
Chers lecteurs bonjour ! Les derniers évènements concernant des drames vécus par des migrants en méditerranée m’ont conduit à vous livrer les réflexions claires et argumentées de Pascal BRICE, ancien directeur général de l’OFPRA (l’office français de protection des réfugiés et apatrides).
Cet article m’a éclairée dans la compréhension complexe de ce qu’on nomme flux migratoires. Il offre des perspectives d’avenir constructives avec des propositions d’organisation humaines et cohérentes.
Dans le brouillage des enjeux socio-économiques mondiaux et environnementaux, il m’a permis, très humblement, de tenter d’articuler tous les tenants et aboutissants de cette vague humaine internationale, à commencer par les migrants eux-mêmes, ces femmes, hommes et enfants en déplacement de leur lieu de vie habituel et en demande d’asile dans un pays d’accueil, tenter de comprendre ce qui se joue entre les pays de départ du Sud et ceux de destination du Nord et parallèlement entre les pays du Moyen Orient et ceux de l’Europe.
Au-delà des cryptages géopolitiques ce sont des épreuves, des drames dont sont victimes des milliers de personnes. C’est un désastre humanitaire. C’est l’image miroir de notre humanité qui nous est cruellement retournée…
Immigration, l’éternel chiffon rouge
Depuis plus de trois décennies en France la question de l’immigration est devenue une véritable arme politique qui nourrit les conversations mais qui, en réalité, ne figure pas parmi les principales priorités des Français.
Malgré le battage politico-médiatique incessant sur cette obsession de l’exécutif, selon un tout récent sondage, la santé, le pouvoir d’achat, la protection sociale et l’environnement préoccupent davantage nos concitoyens. Cela n’a pas empêché les gouvernements, de droite comme de gauche, d’agiter le chiffon rouge de l’immigration comme diversion aux véritables problèmes du pays.
Le regroupement familial, la demande d’asile, les reconduites à la frontière, etc, sont autant de sujets qui ont alimenté les mesures des pouvoirs successifs, sans jamais vraiment régler les problèmes auxquels ils étaient censés s’attaquer ni à faire reculer les forces politiques qui prospèrent en exploitant les préjugés sur les migrants et en brandissant des boucs émissaires.

Pascal BRICE, Président des acteurs de la solidarité (et ancien directeur général de l’OFPRA) est l’invité de l’émission « Grands reportages » du 14 mai 2021 sur France Culture :
« Nous ne sommes plus comme dans les années 2012-2016, en situation d’arrivée massive de migrants en Europe. Aujourd’hui les arrivées sont beaucoup plus faibles mais on a toujours
ces réalités qui se rappellent à nous de manière dramatique.
Je déplore l’hystérie collective face aux migrants alors que tout pourrait être organisé et planifié. Les tensions culturelles et sociales sont vives en Europe avec des orientations de fermeture des frontières et de repli sur soi. Il faut plus que jamais que l’Union Européenne maîtrise et organise une véritable politique d’accueil des migrants en détresse et en demande d’asile et maîtrise les flux migratoires ».

Le 21 avril, « l’Ocean Viking » le navire de sauvetage de l’ONG « SOS Méditerranée » reçoit un appel de détresse pour une embarcation partie de Libye avec 130 personnes à bord et ses appels à l’aide aux garde-côtes libyens et au centre de secours maritime italien restent sans réponse. En pleine tempête, le navire humanitaire part à sa recherche mais hélas, trop tard, les 130 migrants sont décédés par noyade. Deux semaines plus tard lors d’un sauvetage réussi de 236 personnes dont 114 mineurs non-accompagnés, les garde-côtes libyens demandent à « L’océan Viking » de changer sa destination alors qu’il s’acheminait vers les embarcations pour leur porter secours. Cette mission a été un condensé de situations ordinaires pour les rares ONG encore présentes sur la zone Libyenne de secours en mer.
