Ma petite Philo, Aurore Bessy : Quelle place pour le travail et les travailleurs à l’aube du 21è siècle ?

Le travail et les règles qui l’organisent sont au cœur des débats de nos sociétés occidentales et dans le monde. Ils sont devenus de véritables enjeux politiques, économiques et sociologiques et plus encore en cette période électorale qui se prépare dans notre pays.
    Deux orientations se posent : faut-il assouplir la loi travail pour l’adapter aux contraintes du marché ? Faut-il, au contraire, faire progresser les droits sociaux et soumettre le marché au respect des normes qui assurent à tous un travail décent ? 
   Quel rôle normatif important doit jouer notre code français du travail avec l’évolution du dialogue social en 2017 ? 
   Quelle place pour le travail et les travailleurs dans nos sociétés à l’aube du 21è siècle et quelle sera leur place demain ?
Trois questions auxquelles je vais tenter de vous donner quelques éléments de réflexion, à partir du livre de Bernard Thibaut (ex-secrétaire général de la CGT et actuel administrateur de l’OIT organisation Internationale du Travail) qui a pour titre « La troisième guerre mondiale est sociale » et Dominique MEDA (philosophe et sociologue française et inspectrice générale des affaires sociales) auteur de nombreux ouvrages dont « Travail, la révolution nécessaire ».

 
I  –  Les enjeux mondiaux du travail


« Le titre de mon livre contient une certaine violence, dit Bernard Thibaut, c’est parce que la situation mondiale des travailleurs est particulièrement violente. Dans notre économie mondiale globalisée, la capacité à produire des richesses s’accroît mais en revanche, pour les travailleurs qui produisent ces richesses, on constate une dégradation de leurs conditions de travail et d’existence, une précarité croissante qui varient d’un continent à l’autre.
On peut cependant considérer qu’il y a un recul de l’extrême pauvreté d’une part (ex : en Chine, en Inde, etc) mais globalement il n’y a pas de progression du standard social à hauteur des richesses produites et surtout un accroissement des inégalités
« .
Petit rappel, qu’est-ce que l’OIT, l’organisation internationale du travail ? C’est une institution mondiale, agence de l’ONU, qui représente 186 pays adhérents. Créée en 1919 dans le cadre du traité de Versailles, l’OIT, elle est l’aboutissement de luttes ouvrières sévèrement réprimées dans les pays industrialisés.
B. Thibaut « Cette organisation trop méconnue est la seule institution mondiale où la voix d’un travailleur équivaut à la voix d’un employeur. Nous y avons un droit de parole et de vote, mais en réalité, nous sommes loin de nos références nationales. Une fois qu’on a élaboré les limites de ce code mondial du travail, leur application n’est pas automatique et systématique, elle dépend du bon vouloir des États nationaux et on voit que dans la configuration mondiale d’aujourd’hui il y a des États plus ou moins volontaires pour appliquer les limites de ce code du travail international ! »
L’OIT a survécu à l’avènement de la Société des Nations pour devenir en 1946, la plus ancienne institution spécialisée de l’ONU. Seule organisation internationale tripartite (à part égale travailleurs, employeurs et gouvernements), son rôle consiste à élaborer et faire appliquer les normes assurant la protection des droits de l’homme au travail. Il est donc nécessaire de s’intéresser à l’OIT et de la défendre contre ceux que dérange toute régulation de l’économie internationale. 

Alain SUPIOT


Pour Alain SUPIOT  (sociologue, juriste et professeur) « Le salarié trente ans en arrière, recevait un salaire en échange d’une quantité d’heures de travail. Ainsi le montant de la rémunération des salaires et la durée du temps de travail constituaient l’objet de la négociation collective, aujourd’hui on est passé à une relation de travail reposant sur l’allégeance du travailleur face à son employeur ».
Il plaide pour une  réforme du droit du travail, répondant aux transformations de l’organisation de l’économie, ainsi qu’aux évolutions technologiques en cours. » Cette révolution permanente (des modes d’organisation de production et des techniques) prend en défaut les systèmes de protection des travailleurs hérités de l’ordre antérieur de nos aînés, et oblige à les repenser sans cesse. Garder une perspective progressiste dans l’idée d’un monde du travail meilleur et plus juste, c’est cela qui fait la grandeur et la difficulté de l’action politique, toujours menacée de dégénérer en simple réaction aux signaux venus des marchés ou d’institutions non démocratiques. Pour obéir à leurs injonctions, on détricote le droit du travail au lieu de s’efforcer de le repenser. » 
A l’objectif de justice sociale a été substitué celui de la libre circulation des capitaux et des marchandises, celui de la concurrence sans entrave. Ainsi la hiérarchie de moyens  et des finalités a été totalement inversée : au lieu d’indexer l’économie sur les besoins des hommes, et la finance sur les besoins de l’économie, on indexe l’économie sur les exigences de la finance et on traite les hommes comme du capital humain, au service de l’économie. 
A la fin de la seconde guerre mondiale,  lors de la conférence générale de l’OIT réunie à Philadelphie aux USA,  fut signé, en mai 1944, le « Consensus de Philadelphie » dans lequel  « le travail n’était  pas une marchandise et qu’ il était important de donner la primauté aux aspects humains et sociaux et non à des buts mercantiles », (ce préambule étant déjà inscrit dans celui de l’OIT ). C’est la confirmation d’ une société salariale ou la relation entre employeur et salarié était encadrée par des règles collectives (congés, durée du travail, etc) . 

