Comme un flambeau à l’orée du ciel, une croix colossale en flammes venait, dans la nuit du 8 décembre, d’embraser la colline Sainte-Barbe.
Souvenir de la mission prêchée au temps pascal, ses langues de feu rosissaient la blancheur d’une proche statue. A la cime de la chapelle des Capucins, Notre-Dame du Bon-Secours posait les yeux sur la ville. Ce soir en son honneur, malgré des rues restées obscures, les points d’or disséminés, et les guirlandes ardentes sur la place Saint-Charles, dans les rues des Jardins, de la Loire, de la Bourse et d’Arcole durent inonder ses regards d’étoiles. Avec le cours Saint-Paul, la rue et la place Mi-Carême, les bougies, lampions et lanternes se trouvaient groupés pour l’essentiel. Penchée sur son piédestal, Notre-Dame du Bon-Secours aperçut encore les maisons religieuses et les cures illuminées. Deux femmes sur un balcon, derrière le Palais de Justice s’appliquaient à monter un petit reposoir. Dans l’enclos du collège Saint-Michel d’où, à la gloire de l’Immaculée Conception, on lançait des fusées, un grand « M » de lampions au bleu marial élargit pour un peu son doux sourire figé dans la pierre.
Mais où sont les ferveurs d’antan ?

Quarante années avant, samedi 8 décembre 1855…Sortie des ateliers du sculpteur Montagny, Notre-Dame du Bon-Secours recevait la bénédiction solennelle dans l’église du quartier Chavanelle. Elle aurait pu aussi bien se dérouler à l’église Sainte-Marie. Or elle revint à la seconde paroisse de la ville, placée sous le vocable de Notre-Dame. Ainsi s’éleva dans sa nef une statue haute de presque 4 m.
Même s’il fallait encore attendre pour la voir hissée sur la chapelle des Capucins, Notre-Dame du Bon-Secours se trouvait contemporaine au dogme de l’Immaculée Conception. Le 8 décembre 1854, devant plus de deux cents évêques, Pie IX proclamait la conception pure et sans péché de la mère du Christ. C’était deux ans, jour pour jour, après l’inauguration de sa sculpture dorée, par Fabisch, sur la colline de Fourvière.
Alors que Le Puy s’apprêtait à élever la sienne sur le rocher Corneille, Saint-Etienne ne voulait pas être en reste dans cette course à la dévotion, et avait réclamé sa propre Vierge. Le projet d’Etienne Montagny avait reçu dès la fin 1853 l’approbation du cardinal de Bonald, archevêque de Lyon. En attendant, la cité stéphanoise fêta dignement ce premier « 8 décembre », même si le clergé de la ville se montrait réticent.

De la rue de Roanne à la Badouillère, et de celle de la République (alors rue Royale) à la rue Saint-Jacques, les maisons furent illuminées, y compris l’Hôtel de la sous-préfecture et la Manufacture d’armes de la place Chavanelle. Une foule importante sillonnait le centre-ville, et s’arrêtait surtout devant le monogramme enflammé de Marie, les transparents peints de professions de foi, souvent résumées au mot « Credo ». Il flottait sur tant de maisons l’étendard bleu et blanc aux couleurs de Marie, que Jeanne d’Arc elle-même aurait reconnu : « C’était bien raison qu’il fût à l’honneur »…
Statue réalisée par Montagny ( escalier de l’Hotel de ville de Saint-Etienne )