
La fumée … Voilà l’ennemie. Pourchassée sous toutes ses formes, qu’elle s’envole d’une auto ou d’une cigarette, c’est notre argent qui s’en va dans les caisses de l’Etat. Il en résulte un problème insoluble pour nos dirigeants : comment stopper la fumée sans éteindre les recettes ?
L’automobiliste fumeur se sent doublement menacé, au point que l’on se demande s’il n’y aura pas à l’avenir des autos avec espaces fumeurs et non fumeurs.

Durant ce XXIème siècle, nous aurons de plus en plus de véhicules électriques qui laisseront aux centrales et aux fabricants de batteries, le soin de polluer à leur place. S’ils disposent en plus d’un espace fumeur aménagé, la fumée pourra être récupérée et évacuée par un tuyau sous la voiture à l’arrière, ce qui évoquera pour les ancêtres que nous sommes devenus des souvenirs de jeunesse, et nous rappellera les heureux automobilistes … que nous fûmes !
Quant à la campagne anti-tabac proprement dite, sans vouloir mégoter sur le résultat, je pense qu’elle va finir par donner envie de fumer à des gens comme moi qui n’ont jamais touché une cigarette.

Cette campagne porte ses fruits, on annonce chaque année une baisse de la consommation de cigarettes, du moins pour la partie légale. On procède régulièrement à des hausses de prix pour soi-disant accélérer cette tendance, mais c’est surtout pour maintenir le niveau des recettes fiscales.
La première manifestation de la lutte contre le tabagisme remonte à la réalisation du dessin animé Lucky Luke. Le célèbre cow-boy a dû troquer sa légendaire cigarette contre un brin d’herbe. Je pense que l’on aurait dû s’inquiéter tout de même du type d’herbe … Réjouissons-nous que les lignes féministes n’aient pas imposé à Lucky Luke le port d’un sac à main au nom de l’égalité des sexes (ça aurait fait beaucoup plus gai !).

Jacques Tati sur l’affiche de « Mon oncle » a vu également sa pipe remplacée par une fleur. Il faudrait envisager de remplacer le Solex polluant qu’il enfourche, pour mettre un vélo électrique.
Dans un autre domaine, j’imagine très bien, à l’entrée d’un camp de nudistes, l’inscription « no smoking ».

Pour l’automobiliste, peut-être en arrivera-t-on à taxer allume-cigares et cendriers. Il s’agit là d’accessoires qu’un ancien Ministre de la santé aurait bien aimé EVINcer, EVINcre le tabac.
Pourtant, le cendrier permet de recueillir les cendres d’une blonde ou d’une brune, que vous avez allumée en y posant les lèvres et qui s’est consumée pour vous.
Quant à la dénomination « allume-cigares », elle est généreuse et flatte la vanité masculine : nous connaissons tous des hommes qui, ne disposant que d’une petite cigarette, prétendent avoir un gros cigare.

Mais en attendant, le seul résultat tangible est un coup terrible porté notamment aux sports mécaniques, un mauvais coup fumant pourrait-on dire, puisque le tabac sponsorisait largement. N’a-t-on pas déjà entendu, mais il y a déjà longtemps, que tel ou tel grand prix risquait de ne pas être télévisé à cause de marques de cigarettes visibles sur le circuit ?
Si l’on en est réduit à ne plus pouvoir lire ou prononcer un mot qui pourrait évoquer la cigarette ou le tabac, il devient nécessaire de changer notre façon de nous exprimer :

Tout d’abord, les constructeurs devront effacer le terme « havane » du choix de leurs coloris, et pour la S.N.C.F. éviter qu’une ville compte six gares. A propos de trains, ce sont d’abord les locomotives qui ont cessé de fumer, puis maintenant c’est au tour des voyageurs.
L’instituteur devra s’entourer de beaucoup de prudence pour désigner les femmes des Gaulois et faire preuve d’imagination pour expliquer qui était Esmeralda la célèbre gitane de Victor Hugo. S’il enseigne la mythologie grecque, il évitera de parler du Cyclope, ce qui pourrait évoquer une demi-douzaine de cigarettes.

Toi, Eric, le passionné d’Histoire des Etats-Unis, tu devras renoncer à parler du fondateur de New-York, Peter Stuyvesant, et l’on se fiche de tes états d’âme, Eric. Quand je dis « on se fiche », je ne dis pas on « smoke » puisque c’est défendu. Les spectacles réussis ne pourront plus faire un » tabac » mais se contenter d’un gros succès.
Si, au plus fort d’une colère, vous allez exploser, n’hésitez plus à lâcher un « Nom de D … », nous ne sommes plus au temps de l’Inquisition, mais évitez scrupuleusement le « Nom d’une pipe » qui sera beaucoup plus mal perçu.
De nombreuses professions ont déjà changé d’appellation, mais il devient impératif de se pencher sur le cas du commissaire-priseur.

Du côté de la police, pas de problème, depuis longtemps les « passages à tabac » ont été remplacés par des interrogatoires musclés.
En entrant dans une charcuterie, vous aurez l’impression de revenir près de 80 ans en arrière en voyant le charcutier attendre qu’il n’y ait plus personne dans son magasin pour vous proposer discrètement du jambon … fumé ! Si un brave homme est sur le point de casser sa pipe, dites-vous simplement qu’il va mourir.
Si l’un d’entre vous a recours aux services d’une prostituée, il ne faudra plus lui demander cette prestation qui porte le même nom qu’un objet fabriqué à Saint-Claude, mais plutôt évoquer un soldat du feu !

Enfin, s’il vous prend l’envie d’acheter un briquet ou des allumettes, et qu’une personne courroucée vous déclare : « Comment, vous fumez encore ? », répondez-lui simplement que vous voulez allumer un cierge pour combattre la bêtise.
Pour que le patch anti tabac soit efficace… Il faut se le coller sur la bouche.
Comme disait le responsable de la fanfare « il est interdit de fumer en jouant de la trompette, je sais que c’est impossible, mais c’est tout de même interdit ».
Supposons qu’un jour prochain l’un des auteurs de cette campagne anti tabac quitte ce monde. J’imaginerais très bien un gros fumeur déclarer avec malice : » Paix à ses cendres « .
Ne voyez aucune méchanceté dans mes propos. Ce n’était qu’une bonne blague … à tabac, écrite par un non-fumeur …
… EN TOUTE MAUVAISE FOI.
J P Clair

UN COUP DANS LE RETRO

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