Le 19 mai 2021 une nouvelle crise migratoire se déroule à Ceuta, enclave espagnole au Maroc, où 8000 migrants (hommes, femmes, enfants) tentent en canot de sauvetage ou à la nage de rejoindre les rives espagnoles. Un bébé et sa maman sauvés des eaux par un garde civil espagnol, l’image d’un homme exténué recueilli dans les bras d’une jeune secouriste de la Croix Rouge symbolisent cet épisode tragique où des migrants sont odieusement instrumentalisés par des Etats pour peser sur des décisions politiques étrangères comme c’est le cas aujourd’hui entre l’Espagne et le Maroc ou comme ce fut le cas à une autre époque entre la Turquie et la Grèce avec les pays européens.
Bref lexique des organismes de l’immigration :
L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est un établissement public administratif sous tutelle du ministère de l’Intérieur chargé d’assurer en France l’application des textes relatifs à la reconnaissance de la qualité de réfugié, d’apatride et à l’admission à la protection subsidiaire.
FRONTEX, l’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, a été créée en 2004 pour aider les États membres de l’UE et les pays associés à l’espace Schengen à protéger les frontières extérieures de l’espace de libre circulation de l’UE. Frontex est financée par le budget de l’UE ainsi que par des contributions de pays associés à l’espace Schengen.
Les ONG (Organisations non gouvernementales) : La Cimade, Le CCFD-Terre Solidaire, les acteurs de la solidarité, le secours catholique, Médecins sans frontières, etc.
PARTIE 1 : Constats et réflexions
Pascal Brice : « Ces drames en méditerranée que j’ai très tôt dénoncés, m’ont accompagné pendant six années à l’OFPRA et me rappellent beaucoup d’histoires dramatiques personnelles et communes.
Avant tout, la question essentielle est ce désordre migratoire international qui se produit et chacun et chacune y a sa part de responsabilité : d’abord les pays d’origine, comme ces jeunes guinéens qui fuient des violences intra familiales, puis les pays de transit comme les horreurs qui se passent en Libye ce pays totalement déstabilisé et désarticulé devenu une escale d’enfer pour les migrants qui subissent les pires atrocités, les viols pour les femmes et les hommes, les rançons contre les enfants. Ensuite il y notre système européen défaillant dans
la protection et l’accueil des migrants dans de bonnes conditions. En parallèle l’Union Européenne doit avoir une politique solidaire avec les pays qui accueillent les migrants (Espagne, Italie, Grèce et pays des balkans). L’autre problème majeur est l’absence de voies de migration légales organisées et maîtrisées.
Dans ce désordre généralisé, j’ai constaté partout (des bords de la Méditerranée à Calais), que ce sont les trafiquants qui en profitent le plus. Sur ces bateaux vous avez des jeunes femmes du Nigéria qui sont amenés jusqu’à l’Europe, pour être victimes d’exploitation sexuelle. C’est dans le vide des désorganisations que se créent les pires formes violentes du trafic contre les personnes. Les trafiquants prospèrent sur la démission des Etats.
Il faudrait faire cesser tous ces désordres dramatiques et inquiétants et organiser et maîtriser les flux migratoires en sachant qu’on ne peut accueillir tout le monde.
Je ne rejoints pas les réflexions de certains accusant les ONG d’appel d’air pour les migrants, par « leurs bons sentiments », avec une part de responsabilité dans le désordre actuel.
C’est une discussion que j’ai en permanence avec elles et que nous avons au sein de l’Organisation de la Solidarité des Migrants que j’ai l’honneur de présider car je retrouve ce même désordre migratoire dans les associations de notre fédération.
Partout en France elles hébergent et accueillent des migrants, sans avoir, pour nombre d’entre elles, de statut juridique. Elles connaissent des blocages administratifs de séjour très problématiques, dignes de Kafka. On fait attendre les gens pendant des mois pour rien. Les fonctionnaires de préfecture passent des jours sur des dossiers qui n’aboutissent pas, c’est irrationnel. Au niveau humain et matériel, on constate des gens laissés à la rue ou des accueils disparates, des lieux où on est mal accueilli.
