Ma petite Philo, Aurore Bessy : Etouffée par le racisme et les violences policières,l’Amérique n’arrive-t-elle plus à respirer ?

Le principe de l’émancipation des Noirs aux Etats-Unis avait enfin été inscrit dans la Constitution, en 1870. Mais entre l’objectif et la réalité, il existe un gouffre qui n’est toujours pas résorbé un siècle et demi plus tard. Il a fallu attendre le milieu des années 1960, pour que les Noirs américains puissent réellement exercer leur droit de vote et accéder aux mêmes services que les Blancs. Malgré ces avancées, le racisme reste présent dans toutes les dimensions de la vie quotidienne des Américains. Ce racisme endémique est-il un problème sans solution ?

Le 25 mai 2020 à Minneapolis dans le Minnesota, George Floyd, un homme noir américain âgé de 46 ans, est mort pendant son arrestation par quatre policiers.

L’un d’entre eux, l’officier blanc Derek Chauvin, exerce une pression prolongée du genou sur son cou. George Floyd, plaqué au sol, suffoque, le crie et le répète, puis au bout de 8 minutes et 46 secondes il est asphyxié.

Dans l’ambulance il fait un arrêt cardiaque et il sera déclaré mort à 21 h 25. Sa mise à mort barbare filmée par des témoins suscite aux USA et dans le monde entier une vive émotion qui réveille des ressentiments d’injustice et d’impunité face à des pratiques policières violentes ou discriminatoires.

Une autopsie indépendante a confirmé peu après, sa mort par asphyxie.

Il rejoint les 200 afro-américains tués par la police chaque année.

Le meurtre de George Floyd survient aux USA après une série d’acquittements de bavures policières envers les noirs : en 2012 celui du meurtre de Trayvon Martin, en 2014 celui du jeune Michael Brown de 18 ans, suivi d’une série de meurtres racistes impunis dans l’Amérique d’Obama, celle de Freddie Gray en 2015 dans le Maryland et celle en mars 2020 de la jeune Breonna Taylor.

A Minneapolis, un policier a été mis en prison pour la première fois, il y a deux ans seulement. Avant il n’y avait pas souvent de preuves, c’était la parole des policiers contre celle des victimes, mais aujourd’hui il y a les vidéos qui parlent. Aux USA un homme noir a près de trois fois plus de chance qu’un blanc d’être tué par la police. Un système qui fait des noirs sa cible prioritaire.

Les émeutes populaires qui ont suivi peu après la mort de George Floyd se sont répandues jusqu’à Washington où les services secrets ont dû déplacer le Président Trump dans un bunker. Dans la capitale, jusqu’au pied de la Maison blanche, des manifestants défoncent à coups de béliers, des immeubles d’affaires et de restaurants où se pressent les cadres et hauts fonctionnaires de l’Etat. La Maison Blanche est cadenassée et sur la façade de l’église St John des Présidents, s’écrit un « Fuck Trump ». Du jamais vu sous les fenêtres du bureau ovale. Partout dans le pays éclatent d’autres scènes de haute tension. La fracture interraciale se creuse.

Le frère de George Floyd lui rend hommage sur les lieux de sa mort : « Il faut continuer la lutte, dit-il, mais pacifiquement, c’est ce que mon frère aurait voulu, nous sommes une famille pacifique ».

Vit-on un tournant dans la crise provoquée par la mort de George Floyd ? De New York à Portland, en passant par Minneapolis, de nombreux policiers blancs se sont ralliés aux manifestants en fraternisant et en mettant le genou à terre, geste qui est celui des sportifs noirs militants contre le racisme. Le chef de la police de Minneapolis s’est lui-même agenouillé à la place où George Floyd est mort en présentant ses excuses à la famille. On a vu à travers l’Amérique des personnalités, des sportifs, des démocrates comme Joe Biden, candidat à la présidentielle, ou le maire de Los Angeles, exécuter ce geste inédit, symbole d’une Amérique qui cherche comment se rassembler.

