Ma mémoire est bonne mais parfois elle me joue des tours.
Ce ne sont pas les propos que j’oublie, ce sont les visages. Une tête souriante qui vient vers moi et je me dis intérieurement : « QUI EST-CE ? ». J’ai alors une impression très pénible. Comme si on m’avait volé des archives.
Ainsi, l’autre jour, dans le train, pour un court trajet, une femme s’installe en face de moi et je crois lire dans ses yeux l’éclair qu’on réserve aux amis et connaissances.
Elle m’était parfaitement inconnue. J’ai voulu prévenir le malaise que je sentais venir en moi, avec comme une voix intérieure qui me disait : « QUI EST-CE ? ».
J’ai donc pris bravement les devants. Je lui ai demandé de ses nouvelles – ce qui ne m’engageait pas trop – et puis, devant ses réponses qui reflétaient un parfait naturel, je me suis pris au jeu. Je lui ai parlé de mes parents et elle m’a parlé de ses proches pendant trente-cinq kilomètres – elle était de famille nombreuse – ouf, on arrivait.
Je lui ai dit de transmettre mille choses aimables aux siens.
L’air un peu triste, elle m’a remercié.
Je l’ai suivie quelque temps sur le quai, puis je l’ai perdue, et le hasard des mouvements de foule a fait que je me suis retrouvé près d’elle alors qu’elle embrassait son mari venu la chercher. Effusions.
Et puis je l’ai entendue dire, m’apercevant : « QUI EST-CE ? ». Et si c’était contagieux ?
Le Dix Vins Blog littéraire poétique et cultivant 