Les ONG font pourtant un travail admirable. Dans ce contexte, il faut savoir, dans quelles conditions, pourquoi et comment nous devons agir ensemble. C’est un exercice de lucidité où il faut que tout le monde se confronte sinon on risque d’être instrumentalisés à notre tour.
Au cours de la période 2014-2015 les traversées se sont amplifiées et les ONG travaillaient très bien avec les Etats puis il y a eu ensuite la période très dure de Matéo SALVINI en Italie où on ne pouvait même plus accoster. J’ai vu en Allemagne la grande arrivée de migrants puis les portes se sont refermées six mois plus tard. L’Europe collectivement a failli et nous en payons le prix : la réponse s’est faite en ordre dispersé. Les Italiens et les Grecs n’ont pas pris leurs responsabilités, les autres pays de l’UE n’ont pas été solidaires. La France n’a jamais été au cœur de cette crise de l’asile.
Une peur mauvaise conseillère s’est installée en conduisant les pays européens à privilégier des approches dissuasives. Croire qu’empêcher les gens d’arriver, que de les laisser confrontés à la mort en mer, ou que lorsqu’ils arrivent en Europe on les laisse à la rue ou dans des camps de réfugiés, tout cela ne dissuade personne et nous met à chaque fois dans des situations d’indignité. Je pense à ce que plus tard les jeunes européens diront de nous qui avons laissé faire ces situations dramatiques et d’avoir transformé la Méditerranée en cimetière ».
Petit rappel : Le droit d’asile est internationalement reconnu par la Convention de Genève de 1951 et inscrit dans la Constitution française : « Il permet de protéger toute personne victime de persécution en raison de sa race, sa religion, sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou à ses opinions politiques et de lui donner un statut de réfugiée ». L’article 14 de la déclaration universelle des droits de l’Homme stipule : « Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays ».
« Sur fond de crise de l’accueil en Europe une profonde transformation du système de l’asile s’est opérée. Dans l’esprit public, la confusion est générale entre migrants économiques et entre réfugiés (qui relèvent du droit d’asile). Dans le cas où le migrant remplit toutes les conditions du droit d’asile, Il faut donner rapidement à ces populations un droit direct au séjour. Si la demande du migrant ne correspond pas à ce droit, la question du retour se pose. Je pense qu’on ne rend service à personne si les Etats ne prennent pas ces responsabilités-là.
Le droit d’asile est essentiel, mais il ne suffit pas. Il faut aussi ouvrir la réflexion sur la politique migratoire et en parler objectivement sans hystérie ni préjugés ».
Partie 2 : PERSPECTIVES ET PROPOSITIONS
Malgré les différents organismes mis en place en Europe, Pascal BRICE nous rend compte de la désorganisation et de l’échec des politiques migratoires de l’Union Européenne qui se traduit par les terribles conséquences humaines que l’on connait. Je reprends ici ses propositions.
Causes et responsabilités des gouvernants des pays d’émigration
Les causes qui poussent des milliers de personnes à quitter leurs foyers en Afrique n’ont pas changé depuis de nombreuses années et se sont même aggravées: crises économiques et sociales, mauvaises gouvernances, guerres civiles, sécheresse, crise écologique, menace terroriste au Sahel, etc… En moyenne, 60 % de la population africaine vit dans le monde rural. Mais dans la plupart des pays africains, les nombreuses ressources disponibles ne profitent pas à leurs peuples, une bonne partie des revenus tirés de ces ressources est transférée à l’étranger de façon licite ou illicite.
Au Maroc, beaucoup de jeunes issus de familles misérables ne peuvent subvenir à leurs besoins et ne sont pas ou à peine scolarisés. La politique sociale défaille alors que le Maroc subventionne des associations en vue de construire des mosquées en France.