Dominique Meda


Pour Dominique Meda : « C’était l’espoir d’une amélioration des conditions de travail dans le monde, dans l’idéologie de la coopération, le développement des Etats Providence et le cantonnement du marché. Mais tout sera remis en cause à la fin des années 1960,  puis il y eu le choc pétrolier en 1973 avec cette idée que « nous devons tout subordonner au plein emploi ». Un certain nombre d’économistes nous disent alors qu’il faut stopper le développement des États providence qui pèsent  trop et laisser beaucoup plus de place au marché. C’est à partir de ce moment- là qu’on peut parler en 1989 d’une soi-disant « victoire démocratique des peuples »  (avec la fin du bloc soviétique), mais, en revanche, où plus rien ne peut désormais s’opposer à cette dérégulation du commerce mondial. »
A partir des années 1980 cet ensemble d’accords signés en 1944,  qui étaient un véritable idéal de progrès social continu est fortement remis en cause. On est passé du consensus de Philadelphie au consensus de Washington issu d’une idéologie portée entre autres par les économistes Friedman et Ayek. Toutes  les règles qui entourent le travail sont gênantes car elles handicapent les entreprises dans la guerre qu’elles doivent mener dans la recherche de la compétitivité absolue : il faut déshabiller le travail de toutes ses règles pour l’alléger et permettre aux entreprises d’être compétitives. On revient au code civil de 1804, les conventions tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faites, l’employeur et le salarié sont désormais dans un face à face, rien ne doit encadrer leur relation et cela est terrible.
Au début des années 90, l’éclatement soudain du bloc soviétique qui  a entraîné le rejet des idées socialistes ainsi que la planification centralisée,  a permis d’entériner sous la pression des États-Unis (devenue alors seule puissance mondiale),  l’approche néoclassique libérale sous la forme de ce nouveau consensus de Washington. Au début des années 90, dix préceptes constituent les fondements de la première génération de « réformes dites réajustements structurels »  concernant notamment  les pays du Sud et ceci sous l’égide du F.M. I. (Fonds Monétaire International) et de la Banque Mondiale !! à savoir : 1 discipline budgétaire – 2 réorientation de la dépense publique -3 réforme fiscale – 4 libéralisation financière – 5 taux de change unique et compétitif – 6 libéralisation des échanges – 7 élimination des barrières à l’investissement étranger – 8 privatisation des entreprises publiques – 9 dérégulation des marchés – 10 sécurité des droits de priorité. 