Dans cette société où la peur et les armes prolifèrent, il faudra du temps pour changer la culture de la police. On imagine cependant le chemin parcouru pour que de nombreux policiers aujourd’hui veuillent se démarquer du policier tueur, des policiers qui comprennent que d’une manière ou une autre il va falloir restaurer le lien de confiance entre la communauté noire et le corps de la police.

Ce geste a été popularisé il y a quatre ans par le footballeur américain Colin Kaepernick qui a plié son genou à terre en plein hymne national pour protester contre les violences policières dans son pays, ce qui lui a coûté sa carrière, mais et qui a fait de lui une icône du mouvement « Black Lives Matter» (BLM, Les Vies noires comptent).

Aujourd’hui les manifestants sont toujours là et rien ne dissipe leur colère. Depuis 2016, ce mouvement « BLM » reprend le flambeau de la lutte pour l’égalité raciale. Il se revendique des Black Panthers, de Malcolm X, de Martin Luther King tout en renouvelant le champ militant. Et c’est aujourd’hui l’un des slogans phares de la défense des droits civiques aux États-Unis et au-delà, un cri de ralliement contre les violences policières et contre le racisme qui tue, avec aujourd’hui « I can’t breathe », « Je ne peux plus respirer »

A l’enterrement de George Floyd, le mardi 9 juin 2020, le pasteur de la cérémonie a appelé à ce que la mobilisation sociale continue. Des milliers d’américains ont fait la queue depuis lundi 8 juin à Houston, au Texas, où est arrivée la dépouille de George Floyd. Il a été inhumé ce mardi 9 juin, dans cette ville où il a grandi. L’émotion y était intense et la colère toujours vive, comme Témoignage d’une jeune femme du cortège « C’est terrible de voir qu’il a fallu qu’un homme noir décède face à la violence policière devant les caméras du monde entier, pour que le monde s’indigne et se soulève. George Floyd va changer le monde, partout plus personne ne jouera avec nous, on ne se laissera plus faire« , lance-t-elle.

Neuf jours après le décès de George Floyd, le policier qui l’a assassiné est désormais poursuivi pour meurtre au second degré, un chef d’accusation passible de 40 années de réclusion. Devant les images et la pression internationale, les faits ont été requalifiés et les trois autres agents présents au moment du drame ont été inculpés pour complicité de meurtre.

Les manifestations de soutien internationales

Depuis le décès de George Floyd, des manifestations contre le racisme et les violences policières ont lieu dans le monde entier, il réveille les consciences et suscite une vague d’indignation et de soutien planétaire. Ces manifestations se sont tenues dans de nombreuses villes malgré les restrictions sanitaires dues à la pandémie. Elles sont l’occasion de dénoncer les violences policières et la discrimination des personnes racisées aux USA mais aussi dans le pays voisin, le Canada, ou bien en Europe ( Amsterdam, Londres, Berlin, Copenhague, Dublin ), en Afrique, au Proche-Orient et en Amérique latine. Le slogan « Black lives Matter » est devenu un des symboles de résistance des manifestants. En Australie, les cortèges ont évoqué le sort de deux femmes aborigènes qui ont trouvé la mort dans des commissariats. Au Canada, à Toronto, les manifestants ont réclamé que la lumière soit faite sur la mort d’une jeune femme noire pendant son intervention policière, etc…

En France, la manifestation du 2 juin à Paris contre les violences policières pour la lutte antiraciste a rassemblé plus de 20 000 personnes dont une majorité de jeunes  » blancs, black, beurs  » inquiets  et déterminés, bravant l’interdiction de manifester. Elle est historique en France. Sur le parvis du Tribunal  la foule réclame justice pour George Floyd ainsi que pour le jeune Adama Traoré mort en 2016, pour Wissam El Yammi en 2012, pour Babacar Gueye en 2015, pour Lamine Dieng en 2017, pour Steve Maia Caniço en 2019 et pour Cédric Chouviat en janvier 2020.