Les pays européens devraient conditionner leur aide aux pays d’Afrique à une meilleure gouvernance et à un meilleur contrôle de leurs dépenses publiques. Celles-ci devraient d’abord satisfaire les besoins de base de leurs populations. L’aide au développement de l’Union Européenne est de plus en plus critiquée pour son inefficacité et sa mise sous tutelle. Lorsqu’il est venu au Sénégal en février 2018 le président Macron a promis 200 millions d’euros pour l’éducation dans ce pays. Dans le même temps, les grands groupes économiques français implantés en Afrique se démènent pour obtenir le plus possible d’exonérations fiscales pour leurs projets. Le groupe Vinci, pour ne citer que lui, a négocié avec acharnement afin de faire baisser la TVA de 18% à 15%. Il eut mieux valu que le montant de ces ristournes reste en Afrique, à la place des 200 millions promis.

L’autre raison majeure qui explique l’écart de développement entre les pays du Nord et ceux du Sud est celle due aux politiques néo libérales mises en place par les institutions du Nord : Fonds Monétaire International, Banque mondiale, plans d’ajustements structurels ou de déréglementation du marché des produits agricoles, libéralisation forcée de pans entiers de l’économie et coût de la dette illégitime, etc… Autant de facteurs qui appauvrissent les pays du Sud.

Le 18 mai se tenait à Paris le sommet sur le financement des économies africaines qui réunissait plus d’une trentaine de chefs d’Etat africains. Le Président sénégalais Macky Sall a plaidé pour de nouvelles relations basées sur la co-construction plutôt que sur la dépendance et l’assistanat. Des intellectuels et des économistes africains ont rappelé que le continent ne demandait pas la charité et méritait d’être traité sur un pied d’égalité pour que l’Afrique prenne son destin en main.
Mardi 25 mai 2021, la première édition du Rapport Alternatif sur l’Afrique (RASA) est parue à Dakar à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Afrique. Intellectuels, chercheurs et acteurs de la société civile se sont interrogés sur « Les souverainetés des sociétés africaines face à la mondialisation » et sur les solutions que l’Afrique pouvait elle-même élaborer à ses problèmes. Pour la première fois, ce rapport propose un état des lieux du continent par et pour les africains.
Lancée en 2009 la grande muraille verte est un projet de lutte contre la désertification et le réchauffement climatique qui, du Sénégal à Djibouti, concerne 11 pays de la bande sahélienne. Une bande de plus de 7500 kms qui traversera l’Afrique du Sénégal à Djibouti. Ce projet lancé dans les années 2000 a pour objectif de planter des arbres afin de freiner l’avancée du désert et de développer l’économie des territoires locaux. 14,2 milliards de dollars viennent d’être alloués à ce projet lors du 4ème sommet pour la défense de la planète qui s’est tenu à Paris en janvier 2021.
Mettre en place des voies de migration légales en Afrique
A partir des pays d’origine des migrants Pascal BRICE propose de « créer de véritables voies de migration légales et contrôlées, qui garantissent la sécurité des migrants exposés aux trafics humains des trafiquants et de certains passeurs ».
Les migrations africaines sont bien plus diverses et complexes qu’on ne pourrait le penser. La grande majorité des migrants voyagent entre les pays africains sur le court-terme pour des motifs économiques, soit environ 80 % des migrants. Une vingtaine de corridors migratoires existent actuellement en Afrique, les pays d’Afrique du Nord restent la destination principale des migrants. La proportion d’Africains qui décident de tenter l’aventure vers l’étranger est relativement faible.
La route des migrants vers l’Europe
Devant l’Italie et la Grèce, l’Espagne est devenue aujourd’hui la principale voie d’accès pour les migrants en provenance d’Afrique. Cette augmentation était prévisible dès lors que la « route grecque » en mer Egée a été coupée après l’accord conclu en mars 2016 entre l’Union Européenne et la Turquie. Les passages de la Libye vers les côtes italiennes ont été quasiment bloqués vers la fin de l’année 2017.