B. Thibaut  » En 1989 le mur de Berlin tombe, c’est le passage à une vision du monde où on pense que l’économie n’a besoin de personne pour fonctionner et qu’elle est capable de se réguler toute seule, est-ce la disparition des États ? Après 1989 on n’aurait pas pu réinventer et mettre en place l’OIT, car comme il n’y a plus « d’ennemi  » (patronal)  ce n’est plus la peine. A l’époque où fut crée   l’OIT  il fallait se mesurer à cet ennemi et civiliser le travail. Il y avait aussi cette idée que c’était la croissance qui facilitait le progrès. Ces deux choses ne sont pas forcément intimement liées.  La part de  la rémunération travail dans notre PIB mondial était de 75 % en 1970 , elle est de 65 % en 2000 et est restée la même en 2016.
La primauté est donc portée depuis lors, sur des impératifs économiques et financiers ! L’OIT  avait ce constat que si nous voulons éviter d’autres catastrophes nous devons promouvoir le progrès social qui est le meilleur gage de sécurité et de paix dans le monde dans une coexistence pacifique des peuples. Cela n’a pas suffi puisqu’on a eu une seconde guerre mondiale , d’où la déclaration de Philadelphie qui a suivi en 1944.
Aujourd’hui nous ne sommes pas dans la même configuration des deux guerres mondiales mais se profile une autre « guerre » devenue sociale qui n’en est pas moins destructrice avec les statistiques qui décrivent la situation  : il y a aujourd’hui 2,3 millions de travailleurs qui chaque année décèdent du fait du travail, par accident ou maladies liées au travail, beaucoup plus de victimes liées au travail qu’aux guerres et aux conflits mondiaux sur une seule année. 
Il nous faut plus que jamais redonner au travail sa valeur sociale, la réaffirmer et  la promouvoir si nous ne voulons plus revoir le monde empêtré dans des conflits armés causant des milliers de morts. Le mot guerre est pour moi lié à l’histoire de l’OIT ». 
Dans ce cadre complètement dérégulé, la part de la rémunération acquise par le capital est beaucoup plus importante que la rémunération redistribuée à ceux qui travaillent. 73 % de la population mondiale ne bénéficie pas de protection sociale adaptée et 50 % de la population active est sans contrat de travail, c’est un des chiffres, les plus parlants. Le contrat de travail  français va devenir une rareté internationale. Il n’est plus opportun de  définir horaires, salaires, congés payés, etc, quand on peut utiliser, embaucher ou licencier comme cela, spontanément !  C’est ce qui est en train de  dominer dans la relation travail. 
Ce n’est pas un hasard si dans des pays de l’Union Européenne les normes sociales restent malgré tout les plus élaborées du monde. L’Europe est un continent où les luttes syndicales ont été les plus importantes, où le mouvement syndical a trouvé son essor, son succès et a obtenu des acquis sociaux. La rémunération des travailleurs et les conditions sociales dans lesquelles les travailleurs effectuent leur travail sont les mieux encadrées au monde, tout en incarnant un progrès social. En revanche, on constate que ces textes législatifs et réglementaires sont peu à peu remis en cause à l’échelle internationale, une remise en cause qui est en train de toucher nos pays occidentaux.
Où sont les enjeux du vrai pouvoir aujourd’hui ? Que se soit L’O.M.C. (Organisation Mondiale du Commerce), le FMI (Fonds monétaire international) ou  la Banque mondiale, aucune de ces trois entités très importantes, n’a vu venir la crise de 2008 !  Depuis cette crise, on constate au cœur des populations la montée d’un désaveu profond pour ce modèle de société économique basé sur la globalisation, le libre-échange et qui a évolué vers un capitalisme de plus en plus financiarisé. Selon un rapport de l’OCDE, les inégalités entre riches et pauvres sont au plus haut depuis 30 ans. La France est le pays où ces inégalités se sont le plus creusées.
Pour D. Meda  « Dans la situation internationale les niveaux de protection du travail sont extrêmement différents et on assiste depuis longtemps au « benchmarking » (à toujours regarder ce que fait celui d’à côté). On nous dit « regardez, eux, ils travaillent pour moins cher. Alors faire comment ? Faire baisser le coût du travail et de notre protection sociale sinon nous ne pourrons résister?  C’est toute la logique qui a été déployée depuis les années 1980 par le travail de « sape » qu’a fait l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique, un forum au sein duquel 30 démocraties de marché représentent 75 % du commerce mondial). 
Depuis 1980  l’OCDE répète qu’ il n’y a qu’une seule chose à faire, c’est baisser les niveaux de protection sociale, réduire la protection de l’emploi et toutes les règles qui concernent la rupture du contrat de travail.  Simplifier tout ça et puis sans doute baisser les salaires, le SMIC, toutes ces règles un peu trop compliquées et comme ça vous serez capables de résister à la globalisation et à la guerre économique. »
Face à la puissante OMC (Organisation Mondiale du Commerce),  l’OIT n’a pas la capacité d’opposition suffisante, ce qui est très grave. Il faut absolument remettre des règles là-dedans sinon on va continuer à voir les grandes entreprises transnationales se jouer des législations nationales du travail et mettre ces législations en compétition les unes avec les autres. On est sidéré devant la puissance de ces multinationales (telles Mitsubishi qui équivaut à celle de la Pologne,  Ford autant que celle de la Norvège) ! Les lieux de décision ne sont plus désormais les Etats, mais les grandes multinationales et les agences de notation privées qui n’ont rien vu venir en 2008, les mêmes qui fustigent la Grèce avec leurs ultimatums ».
B.Thibaut  » En 2010 les agences de notation incitaient le gouvernement à opérer une réforme des retraites, sinon la France perdait sa fameuse notation (AAA). Les trois agences de notation  Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch font trembler les États. 
Tous les gouvernements de l’époque fonctionnaient sous la peur et la hantise de ces notations parce que c’était rentré de fait. Quelle est la vertu de ces agences de notation privées qui accordent aux pays souverains des notes de soi-disant bonne gestion en lieu et place des citoyens qui eux doivent approuver ou désapprouver la conduite des affaires d’un pays ? On est là sur des notations d’ordre uniquement financier avec les sanctions pour ceux qui dérogent à la règle : interdictions, procédures de suivi, mises « hors jeu », etc. Comment des peuples et des pays peuvent-il accepter cela ? Les conditions sociales des peuples sont de ce fait dépendantes du « bon vouloir » des États. 
Il faut inverser cette hiérarchie : le commerce mondial doit respecter les normes du Code international du Travail, sinon le « moins disant » social n’atteindra bientôt aucune limite. Il suffit de voir à l’échelle intercontinentale, le nombre d’entreprises qui se délocalisent pour rechercher ce « moins coûteux », ce « moins disant » social : d’abord des délocalisations au sein de l’Europe et maintenant en Asie, la Chine voit ses activités se délocaliser dans des zones d’Asie moins coûteuses ou en Afrique. Vu les conditions de travail terribles en Chine on recense à peu près 100 000 grèves de travailleurs qui demandent la revalorisation de leur salaire à leur tour ».
 On est dans ce moment qui interpelle le citoyen pour  dire NON à ces organismes qui pour la plupart ne sont pas des organismes démocratiques et où les citoyens n’ont aucun pouvoir légitime d’intervenir.

