
J’ai eu de la peine à trouver une place dans la nef. Je baigne dans le recueillement, les chants en mineur, les odeurs de fleurs mélangées, les paroles d’espoir, le deuil. De furtives observations circulaires me renseignent : dans l’assistance, je ne connais absolument personne. Et dire qu’on enterre mon copain de classe. Celui qui a appris à lire en même temps que moi.
La cérémonie s’achève. Je suis la file de ceux et de celles qui vont dire leur sympathie à la famille. Je me trouve enfin devant une dame très affectée que je ne reconnais pas. La mère de mon ami, sans doute. Je l’embrasse et je lui dis : « C’est terrible de perdre un copain d’école. Nous avons appris à lire ensemble ». La dame me fixe, elle me prend la main : « Que vous êtes bien ! dit-elle, que vous êtes bien ».
Je ne sais pas, moi, à cet instant, que je me suis trompé d’église et que celui qu’on enterre a trente ans de plus que moi. « Que vous êtes bien ! Que vous êtes bien ! ». Evoquant le défunt, elle doit peut-être penser, la dame : « Mon Dieu, il a beaucoup redoublé, Albert … ». Elle me fixe toujours et puis elle met la main sur son cœur … Et elle tombe. Un vrai malaise. Plus grave peut-être. J’ai eu son dernier regard. Si elle ne devait pas s’en remettre, j’irais à son enterrement …
En principe.