Les plus belles pages de littérature – Bel ami Maupassant

Guy de Maupassant

Maupassant, un de mes auteurs préférés et un des plus accompli ! Nouvelles, Romans, Poèmes, il s’est essayé à tous les formes d’écriture avec une réussite absolue ! Certes je ne suis pas objective puisque comme je l’ai dit j’ai la passion Maupassant ! Aujourd’hui je mets en ligne un extrait de son roman réaliste le plus connu, un petit chef d’oeuvre : Bel ami, ou l’histoire d’un arriviste…par les femmes… Un homme dont la seule intelligence consiste à se servir de son charme pour s’attirer les faveurs de femmes dont les puissants maris peuvent servir ses intérêts, ou de celles dont l’intelligence et la finesse d’esprit peuvent pallier à son manque totale d’originalité et de culture… Bel ami, le mensonge incarné, l’hypocrisie et le cynisme en plus ! L’histoire de Georges Duroy est celle d’un homme qui réussit non pas par sa culture et son intelligence mais en se servant, en trahissant, écrasant, humiliant celles et ceux qui le porteront jusqu’au sommet ! Le portrait d’un arriviste sans scrupule dans la France de la IIIé République ( le roman débute le 28 juin 1880 ). Bel ami devient journaliste non pas par talent mais par intérêt : approcher la haute société politique et financière en se servant de leurs femmes pour atteindre son but: devenir ministre et peut etre plus encore ! Bel Ami c’est aussi une étude de mœurs de la société de l’époque, sans concession, qu’il s’agissent du monde ouvrier et paysan( dont le héros est originaire ) ou de celui des affaires et de la politique (dont il se sert pour réaliser ses ambitions). Maupassant tout comme Zola appartient au mouvement littéraire naturaliste ( fin du XXe siècle )

Bel-Ami (1885)- Résumé ( Interlettre )


Ancien sous-officier dans un régiment de hussards, Georges Duroy tente de subsister à Paris où il était venu chercher fortune. Employé depuis six mois dans les bureaux des Chemins de fer du Nord, il songe à se faire écuyer lorsqu’il rencontre un ancien camarade d’armée, Charles Forestier, devenu rédacteur au journal La Vie française. Grâce à ce dernier, Duroy va pouvoir pénétrer les milieux journalistiques et reçoit même une invitation à dîner de la part de Monsieur Walter, le patron de son ami Forestier, qui l’a recommandé auprès de lui.

Lors de cette soirée, l’ancien militaire est engagé : il doit remettre pour le lendemain une chronique relatant son expérience des pays arabes. N’arrivant pas à la rédiger, il se rend chez les Forestier où Madeleine, la femme de Charles, une belle intrigante, lui écrit son papier. Toutefois, incapable de poursuivre lui-même le feuilleton, il doit se contenter d’une place de simple reporter. La chance, en revanche, lui sourit davantage avec les femmes puisqu’une amie du couple Forestier, Clotilde de Marelle, élégante et corrompue, devient bientôt sa maîtresse, loue pour leurs rendez-vous un meublé et lui procure de l’argent. Sa petite fille, Laurine, le baptise à ce moment du surnom de « Bel- Ami »…

Sur les conseils de Madeleine, Georges fait aussi la cour à Madame Walter qui le reçoit dans son salon et, charmée, lui fait obtenir la place de chef des échos au journal. Mais Forestier meurt d’une bronchite chronique et Duroy, devenu Du Roy, épouse alors Madeleine. Une collaboration professionnelle s’instaure entre les deux époux qui organisent une campagne de presse en faveur du nouveau cabinet ministériel.

Mais l’ambition de Bel-Ami est sans bornes. Convoitant la fortune de son patron Walter, il se fait aimer de sa très jeune fille, Suzanne, compromet Madeleine dans un flagrant délit d’adultère avec un ministre et la contraint à accepter le divorce. Il ne lui reste plus qu’à pousser Walter à lui donner Suzanne en mariage après l’avoir fait enlever… Le roman s’achève sur le triomphe du parvenu prêt à se lancer dans une carrière politique. ( pour en savoir plus :https://interlettre.com/bac/352-bel-ami-de-maupassant-resume-analyse-et-commentaire )

