Poèmes en juin : Robert Desnos – Trois poèmes

« Il n’est aucune personnalité qui en poésie ait marqué aussi fortement son empreinte que celle de Robert Desnos. Le surréalisme est à l’ordre du jour et Desnos est son prophète »

André Breton ( Journal Littéraire, 5 juillet 1924)

***

Procès-verbal

La marquise de Saperlipopette
Aime la plume et le crépuscule
Et les larmes qu’on imite si bien avec de la glycérine.
Aime le mou, le flou, le doux, le bon goût
Chère marquise de Saperlipopette.
La marquise de Saperlipopette chante à ravir
Et roucoule que je ne vous dis que ça.
Le chant du cygne.
Mes sels, des roses, des glaïeuls
Etc., etc., etc.
Chère marquise de Saperlipopette
Si vous saviez comme je vous em…

Histoire d’un chameau

Le chameau qui n’a plus de dents,
Ce soir, n’est pas content.
Il est allé chez le dentiste,
Un homme noir et triste,
Et le dentiste lui a dit
Que ses soins n’étaient pas pour lui.
Tas de salauds, qu’il dit le chameau,
Vous êtes venus parmi mes sables
Avec des airs peu aimables,
Des airs de désert, bien sûr,
Aussi sûrs que les pommes sures.
Vous m’avez mis une selle,
Vous m’avez chevauché surmontés d’une ombrelle,
Et va te faire foutre,
Si j’ai mal aux dents…
Mais puisque tu n’as plus de dents !
Précisément, j’ai mal aux dents de n’en plus avoir.
Alors tu désires un râtelier ?
Je voudrais bien voir un chameau porter râtelier !
Un râtelier manger au râtelier !
Le chameau qui n’a plus de dents,
On l’abandonne dans le désert.
Alors il pisse lentement dans le sable qui se creuse en entonnoir
Tandis que la caravane s’éloigne, à travers les dunes creusées en entonnoirs,
À travers les dunes,
Elles-mêmes creusées en entonnoirs.

Dans mon verre

Dans mon verre que fais-tu petite girafe ?
Girafe à vin
Girafe à brise
Girafe à saveur de lait et de feuilles vertes
Dans quel désert es-tu perdue ?
Oui, c’est le désert que je bois dans mon verre
un désert aride et plus mort que des ossements
un désert sans vie, sans air, sans astres
Un vrai désert de fin du monde
Comment as-tu pu te perdre dans ce lieu loin de tout
abîme et de toutes frontières
Girafe girafe petite girafe à vin
Mais quelle fortune t’a conduite sous ma plume ?
Car je ferai de ce désert de ce désert bu dans mon verre une ardente oasis
une campagne pleine du murmure des sources et de
celui des arbres
un lieu de gazon et de fleurs
De fruits juteux écartelés et saignant un sang parfumé
Je le fertiliserai ce désert
De toutes les fleurs de mon immense amour pour la vie.

Une petite pépite : Jacques Prévert parle de son ami Robert Desnos – Date inconnue

***

Sources :

Destinée arbitraire – Robert Desnos – NRF / Gallimard – Collection poésie

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s