Yanis Varoufakis

La rentabilité à court terme des lobbies internationaux passe par-dessus la tête des enjeux humains et sociaux, avec une brutalité terrible, c’est ce qui s’est passé avec en  Grèce le ministre des finances Yanis Varoufakis qui a tenu tête aux créanciers de son pays de janvier à juillet 2015.
D. Meda  « N’oublions pas ce qui s’est passé dans les années 80 avec la libération des capitaux et leur circulation folle, la création des fonds de pension et le fait qu’aujourd’hui les gouvernements sont dominés. Il faut qu’ils attirent les capitaux et les investissements étrangers, avec la peur que ces capitaux les quittent, laissant le pays complètement exsangue. Voilà pourquoi tous ces « palmarès du busines » où ce que l’on met en avant c’est justement la facilité à licencier. Vous êtes tout en haut du palmarès quand vous licenciez très  facilement! C’est une idéologie qui s’est mise en place dans les années 1980, qui pense que pour être efficace il faut s’en remettre exclusivement au marché. Si ce marché est plus efficace, il produira plus de richesses qui iront par ricochet aux dernières classes sociales. Malheureusement la théorie du ruissellement ne se passe pas comme ça. Il faut déconstruire cette idéologie ».
B. Thibaut « L’Europe,  première puissance économique mondiale a pour vocation la dimension pacifique de l’espace et la promotion d’ un modèle social européen . En revanche, ce qui apparaît c’est que l’union européenne elle-même organise sa propre mise en concurrence des travailleurs avec des différences de standards sociaux et de normes du travail entre les premiers et les derniers pays européens.
On voit là  toute la difficulté politique pour chaque gouvernement national  de défendre une Europe au modèle social séduisant vis-à-vis des citoyens européens. Cette incapacité se traduit par la montée dangereuse des nationalismes dans chacun des pays de l’union et le risque de voir se profiler des tensions entre pays au sein de l’espace européen. Contre toute attente, lors du référendum national du  23 juin 2016, l’Angleterre a voté le « Brexit. Le reste de l’Europe va maintenant tenter d’éviter tout éclatement du bloc des désormais 27 pays membres.
 Il nous faudrait surtout entrer dans une véritable démarche de refondation pour une véritable Europe sociale.  
D. Meda  « En Europe, il nous faut des normes qui organisent à la fois les relations commerciales et les relations de travail, c’est une zone où il peut se passer des choses importantes : former un laboratoire social, une zone de haute qualité sociale et environnementale. Les gouvernements peuvent avoir une force de dialogue à utiliser face à la puissante commission européenne.  La dernière loi travail dite « El Komri » a été votée en force en juillet après cinq mois de contestation sociale. Un joli traité de servitude volontaire vis à vis de l’Union Européenne ! » 
Que faire face à la montée en puissance des sociétés multinationales, du rôle des agences de notation, des règles de droit remises en question permettant aux États de reculer devant l’impérialisme des lobbies ?
B. Thibaut  : Plusieurs pistes d’évolution sont possibles, tout cela nécessite une prise de conscience, une mobilisation citoyenne  tant au niveau national qu’ international. Il y a  actuellement  500 000 multinationales  dans le monde qui emploient 200 millions de travailleurs directement, mais indirectement qui font travailler un travailleur sur cinq. Ce sont bien elles qui structurent la manière dont l’économie mondiale se déploie et là je suggère qu’on réfléchisse à une évolution dans nos institutions ». 
Il faut rester exigeant vis-à-vis de la responsabilité des États à respecter les droits et les conditions de travail des travailleurs en mettant en place des réseaux d’inspection du travail. Il nous faut également obtenir une responsabilité affirmée des dirigeants « donneurs d’ordres » de ces multinationales qui ne peuvent ignorer les conditions de travail de leurs employés (ex : la catastrophe du Bangladesh en 2013), que ses sous-traitances sont effectuées par des enfants (168 millions d’enfants travaillent alors que cela est interdit par la convention internationale du travail), et enfin qu’elles portent préjudice à l’environnement par la pollution de leurs industries pharmaceutiques, de pétrochimie, de pesticides, etc et  de surcroît préjudice à la santé des hommes et femmes qui y travaillent. 