Et, tournant à gauche, ils pénétrèrent dans une espèce de jardin couvert, que deux grandes fontaines de mauvais goût rafraîchissaient. Sous des ifs et des thuyas en caisse, des hommes et des femmes buvaient sur des tables de zinc.
 » Encore un bock ? demanda Forestier.
Oui, volontiers. « 
Ils s’assirent en regardant passer le public.
De temps en temps, une rôdeuse s’arrêtait, puis demandait avec un sourire banal :  » M’offrez-vous quelque chose, monsieur ?  » Et comme Forestier répondait :  » Un verre d’eau à la fontaine « , elle s’éloignait en murmurant :  » Va donc, mufle ! « 
Mais la grosse brune qui s’était appuyée tout à l’heure derrière la loge des deux camarades reparut, marchant arrogamment, le bras passé sous celui de la grosse blonde. Cela faisait vraiment une belle paire de femmes, bien assorties.
Elle sourit en apercevant Duroy, comme si leurs yeux se fussent dit déjà des choses intimes et secrètes ; et, prenant une chaise, elle s’assit tranquillement en face de lui et fit asseoir son amie, puis elle commanda d’une voix claire :  » Garçon, deux grenadines !  » Forestier, surpris, prononça :  » Tu ne te gênes pas, toi ! « 
Elle répondit :
 » C’est ton ami qui me séduit. C’est vraiment un joli garçon. Je crois qu’il me ferait faire des folies ! « 
Duroy, intimidé, ne trouvait rien à dire. Il retroussait sa moustache frisée en souriant d’une façon niaise. Le garçon apporta les sirops, que les femmes burent d’un seul trait ; puis elles se levèrent, et la brune, avec un petit salut amical de la tête et un léger coup d’éventail sur le bras, dit à Duroy :  » Merci, mon chat. Tu n’as pas la parole facile. « 
Et elles partirent en balançant leur croupe.
Alors Forestier se mit à rire :
 » Dis donc, mon vieux, sais-tu que tu as vraiment du succès auprès des femmes ? Il faut soigner ça. Ça peut te mener loin. « 
Il se tut une seconde, puis reprit, avec ce ton rêveur des gens qui pensent tout haut :
 » C’est encore par elles qu’on arrive le plus vite. « 
Et comme Duroy souriait toujours sans répondre, il demanda :
 » Est-ce que tu restes encore ? Moi, je vais rentrer, j’en ai assez. « 
L’autre murmura :
 » Oui, je reste encore un peu. Il n’est pas tard. « 
Forestier se leva :
 » Eh bien, adieu, alors. A demain. N’oublie pas ? 17, rue Fontaine, sept heures et demie.

-C’est entendu ; à demain. Merci. « 
Ils se serrèrent la main, et le journaliste s’éloigna.
Dès qu’il eut disparu, Duroy se sentit libre, et de nouveau il tâta joyeusement les deux pièces d’or dans sa poche ; puis, se levant, il se mit à parcourir la foule qu’il fouillait de l’œil.
Il les aperçut bientôt, les deux femmes, la blonde et la brune, qui voyageaient toujours de leur allure fière de mendiantes, à travers la cohue des hommes.
Il alla droit sur elles, et quand il fut tout près, il n’osa plus.
La brune lui dit :
 » As-tu retrouvé ta langue ? « 
Il balbutia :  » Parbleu « , sans parvenir à prononcer autre chose que cette parole.
Ils restaient debout tous les trois, arrêtés, arrêtant le mouvement du promenoir, formant un remous autour d’eux.
Alors, tout à coup, elle demanda :
 » Viens-tu chez moi ? « 
Et lui, frémissant de convoitise, répondit brutalement.
 » Oui, mais je n’ai qu’un louis dans ma poche. « 
Elle sourit avec indifférence :
 » Ça ne fait rien. « 
Et elle prit son bras en signe de possession.
Comme ils sortaient, il songeait qu’avec les autres vingt francs il pourrait facilement se procurer, en location, un costume de soirée pour le lendemain.

