L’au-delà, tout l’au-delà est dans cette vie.
André Breton.

Issu du mouvement « Dada « , mouvement intellectuel, littéraire et artistique qui se caractérise par une remise en cause de toutes les conventions et contraintes idéologiques, esthétiques et politiques, créé par Tristan Tzara (écrivain, poète et essayiste ) à la fin des années 1910 à Zurich, le Surréalisme naît au lendemain de la première guerre mondiale. Le mouvement qui n’est pas que littéraire touche aussi les arts, notamment la peinture ( Dali, Magritte, Miro… ) mais aussi le cinéma ( Bunuel ) et la photographie ( Man Ray ) et s’étend très vite à toute l’Europe.
Pour faire un poème dadaïste
Prenez un journal.
Prenez des ciseaux.
Choisissez dans ce journal un article ayant la longueur
que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l’article.
Découpez ensuite chacun des mots qui forment
cet article et mettez-le dans un sac.
Agitez doucement.
Sortez ensuite chaque coupure l’une après l’autre.
Copiez consciencieusement dans l’ordre où elles ont quitté le sac.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voilà un écrivain original
et d’une sensibilité charmante.
Tristan Tzara
En 1924, André Breton instigateur de l’écriture automatique comme un mode de création littéraire ( » permettant de s’émanciper de l’étroitesse de la pensée régie par la raison » ), publie son » Manifeste du Surréalisme » et devient le chef de file incontesté du mouvement.

On connaît tous le fameux jeu des » cadavres exquis « , jeu littéraire » qui consiste à faire composer une phrase, ou un dessin, par plusieurs personnes sans qu’aucune d’elles ne puisse tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes « . La première phrase qui résulta de ce jeu inventé en 1924 et lui donna son nom fut « Le cadavre – exquis – boira – le vin – nouveau ». ( jeu inventé à Paris, au 54 rue du Château, dans une maison où vivaient Marcel Duhamel, Jacques Prévert et Yves Tanguy )
Le Surréalisme c’est le refus absolu de toutes les constructions logiques de l’esprit et la reconnaissance de l’absurde, de l’irrationnel, du rêve, du désir, de la révolte comme valeurs poétiques littéraires et artistiques. La définition qu’en donne alors Breton est la suivante : » Le surréalisme est un automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. » Mais le surréalisme va plus loin que la simple écriture automatique. C’est un nouveau regard sur les objets, les mots débarrassés de leur utilitarisme ; » Une libération de l’esprit une insurrection générale contre tous les mots d’ordre de la société bourgeoise «

Le surréalisme est avant tout un état d’esprit, une véritable philosophie qui révolutionne la vision du monde et de la création artistique et dont les thèmes majeurs sont
a. Le rêve parce qu’il ouvre la porte à un monde merveilleux où tout devient possible, et où la raison n’a pas de droit de cité.
Le grand frigorifique blanc dans la nuit des temps
Qui distribue les frissons à la ville
Chante pour lui seul
Et le fond de sa chanson ressemble à la nuit
Qui fait bien ce qu’elle fait et pleure de le savoir
Une nuit où j’étais de quart sur un volcan
J’ouvris sans bruit la porte d’une cabine et me jetai aux pieds de la lenteur
Tant je la trouvai belle et prête à m’obéir
Ce n’était qu’un rayon de la roue voilée
Au passage des morts elle s’appuyait sur moi
Jamais les vins braisés ne nous éclairèrent
Mon amie était trop loin des aurores qui font cercle autour d’une lampe arctique
Au temps de ma millième jeunesse
J’ai charmé cette torpille qui brille
Nous regardons l’incroyable et nous y croyons malgré nous
Comme je pris un jour la femme que j’aimais
Nous rendons les lumières heureuses
Elles se piquent la cuisse devant moi
Posséder est un trèfle auquel j’ai ajouté artificiellement la quatrième feuille
Les canicules me frôlent comme les oiseaux qui tombent
Sous l’ombre il y a une lumière et sous cette lumière il y a deux ombres
Le fumeur met la dernière main à son travail
Il cherche l’unité de lui-même avec le paysage
Il est un des frissons du grand frigorifique.
André Breton
b. L’amour fou, déraisonnable.
Je t’aime pour toutes les femmes que je n’ai pas connues
Je t’aime pour tous les temps où je n’ai pas vécu
Pour l’odeur du grand large et l’odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l’homme n’effraie pas
Je t’aime pour aimer
Je t’aime pour toutes les femmes que je n’aime pas

Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu’une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd’hui
Il y a eu toutes ces morts que j’ai franchies sur de la paille
Je n’ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m’a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie
Je t’aime pour ta sagesse qui n’est pas la mienne
Pour la santé
Je t’aime contre tout ce qui n’est qu’illusion
Pour ce cœur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n’es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.
Paul Eluard
c. Le hasard qui fait naître l’illumination poétique par l’association de mots et d’images, de rencontres imprévues de personnes.