Le HCR (l’agence des nations unies pour les réfugiés), lance une alerte sur le triste nombre croissant de + de 20 000 personnes, réfugiés et migrants qui ont perdu la vie en Méditerranée centrale. Le 4 mai 2021, Carlotta Sami, porte-parole du HCR en Italie témoigne après le débarquement de 1500 personnes secourues : « Nous avons remarqué la présence d’un grand nombre d’enfants, non accompagnés. La majorité des arrivants sont originaires du Mali et du Sahel en Afrique de l’Ouest, de l’Erythrée et de l’Afrique du Nord. Beaucoup fuient la guerre et les conflits au Sahel où les attaques aveugles entraînent constamment des morts et des déplacements forcés, la persécution et la traite des êtres humains.
Mais en majorité, les personnes confrontées aux violences et à la persécution restent près de chez elles, avec plus de 5,4 millions de réfugiés et de déplacés internes qui se trouvent dans les pays du Sahel. Selon les statistiques mondiales du HCR, 80% des personnes qui sont forcées de fuir leurs foyers restent dans leur région d’origine. Le nombre total d’arrivants en Europe est en baisse depuis 2015 ».
Ces pertes tragiques en vies humaines soulignent une fois encore la nécessité de rétablir un système d’opérations de recherche et sauvetage en Méditerranée centrale qui soit coordonné par les États ».
Rôle humanitaire du sauvetage en mer Après « l’Aquarius » », c’est désormais « l’Océan Viking » qui parcourt la Méditerranée pour sauver la vie des milliers de migrants naufragés qui risquent la noyade sur des embarcations de fortune. A la tête de ce projet, l’association SOS Méditerranée, association civile et européenne de recherche et sauvetage en haute mer, créée le 9 mai 2015, par des citoyens voulant agir pour sauver des vies et aussi pour la protection des personnes secourues à terre. Après avoir subi un long Harcèlement administratif, politique et judiciaire de trois ans, SOS Méditerranée a rendu « l’Aquarius » à son propriétaire le 31 décembre 2018.
A l’été 2019, l’association affrète un nouveau navire, « l’Ocean Viking », avec le pavillon norvégien, qui n’est pas soumis aux pressions européennes et qui possède une grande tradition maritime et de protection des droits de l’homme. Marins sauveteurs, médecins, sage-femme et infirmiers sont à bord. Depuis février 2016 jusqu’à aujourd’hui ces deux navires ont secouru plus de 31000 personnes. Du fait du coût journalier de 14000 euros de « L’Océan Viking » l’association appelle aux dons afin de prolonger l’on action humanitaire en Méditerranée.
En parallèle, d’autres ONG de recherche et sauvetage en mer ont été créées en 2014 et 2015 par d’autres citoyens européens pour combler le vide de responsabilité laissé par leurs gouvernements. A partir de 2014 la liste est importante. Mais une grande partie de ces ONG ont mis fin à leurs opérations, tandis que d’autres sont paralysées par les attaques judiciaires dont elles font l’objet.
Rôle des pays de TRANSIT
Les éléments sont sur la table des négociations européennes : développer des missions de protection dans des pays de transit comme le Tchad, le Niger, la Turquie.
Pascal BRICE : « Nous avons besoin de leur appui pour qu’ils puissent accueillir des migrants dans de bonnes conditions et à ce qu’il y ai des pôles de réinstallation des migrants dans ces pays. Avec l’OFPRA, les européens sont là de manière à accueillir les demandes d’asile légales pour que les migrants puissent aller en Europe, au Canada ou aux USA dans de bonnes conditions et qu’on respecte leur droit d’asile acquis lorsqu’ils arrivent aux points de migration, pour éviter les horreurs des migrants qui arrivent démunis et en pleine détresse humanitaire sur le sol européen.
