Léopold Sédar Senghor
naît en 1906 au sud de Dakar, à Joal. D’origine sérère, un peuple proche de la nature, animiste et matriarcal, le jeune Senghor reçoit une éducation catholique mais son ancrage dans une culture orale ( marquée par les contes merveilleux que lui racontait son oncle ), musicale dominée par les femmes reste profond. Cette double culture africaine et française se retrouve dans toute son œuvre poétique qui se révèle être en quelque sorte la synthèse des deux cultures : celle reçue en héritage et celle apprise sur les bancs de la Sorbonne. Ce sont ses talents en langue qui lui permettent d’obtenir une bourse d’étude pour rejoindre Paris, et la Sorbonne en 1928. Il y rencontre Georges Pompidou et Aimé Césaire, qui deviennent ses amis. Diplômé de lettres en 1931, il obtient son agrégation en 1935 et devient professeur au Lycée de Tours jusqu’en 1940.

Bien que naturalisé français en 1932, il est tout de même contraint de rejoindre l’infanterie coloniale en 1939, lorsque la Seconde Guerre mondiale débute. Fait prisonnier il est interné dans un camp pour les troupes coloniales à la Charité-sur-Loire. A la fin de la guerre paraît son premier recueil poétique » Chants d’ombre » dans lequel il s’ingénie à montrer que l’Afrique est « civilisée jusqu’aux os ». Il réfute l’idée du Nègre sauvage ou bon enfant. Tout ceci pour lui relève de la fabulation et du mythe et donne une place centrale au village où la vie est organisée selon des rites précis et déterminés basés sur la solidarité et l’entraide. Chaque individu est lié au groupe et des liens de fraternité et de respect lient les jeunes aux vieux qui sont considérés comme des sages et où la femme occupe une place de choix.
Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais
lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du
Vent d’Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée
Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux
flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta
peau.
Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or ronge ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Eternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les
racines de la vie.

Au lendemain de la guerre il crée avec Aimé Césaire le concept de négritude qui entendait représenter l’identité noire et sa culture et s’engage dans la vie politique. Il est élu député du Sénégal à l’Assemblée nationale française. Réélu en 1951 , il devient secrétaire d’État à la présidence du Conseil dans le gouvernement Edgar Faure du 1er mars 1955 au 1er février 1956, puis maire de Thiès au Sénégal en novembre 1956 et enfin ministre conseiller du gouvernement Michel Debré ( 1959 ).
En 1960, il est le 1er Président élu de la jeune République du Sénégal, après l’indépendance du pays proclamée le 22 septembre de la même année. Réélu cinq fois, il met cependant fin à son cinquième mandat avant son terme, en 1980. Il a réussi, même si tout n’était pas parfait à faire du Sénégal un des pays d’Afrique les plus stables politiquement et un des plus démocratiques puisqu’à ce jour le Sénégal est un des seuls à n’avoir jamais connu de coup d’État.
Premier Africain élu à l’Académie française en 1983, il devient l’un des pères de la francophonie. Léopold Sédar Senghor décède le 20 décembre 2001, en Normandie. Ses obsèques ont lieu le 29 décembre 2001 à Dakar en présence de Raymond Forni, président de l’Assemblée nationale et de Charles Josselin, secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé de la Francophonie. Jacques Chirac et Lionel Jospin, respectivement Président de la République française et Premier ministre de l’époque ne s’y rendront pas, ce qui fit dire à l’académicien Érik Orsenna dans un point de vue édité dans le Monde : « J’ai honte ». Les milieux littéraires et poétiques, furent encore plus sévères face à l’absence des deux premiers responsables politiques français à ces obsèques : » s’évitant de voir leur vision étriquée du monde confrontée à l’ampleur de la puissance intellectuelle du poète africain, d’un point de vue purement ontologique, leur absence même est un hommage suprême rendu au chantre de la francophonie. «
Quand je serai mort mes amis, couchez-moi sous Joal-l’Ombreuse
Sur la colline au bord du Mamanguerly, près de l’oreille du sanctuaire des serpents
Mais entre le Lion couchez-moi et l’aïeule Téning-Ndyaré.
Quand je serai mort mes amis, couchez-moi sous Joal-la-Portugaise. des pierres du Fort vous ferez ma tombe, et les canons garderont le silence
Deux Lauriers roses -blanc et rose embaumeront la Signare.
Quand j’aurai perdu les narines et soif de tendresse vivante, telle une boisson de prédilection
Versez mes amis sur ma tombe, le lait de vos prières le vin de vos chants frais. Là-haut chanteront les alizés sur les ailes des palmes.
Ah! ce chant qu’il bruisse toujours le chant marin la nuit,
soyeux sur les ailes des palmes
La rumeur doucement dans ma poitrine qui me tient éveillé, je dors et ne dors pas
Et je bois le lait le vin de la nuit qui ruisselle sur les palmes.
Et Marône la Poétesse ira rythmant
« Ci-gît Senghor, fils de Dyogoye-le-lion et de Ngilane-la-Douce. Si fort il aima le pays sévère -les paysans, les pasteurs, les pêcheurs
Les athlètes plus beaux que filaos et les voix contraltos des vierges
– Qu’à la fin son cœur se rompit. »
Quand je serai mort ma Signare, couche moi sous Joal-l’Ombreuse
A l’ombre des Ancêtres
Sa poésie essentiellement symboliste, fondée sur le chant de la parole incantatoire, est construite sur l’espoir de créer une Civilisation de l’Universel, fédérant les traditions par delà leurs différences. Pour Senghor le langage symbolique de la poésie pouvait constituer les bases de ce projet.

Ma Négritude point n’est sommeil de la race mais soleil de l’âme, ma négritude vue et vie
Ma Négritude est truelle à la main, est lance au poing
Réécade. Il n’est question de boire, de manger l’instant qui passe
Tant pis si je m’attendris sur les roses du Cap-Vert !
Ma tâche est d ‘éveiller mon peuple aux futurs flamboyants
Ma joie de créer des images pour le nourrir, ô lumières rythmées de la Parole !
( Article réalisé d’après des articles du net. )
Jeudi prochain : la poésie s’engage en chanson de Férré à Ferrat….
A reblogué ceci sur L'envolée des Soudanites.
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