Les pierres de mes prières – Julie Ladret

30 Juin 2018

Avec les pierres de mes prières 
J’ai édifié un ravin entre toi et l’instinct de mort
J’ai peint mon visage du sel de la mer
Des guerres dont je n’ai pu faire remparts
J’ai rampé, oui, j’ai rampé comme un serpent à plume et supplié l’envolée 
J’ai soulevé des rivières enneigées et dévalé l’adret lavé de mon nom
J’y ai hurlé mon souffle long avec toute la retenue du son
J’ai exposė mon mur à la gravure des coeurs
J’ai saisi l’espace entre l’oubli et ton immémorable douleur
Et dessiné le ciel sur des oiseaux improbables

J’ai sommé la fange de fleurir
J’ai cogné sans frémir une seule phalange

J’ai soulagé ton amour de son fardeau de peur
Distillé la lumière de son pan sur le venin canon du temps 
Lui-même sait reculer devant la ténacité

En durée, se compte une vie d’endurance
En volume, se gonflent les rives immunes

J’ai phagocyté le destin 
Cité les Dieux à comparaître devant toi
J’ai démultiplié mes songes pour un seul rêve 
Un requiem libéré du deuil 
Un j’aime affranchi du seuil de ma langue

J’ai rongé le fruit comme un ver de poésie et enseveli chacun de tes pépins
Pour que germe en toi le poème 
Celui d’aucun mot
D’aucune plume
Celui d’eau, de chair, de sang, d’écume 
Celui du vivant

Et tu vivras
Vois comme tu vivras
Peut-être de guingois 
Dans les chemins de traverse
Sur les pierres de mes prières 
Tu prendras le raccourci qui mène grande vie
Avec un cor miraculé de la chasse destiné
Et la grâce assujettie à ton âme princière 
Tu seras plus belle encore que la symétrie des corps