C’est un travail organisé et maîtrisé qu’il faut mettre en place pour sortir de ce désordre, maîtriser nos politiques migratoires et surtout rétablir la dignité des migrants. Cela ne veut pas dire que nous pouvons accueillir tout le monde, je ne crois pas que cela puisse se faire dans l’état de l’Union européenne, mais nous devons avoir la volonté de le faire ».
Rôle de l’agence européenne FRONTEX
L’agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes a été sanctionnée dernièrement par la commission de l’UE pour manquements et dérives graves.
Pascal Brice : « Je ne suis pas étonné que Frontex soit plongé dans ces désordres et dérape à son tour. Je redis que nous avons besoin d’une agence de contrôle des frontières car pour que la libre circulation des frontières en Europe vive, il faut que nous ayons des frontières contrôlées car nous avons la menace terroriste qui existe. Nous avons besoin qu’en face de Frontex vive une puissante organisation européenne de l’asile qui n’existe pas aujourd’hui. Il y a un simple bureau qui n’est pas à la hauteur et qui doit faire en sorte qu’aux frontières extérieures lorsque vous voulez demander l’asile, les droits fondamentaux soient respectés. C’est ce à quoi j’appelle les européens : à une agence puissante, efficace, et face à elle une « Agence européenne de l’asile » qui garantisse le respect du légitime droit d’asile ».
Rôle de l’OFPRA
Le rôle de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides est important sur le territoire français et également dans les pays de transit des migrants.
Pascal BRICE souligne « L’ importance de la clarté d’assurer l’application des textes relatifs à la reconnaissance du droit légitime d’asile qui donne le statut de réfugié. Le poids de la technocratie française est en revanche très lourd pour ceux qui accompagnent les réfugiés. Mes deux mandats ont aussi été des années de combat contre la tentation permanente de certains de faire de l’ingérence dans le travail de l’OFPRA. En 2015, la loi a consacré l’indépendance de l’OFPRA, cette loi a été fondamentale pour sanctuariser le droit d’asile.
La volonté d’intégrer les migrants existe, il faut qu’elle se traduise par des actes. La prise de conscience est plus problématique sur l’accès à la demande d’asile. Alors que le gouvernement a fixé une feuille de route claire, on est très souvent sur des réalités dissuasives et on fait traîner les demandes à la préfecture pour obtenir un hébergement. Laisser des gens à la rue, c’est indigne, ce n’est pas efficace et ça alimente le rejet. Le système de Dublin (selon lequel un demandeur d’asile doit effectuer sa demande dans le premier pays d’entrée dans l’Union européenne) est aussi un échec patent.
ROLE DES ONG
Les ONG jouent un rôle incontournable pour répondre aux besoins des populations vulnérables, elles vont là ou d’autres acteurs ne vont pas et soutiennent l’émergence de société civile forte. …Elles sont là pour dénoncer les dérives, Assez naturellement, les ONG prolongent en effet leur action par l’exercice de missions de veille et de surveillance des engagements internationaux souscrits par les États dans nombre de domaines.

Le faible niveau de l’aide française est préjudiciable car elle limite leurs capacités d’intervention sur le terrain. Exemple : la CIMADE qui conseille et accompagne des personnes étrangères dans leurs démarches pour accéder à un titre de séjour en France. Elle est au cœur de l’activité des 110 permanences d’accueil en métropole comme en outre-mer et intervient dans 8 centres de rétention afin d’y assurer un accompagnement humain des personnes enfermées et de les aider dans l’exercice de leurs droits.
Comme P. Brice l’a évoqué précédemment, le découragement et le faible niveau de l’aide française est préjudiciable car elle limite leurs capacités d’intervention sur le terrain.
La Cimade fait pourtant un constat terrifiant : de nombreux enfants, mineurs isolés (filles et garçons) ne sont pas protégés : certains dorment dehors, d’autres subissent des évaluations peu protectrices de leurs besoins et souvent à charge, et quand ils sont confiés à l’aide sociale à l’enfance, leur accompagnement est parfois défaillant. A 18 ans, ils et elles se retrouvent souvent mis à la porte, souvent avec une obligation de quitter le territoire.