Extrait du chapitre 1 de la partie 1 – Bel-Ami – Maupassant

Du Roy l’écoutait, ivre d’orgueil. Un prélat de l’Église romaine lui parlait ainsi, à lui. Et il
sentait, derrière son dos, une foule, une foule illustre venue pour lui. Il lui semblait qu’une
force le poussait, le soulevait. Il devenait un des maîtres de la terre, lui, lui, le fils des deux
pauvres paysans de Canteleu.
Il les vit tout à coup dans leur humble cabaret, au sommet de la côte, au-dessus de la
grande vallée de Rouen, son père et sa mère, donnant à boire aux campagnards du pays. Il
leur avait envoyé cinq mille francs en héritant du comte de Vaudrec. Il allait maintenant
leur en envoyer cinquante mille ; et ils achèteraient un petit bien. Ils seraient contents,
heureux.
L’évêque avait terminé sa harangue. Un prêtre vêtu d’une étole dorée montait à l’autel. Et
les orgues recommencèrent à célébrer la gloire des nouveaux époux. […]
Puis des voix humaines s’élevèrent, passèrent au-dessus des têtes inclinées. Vauri et
Landeck, de l’Opéra, chantaient. L’encens répandait une odeur fine de benjoin, et sur l’autel
le sacrifice divin s’accomplissait ; l’Homme-Dieu, à l’appel de son prêtre, descendait sur la
terre pour consacrer le triomphe du baron Georges Du Roy.
Bel-Ami, à genoux à côté de Suzanne, avait baissé le front. Il se sentait en ce moment
presque croyant, presque religieux, plein de reconnaissance pour la divinité qui l’avait ainsi
favorisé, qui le traitait avec ces égards. Et sans savoir au juste à qui il s’adressait, il la
remerciait de son succès. Lorsque l’office fut terminé, il se redressa, et donnant le bras à sa
femme, il passa dans la sacristie. Alors commença l’interminable défilé des assistants.
Georges, affolé de joie, se croyait un roi qu’un peuple venait acclamer. Il serrait des mains,
balbutiait des mots qui ne signifiaient rien, saluait, répondait aux compliments :  » Vous êtes
bien aimable  » […]
D’autres personnes se poussaient. La foule coulait devant lui comme un fleuve. Enfin elle
s’éclaircit. Les derniers assistants partirent. Georges reprit le bras de Suzanne pour retra-
verser l’église.
Elle était pleine de monde, car chacun avait regagné sa place, afin de les voir passer
ensemble. Il allait lentement, d’un pas calme, la tête haute, les yeux fixés sur la grande
baie ensoleillée de la porte. Il sentait sur sa peau courir de longs frissons, ces frissons froids
que donnent les immenses bonheurs. Il ne voyait personne. Il ne pensait qu’à lui.
Lorsqu’il parvint sur le seuil, il aperçut la foule amassée, une foule noire, bruissante, venue
là pour lui, pour lui Georges Du Roy. Le peuple de Paris le contemplait et l’enviait.
Puis, relevant les yeux, il découvrit là-bas, derrière la place de la Concorde, la Chambre des
députés. Et il lui sembla qu’il allait faire un bond du portique de la Madeleine au portique du
Palais-Bourbon. Il descendit avec lenteur les marches du haut perron entre deux haies de
spectateurs. Mais il ne les voyait point ; sa pensée maintenant revenait en arrière, et devant
ses yeux éblouis par l’éclatant soleil flottait l’image de Mme de Marelle rajustant en face de
la glace les petits cheveux frisés de ses tempes, toujours défaits au sortir du lit.

Ils arrivaient au dernier salon, et en face d’eux s’ouvrait la serre, un large jardin d’hiver plein de grands arbres des pays chauds abritant des massifs de fleurs rares. En entrant sous cette verdure sombre où la lumière glissait comme une ondée d’argent, on respirait la fraîcheur tiède de la terre humide et un souffle lourd de parfums. C’était une étrange sensation douce, malsaine et charmante, de nature factice, énervante et molle. On marchait sur des tapis tout pareils à de la mousse entre deux épais massifs d’arbustes. Soudain Du Roy aperçut à sa gauche, sous un large dôme de palmiers, un vaste bassin de marbre blanc où l’on aurait pu se baigner et sur les bords duquel quatre grands cygnes en faïence de Delft laissaient tomber l’eau de leurs becs entrouverts.

Le fond du bassin était sablé de poudre d’or et l’on voyait nager dedans quelques énormes poissons rouges, bizarres monstres chinois aux yeux saillants, aux écailles bordées de bleu, sortes de mandarins des ondes qui rappelaient, errants et suspendus ainsi sur ce fond d’or, les étranges broderies de là-bas.
Le journaliste s’arrêta le cœur battant. Il se disait :
« Voilà, voilà du luxe. Voilà les maisons où il faut vivre. D’autres y sont parvenus. Pourquoi n’y arriverais-je point ? » Il songeait aux moyens, n’en trouvait pas sur-le-champ, et s’irritait de son impuissance.
Sa compagne ne parlait plus, un peu songeuse. Il la regarda de côté et il pensa encore une fois : « Il suffisait pourtant d’épouser cette marionnette de chair. »

Extrait du chapitre 7 de la partie 2 – Bel-Ami – Maupassant

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