On entendait les slogans et les acclamations de colère de la foule telles que : « La vie de G. Floyd ne doit être réduite à un hashtag lié à un énième abus de pouvoir, ni à une tendance éphémère sur les réseaux sociaux. Sa mort symbolise l’étouffement continu des personnes racisées, sous représentées dans le monde entier, asservies par des instances qui devraient au contraire les protéger. Le racisme fracture et blesse toutes nos sociétés, il est une vraie réalité, nous ne pouvons pas privilégier la loi et l’ordre et oublier l’égalité et la justice.

Les émeutes sont le langage de ceux qui n’arrivent pas à se faire entendre a dit Martin Luther King, il est temps de rendre justice aux revendications que portent les voix des noirs américains. Nous devons passer d’une alliance et d’une indignation de circonstance à un combat général pour la justice, l’égalité et le droit des peuples.. » Propos recueillis sur Médiapart. Au lendemain de l’annonce par le ministre de l’intérieur d’une « tolérance zéro » contre le racisme au sein des forces de l’ordre, de nouveaux rassemblements et hommages se sont déroulés ce mardi 9 juin dans plusieurs villes de France, Lille, Grenoble, Dijon, Amiens, St Etienne, etc, pour saluer la mémoire de George Floyd, au moment où ont eu lieu ses obsèques à Houston, aux Etats-Unis.

La foule réunie à l’appel de SOS Racisme à Paris, a observé un genou à terre silencieux, pendant les huit minutes et quarante-six secondes. Plusieurs leaders politiques de gauche étaient présents. Cette manifestation, contrairement aux précédentes, n’avait pas été interdite par la préfecture de police.

Sur les violences policières en France, le ton du gouvernement a changé sous la pression de la mobilisation. A la demande expresse de l’Elysée, la conférence du ministre de l’intérieur du 8 juin sur les méthodes policières et le racisme a apporté quelques réponses alors que le mouvement international Black Lives Matter trouve un puissant écho en France, tout particulièrement dans les quartiers populaires.

Il a fallu la mobilisation des « gilets jaunes » et les opérations de maintien de l’ordre qui en ont découlé pour que le sujet devienne une préoccupation nationale. Pour Dominique Sopo, président de SOS Racisme : « Reconnaître un racisme au sein des forces de l’ordre, c’est déjà positif. Il est normal que des citoyens veulent que les forces de l’ordre soient irréprochables ».

Que ce passe t-il dans la tête d’un policier blanc face à un noir pour qu’on en arrive à tant de drames années après années ?

Qu’est-ce qui conduit un policier blanc américain à tuer un homme noir ? C’est d’abord une perception biaisée de la communauté afro-américaine. D. Chauvin avait un tempérament excessif, une personne de son entourage témoigne qu’il avait peur lorsqu’il se sentait entouré d’hommes afro-américains. Aux USA, les hommes noirs sont surreprésentés dans la délinquance, il y a dans les prisons 38 % de prisonniers noirs alors qu’il n’y a que 12 % de noirs dans la population américaine ( les autres prisonniers sont blancs à 28% et hispaniques à 33% . Résultats : 11,4% des enfants afro-américains ont au moins l’un de leurs parents en prison et, selon plusieurs études, un Afro-Américain sur trois né en 2001 risque d’aller en prison dans sa vie.

Depuis des années, les études le montrent, la structure policière américaine a construit un stéréotype de l’homme noir. Dans la bataille contre le crime, pour eux, les gens de couleur incarnent le crime. Ils estiment que ce sont des gens « qui doivent être maîtrisés à contrario des blancs, dans les beaux quartiers qui n’ont pas besoin, eux, de surveillance policière ». Le clivage entre les quartiers sécurisés des blancs et les quartiers noirs populaires est un facteur historique qui renforce la méconnaissance et la méfiance profonde entre les deux communautés.