La protection de l’enfance est de la responsabilité des conseils départementaux et en charge d’assurer la protection, le suivi et l’accompagnement des enfants isolés.
L’Union Européenne et les flux migratoires
La peur de “l’appel d’air” est sans cesse utilisée par les gouvernements européens pour justifier une politique migratoire restrictive avec les rôles ambigus des Etats pour dissuader les migrants : accueils indignes, gens laissés sous tente ou à la rue, etc.
L’immigration et l’asile divisent profondément les pays européens, qui peinent à mettre en place des politiques communes. Plusieurs gouvernements préfèrent agir seuls, le plus souvent de manière répressive vis-à-vis des migrants et demandeurs d’asile extra européens. Le 23 septembre 2020, la Commission européenne a présenté le « Pacte commun européen sur la migration et l’asile », lequel a notamment pour objectif de modifier en profondeur le système de Dublin pour soulager certains États européens soumis à une pression migratoire trop importante.
Pascal BRICE : « Il faut construire un système de reconnaissance mutuelle sur des critères communs des décisions d’asile entre pays européens. Organiser une entraide avec les pays qui connaissent des accueils importants. Il faut également tenter de construire un chemin, une sorte de feuille de route, entre ces pays d’exode migratoire et La politique étrangère de l’Europe. Pour cela, il faut créer une agence européenne indépendante et structurer un système de centres d’instruction de l’asile à l’arrivée en Europe.
Je plaide pour qu’il y ai des structures d’accueil correctes des migrants partout dans les ports d’arrivée européens qui correspondent à la dignité des personnes et à aux sociétés d’accueil que nous nous prétendons être en Europe. Ce périple migratoire laisse aux individus des séquelles physiques et psychologiques qui risquent aussi de nuire à l’intégration des personnes reconnues comme migrants légitimes. Partout où je me rends je constate les besoins immenses de prise en charge sanitaire des personnes.
En France ce système connait de grandes difficultés, je regrette profondément la décision du gouvernement de compliquer l’accès des migrants à la santé de plus dans le contexte sanitaire que nous traversons. Changeons de logique, prenons en charge les personnes dans leur intégrité, qu’elles aient un droit au séjour ou qu’elles puissent retourner dans leur pays dans de bonnes conditions. J’opte pour la création d’un statut humanitaire pour les personnes qui sont totalement détruites, si elles ne relèvent pas du droit d’asile.
Rétablir de la dignité et de l’ordre à travers la maîtrise de nos politiques migratoires, ça ne veut pas dire que nous pouvons accueillir tout le monde, je ne crois pas que cela puisse se faire dans l’état de la sté européenne, mais nous pouvons le faire de manière organisée, maîtrisée, pour respecter le droit d’asile, pour accueillir des personnes en détresse humanitaire, et pour répondre aux besoins de notre économie en évitant les terribles drames que nous vivons ».
POUR CONCLURE…
« La migration est l’ultime résultat d’un puzzle socio-économique international déficient il est avant tout un désastre humanitaire qui obscurcit le début de notre 21ème siècle. Il engendre d’autre part pour les populations des pays d’accueil désarroi et incompréhension et au-delà, pour certains, la peur, les préjugés ou le rejet au risque de voir certains Etats de l’UE se tourner vers le repli sur soi et vers des choix politiques extrêmes au péril de notre démocratie.
Au-delà des enjeux politiques, prenons le Parti de la solidarité qui porte un modèle fondé sur le droit à la mobilité et une humanité interconnectée. Pour avancer dans ce millénaire avec pour chemin la volonté d’une autre humanité.«
Aurore BESSY
Bibliographie : « Sur le fil de l’asile » de Pascal Brice – Editions Fayard Articles de France culture, et sur le web : http://www.cairn.info, http://www.courrierinternational.com, africacenter.org, http://www.consilium.europa.eu, etc