes d’une incroyable hauteur

Je m’endormirai sur ma planète

Faisant le songe d’un fleuve que rien n’arrête

Auprès de ma Reine à qui je soufflerai, au réveil, à demi-mot :

« Viens ! Viens ! Vivons, il est encore tôt ! »

Viens ! Viens ! Vivons, il est encore tôt …

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