Un jeune homme noir témoigne à une journaliste « Lorsque je suis en retard pour mon travail, je ne cours jamais dans la rue, car j’ai un trop grand risque de me faire arrêter par la police et je sais que cette arrestation pourrait être potentiellement dangereuse pour moi. Je m’habille en costume car je pense que le policier sera moins suspicieux envers moi ou aura moins peur de moi peut-être. Lorsque je marche dans la rue, si une femme blanche me précède, je vais changer de trottoir car je sais qu’elle va avoir peur de moi ». A travers ce témoignage, on peut comprendre combien la méconnaissance des autres induit le racisme. Nous avons tous une part d’à priori et de clichés en nous. Le racisme s’est aussi une peur irraisonnée de l’autre qu’on a en soi.

Les violences raciales aux USA, sont une question de droits de l’homme

Pour François Durpaire, maitre de conférences à l’université de Cergy Pontoise : « L’Amérique est une société qui s’est construite sur l’inégalité, sur l’esclavage, la ségrégation. Il se perpétue dans les structures de pouvoir traditionnelles, politiques, économiques, médiatiques, dominées par les Blancs qui décident encore pour le reste des citoyens. Dans une Amérique surarmée, pour empêcher l’escalade de morts raciales engendrées par les forces de l’ordre, je relève trois axes principaux : la transparence, avec des données fédérales raciales pour mieux comprendre le phénomène, la formation des policiers, notamment en matière de préjugés car c’est la peur des deux côtés qui crée ces situations et la sanction bien entendu. Il faut que les policiers intègrent le sens de leurs responsabilités, qu’il n’y ait plus d’impunité. Or on voit bien que quand un jury est composé majoritairement de blancs, les verdicts ne sont pas les mêmes que quand il est mixte. L’institution judiciaire est le produit de cette société inégalitaire.

Pour Mahmoud Ould Mohamedou, professeur d’histoire internationale à Genève : « Il ne faut plus regarder cette violence et ces questions raciales comme endémiques et systémiques à l’histoire américaine et en quelque sorte s’en accommoder, les voir comme une continuité, ou en ressentir une sorte de lassitude. Un changement de paradigme s’impose au niveau international, on se doit d’aborder la question raciale comme une critique de la société et des décideurs américains. Il nous faut considérer ces faits comme une question de droits humains et rappeler ainsi l’importance du racisme et de l’injustice laissés au second plan dans toutes nos institutions internationales. Les manifestations mondiales de soutien sont importantes, c’est par là que tout commence et les sursauts citoyens que l’on voit émerger partout vont dans le bon sens ».

Pour Romain Huret, historien :  » En 2009, l’Amérique élit son premier président noir, on aurait pu penser qu’une page se fermait et qu’une autre s’ouvrait mais cela n’a pas été vraiment le cas. Un malentendu entre lui et la communauté afro-américaine s’est poursuivit dès le début de son mandat, et l’ascenseur social des jeunes noirs américains n’a pas réellement fonctionné. « 

En revanche la grande réforme Obama Care, aurait permis si elle avait été mise en œuvre dans les conditions réelles voulues par Obama de donner un meilleur accès à l’assurance santé à des millions d’américains dont les afro-américains et on mesure aujourd’hui dans cette période de pandémie qui affecte beaucoup cette communauté, le changement qu’aurait pu apporter la mise en œuvre d’Obama care.

A cela il faut ajouter sur le point des violences policières, que le pouvoir du président américain est assez limité, car il n’y a pas de ministère de l’intérieur identique comme en France qui pourrait imposer des changements dans les pouvoirs de la police. Aux USA le pouvoir de police relève des Etats, des contés et les sheriffs sont élus sur les plates-formes électorales. C’est pour cette raison que B. Obama rappelle aujourd’hui, dans son message exhorté aux jeunes afro-américains que le seul moyen de changer la police c’est de s’inscrire dans les listes électorales et d’aller voter.

Mon constat de la société américaine est assez sombre depuis les années 80. Certes il y a eu beaucoup de progrès médicaux et de recherche, mais les clivages et les inégalités persistent dans cette première puissance mondiale marquée par la violence meurtrière, le nombre important de suicides, les milliers de personnes devenues dépendantes aux opiacées et par la pandémie actuelle qui a apporté beaucoup d’angoisses et le chômage. Tout cela traduit à mes yeux un climat assez inquiétant et il serait temps que les élites politiques et les deux futurs candidats aux élections présidentielles se saisissent véritablement du problème sanitaire extrêmement grave pour la démocratie américaine ».