Nous étions trois ou quatre au bout du jour
assis
A marier les sons pour rebâtir les choses
Sans cesse procédant à des métamorphoses
Et nous faisions surgir d’étranges animaux
Car l’un de nous avait inventé pour les mots
Le piège à loup de la vitesse
Garçon de quoi écrire Et naissaient à nos pas
L’antilope-plaisir les mouettes compas
Les tamanoirs de la tristesse
Images à l’envers comme on peint les plafonds
Hybrides du sommeil inconnus à Buffon
Êtres de déraison Chimères
Vaste alphabet d’oiseaux tracé sur l’horizon
De coraux sur le fond des mers
Hiéroglyphes aux murs cyniques des prisons
N’attendez pas de moi que je les énumère
Chasse à courre aux taillis épais Ténèbre-mère
Cargaison de rébus devant les victimaires
Louves de la rosée Élans des lunaisons
Floraisons à rebours où Mesmer mime Homère
Sur le marbre où les mots entre nos mains s’aimèrent
Voici le gibier mort voici la cargaison
Voici le bestiaire et voici le blason
Au soir on compte les têtes de venaison
Nous nous grisons d’alcools amers
O saisons
Du langage ô conjugaison
des éphémères
Nous traversons la toile et le toit des maisons
Serait-ce la fin de ce vieux monde brumaire
Les prodiges sont là qui frappent la cloison
Et déjà nos cahiers s’en firent le sommaire
Couverture illustrée où l’on voit Barbizon
La mort du Grand Ferré Jason et la Toison
Déjà le papier manque au temps mort du délire
Garçon de quoi écrire
Louis Aragon ( « Les mots m’ont pris par la main » )
d. La folie source de création poétique et d’ouverture sur un monde autre.
Poète noir
Poète noir, un sein de pucelle
te hante,
poète aigri, la vie bout
et la ville brûle,
et le ciel se résorbe en pluie,
ta plume gratte au coeur de la vie.

Forêt, forêt, des yeux fourmillent
sur les pignons multipliés ;
cheveux d’orage, les poètes
enfourchent des chevaux, des chiens.
Les yeux ragent, les langues tournent
le ciel afflue dans les narines
comme un lait nourricier et bleu ;
je suis suspendu à vos bouches
femmes, coeurs de vinaigre durs.
Antonin Arthaud
L’Ombilic des Limbes
e- La révolte contre le l’étroitesse d’esprit de la société bourgeoise.
JE SUIS COMME JE SUIS

Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Quand j’ai envie de rire
Oui je ris aux éclats
J’aime celui qui m’aime
Est-ce ma faute à moi
Si ce n’est pas le même
Que j’aime chaque fois
Je suis comme je suis
Je suis faite comme ça
Que voulez-vous de plus
Que voulez-vous de moi
Je suis faite pour plaire
Et n’y puis rien changer
Mes talons sont trop hauts
Ma taille trop cambrée
Mes seins beaucoup trop durs
Et mes yeux trop cernés
Et puis après
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Je suis comme je suis
Je plais à qui je plais
Qu’est-ce que ça peut vous faire
Ce qui m’est arrivé
Oui j’ai aimé quelqu’un
Oui quelqu’un m’a aimée
Comme les enfants qui s’aiment
Simplement savent aimer
Aimer aimer…
Pourquoi me questionner
Je suis là pour vous plaire
Et n’y puis rien changer.
Jacques Prévert- Paroles
« Le vice appelé Surréalisme, écrivait Aragon, est l’emploi déréglé et passionnel du stupéfiant image, ou plutôt de la provocation sans contrôle de l’image pour elle-même et pour ce qu’elle entraîne dans le domaine de la représentation de perturbations imprévisibles et de métamorphoses : car chaque image à chaque coup vous force à réviser tout l’Univers.» (Le Paysan de Paris).
Pour en savoir plus :
http://www.site-magister.com/surrealis.htm#axzz5HAS9qfBT
https://www.etudes-litteraires.com/surrealisme.php
Article réalisé à partir de textes du net et de revues littéraires portant sur le sujet.
La semaine prochaine : la Poésie engagée et résistante de 1940-1945