Pour Fabricio Calvi, journaliste et romancier, auteur de l’ouvrage : « Un parrain à la Maison Blanche », Trump est un président profondément raciste et on voit bien que loin de calmer le jeu social, il ajoute de l’huile sur le feu en visant la carte gagnante aux prochaines élections présidentielles américaines de novembre prochain. Son électorat n’est pas noir, il vise les américains moyens qui eux aussi sont profondément racistes. Un jeu dangereux et inquiétant de la part du Président de la première puissance mondiale, qui pourrait se retourner contre lui et embraser le pays ».

Les réalités sociales de la communauté noire aux USA

Aux États-Unis la couverture sociale santé, est le sujet au cœur du débat politique. Elle est décentralisée et ne couvre pas l’ensemble de la population. Environ 27,5 millions de personnes, soit 8,5% de la population, n’avaient pas d’assurance maladie en 2018. Les afro-américains sont les plus pauvres et plus malades, ils sont davantage touchés par le diabète ou le cancer et la pandémie du covid19 les a touchés davantage encore.

En ce qui concerne le taux de pauvreté, par ethnies : celui des Noirs s’est établi à 20,8%, celui des Asiatiques à 10,1% et celui des Hispaniques à 17,6%. Celui des Blancs non hispaniques est tombé à 8,1% après 8,5% en 2018. Il n’y a que les Amérindiens qui dépassent la communauté noire avec un taux à 25%.

L’accès aux étude supérieures : Seuls 17% des Afro-Américains obtiennent un diplôme de l’université, 8,5% d’entre eux vont jusqu’à la fin du lycée, contre 91% des blancs.

Petite goûte d’espoir dans l’océan américain très agité, en pleines émeutes raciales, la prestigieuse université de Princeton vient d’honorer un jeune afro-américain de Montréal, Nicholas Johnson, devenu major de promotion. C’est la première fois qu’un noir arrive à cette distinction depuis la création de l’Université de Princeton en 1746 dont les dix premiers présidents furent des propriétaires d’esclaves.

Le port légal des armes aux USA est aussi un facteur favorisant la violence et la peur, avec le risque important de bavures policières. Les jeunes noirs américains de 25-29 ans meurent d’homicide à 31,6%. C’est la première cause de mortalité contre la cinquième chez les jeunes blancs du même âge. A cette vision s’ajoute l’impunité des policiers (D. Chauvin faisait l’objet de 17 plaintes restées sans suite).

Aux USA quelles perspectives pour demain ?

Pour Mark Bray, historien à l’université Rutgers dans le New Jersey : Le mouvement de protestation d’aujourd’hui aux USA, combine plusieurs dynamiques agrégées autour du meurtre de G. Floyd : l’expression de la colère populaire, mais aussi de nombreuses organisations contre les violences policières qui se sont depuis longtemps mobilisées. Ces manifestations sont aussi l’occasion de protester contre La politique de Donald Trump qui ne fait qu’entretenir l’incendie et aggraver les choses dans un but électoral prochain.

Dès le début de sa présidence, Trump a montré beaucoup de sympathie pour les blancs suprématistes et a refusé de s’attaquer à l’injustice socio-économique et aux problèmes raciaux de ce pays. L’histoire du suprématisme blanc aux USA est très ancienne et la résistance à cette suprématie l’est tout autant. Dès sa victoire en 2015, il a encouragé l’alt-right ( l’extrême droite ) avec un activisme soutenu, pour qu’elle retrouve une place centrale dans la société américaine.

En réponse à cela, de nombreux jeunes gens de gauche avec qui j’ai pu échanger et qui me disent qu’ils se seraient mobilisés en temps normal dans les syndicats ou dans des luttes pour l’environnement, se sont organisés dans les groupes antifascistes, comme celle du collectif autonome « antifa » pour combattre la montée de l’extrême droite américaine et empêcher que ses politiques extrêmes deviennent un phénomène qui s’amplifie. En 2017, il y a eu des affrontements violents à Charlotesville en Virginie, entre troupes fascistes et « Antifa », où un homme a foncé sur le groupe avec sa voiture et tué la jeune militante Heather Heyer. La réaction minimale de Trump face à cet acte meurtrier n’a cessé de montrer sa loyauté envers ces groupes d’extrême droite.

Vu par la société américaine comme majoritaire blanc, le mouvement « antifa » n’est pas une organisation spécifique et ses membres ne sont pas des formations terroristes, ils ne sont pas non plus derrière les dernières manifestations contre le meurtre de G. Floyd comme Trump voudrait le faire croire. Le souhait de Trump est de voir ces groupes inscrits comme des organisations terroristes, afin de les désigner comme des agitateurs, des bouc-émissaires idéaux lui permettant de détourner l’événement central d’aujourd’hui qui est le meurtre raciste de G. Floyd.

Pendant plusieurs jours les médias se sont demandés si les « antifa » étaient derrière ces manifestations violentes comme Trump l’affirme. Un rapport du FBI paru dans la presse a montré qu’il n’en est rien et qu’il n’y a pas de preuves de cela.Seuls Trump et ses soutiens véhiculent cette idée. Mensonges de la part d’un Président qui instrumentalise la peur des « antifa » pour en faire un slogan pour sa campagne présidentielle : « Soutenez Trump contre les antifa ».

En réalité pour Trump comme pour ces groupes d’extrême droite, les « antifa » sont un terme large qui désigne «les gens de gauche, ceux qui détruisent des biens, et ceux qui, selon leur expression « détestent l’Amérique ». Pour le va-t-en-guerre Trump c’est un signifiant très large, qui désigne la « vraie Amérique » contre ses ennemis.

Ma principale inquiétude aujourd’hui est la crainte de représailles contre les gens qui protestent contre les violences policières. On a vu de nombreux incidents isolés dans le pays, des gens armés ou qui ont forcé des foules au volant de leur véhicule. Je suis très inquiet qu’il puisse y avoir des attaques au hasard, ici ou là contre des manifestants.

Il ne faut pas minimiser la capacité d’organisation de l’extrême droite américaine, un de leurs mouvements, le Tea Party né en 2009 ( blanc, masculin, identitaire ) se présente comme étant né de la base alors qu’il est financé par les élites. Cependant, malgré les manifestations qu’il organise, ce mouvement ne dispose pas des fondamentaux pour mettre en place un mouvement qui vienne de la base pour défier une éventuelle nouvelle administration Joe Biden. Les élections présidentielles de novembre approchent, la vraie question pour moi est si Trump perd ces élections, le trumpisme lui surviva-t-il ?

Nous vivons en ce moment un vrai moment de révolte mais aussi d’inspiration et d’optimisme dans le pays, c’est un tournant pour les jeunes générations qui commencent à parler de façon plus critique, d’un monde différent où nous nous traitons mieux les uns les autres, où nos priorités sont différentes et où s’exprime le ras-le-bol contre les meurtres des noirs par la police. Ces perspectives étaient plus marginales au cours des dernières années, elles sont désormais sur le devant de la scène.

Joe Biden

Pour ce qui concerne les élections présidentielles de novembre, Joe Biden n’inspire pas vraiment l’enthousiasme au-delà des centristes. Qu’il gagne ou qu’il perde, il y a une logique politique nouvelle qui va transcender la seule élection présidentielle de 2020. Quel que soit le vainqueur émerge l’idée que les mobilisations doivent surgir de partout, qu’elles doivent être plurielles et nombreuses à l’avenir. Les partis politiques n’ont pas vraiment envie de changer réellement les choses… Propos recueillis sur l’émission « A l’air libre » de Médiapart.

Aurore Bessy

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s