Il nous faut donc mettre en place des mécanismes permettant à l’OMC de suivre la manière dont les multinationales répondent aux normes internationales du droit du travail. À la fois être exigeant vis-à-vis des multinationales mais aussi des États. 
De dirait-on pas, en entendant les jeunes parler, que les progrès acquis par nos aînés dans le passé passent pour eux en pertes et profits et qu’il faut presque tout accepter pour accéder à ce Graal qu’est le travail ?
 D. Meda  » En France comme ailleurs, les attentes des jeunes  sont d’abord celles d’avoir un travail, (pour eux première condition du bonheur), puis vient ensuite un revenu qui ait du sens, où l’on puisse se sentir utile et enfin un travail qui permette de s’épanouir et de s’exprimer. Si notre façon de produire s’humanisait, si nos entreprises devenaient autant de miroirs où les individus seraient heureux dans leur travail et pourraient exprimer ce dont ils sont capables, tout cela serait possible. C’est tout le sens du travail qu’il nous faut repenser pour qu’il devienne coopératif. 
B.Thibaut  » Il y a une grande lucidité chez les ados, ce sont les mots peur et crainte qui dominent et la pression du chômage. Avec la crise de 2008 les statistiques de l’OIT  montrent que le chômage et la précarité progressent , à propos de la protection des salariés il a été dit aux États « on peut s’attendre à de nouvelles secousses économiques (comme des économistes le disent)  d’ordre mondial. On ne sait pas si c’est du même ordre que 2008 mais il y a plusieurs indicateurs qui montrent qu’on n’est pas à l’abri d’autres secousses mondiales. L’OIT annonce aux États que ce n’est pas le moment de diminuer les protections dont bénéficient les salariés là où ils ont ces protections puisque dans de nombreux pays il n’y a pas de protections. 12% des travailleurs seulement peuvent bénéficier des allocations chômage chez nous c’est un peu au-delà de 40 %. »
Le lien entre chômage et conditions de travail est crucial. Quand le chômage et le risque de licenciement augmentent, le phénomène devient une épée de Damoclès pour les conditions de travail et pour les travailleurs eux-mêmes prêts à accepter tout et n’importe quoi pour garder un emploi. 
 Il nous faut prendre la mesure de l’ importance et comprendre que le code et des règles du travail, sont libérateurs pour les travailleurs, contrairement à ce que veulent nous faire croire le patronat et des économistes libéraux. Renforcer le code du travail c’est permettre à ceux qui travaillent de travailler sans la peur du licenciement dans des conditions humaines tout en donnant un sens à son travail.

II –    Quel rôle normatif important doit jouer notre code français du travail avec l’évolution du dialogue social en 2017 ?

Un petit rappel sur ce qu’est le Code du Travail. 
Le Code du Travail a été créé en France en 1910, sa construction est issue d’un siècle entier de grèves, de rapports de force et de négociations entre patronat et salariés. La fonction du Code du Travail est de protéger le salarié contre le patron, reconnaissant qu’il est la partie faible du contrat de travail. C’est pourquoi toute une partie du Code du travail est consacrée aux droits collectifs qui ont pour objectif de rééquilibrer la relation individuelle de domination qui existe entre l’employeur et son salarié.
Les lois et les conventions internationales concernent les durées légales, le SMIG, les conditions de travail, les institutions représentatives du personnel, la santé, l’hygiène, la sécurité, et les droits attachés aux licenciements sont le fruit des combats passés. En 1944 l’OIT reconnaît que le travail considéré comme une marchandise a produit la guerre et qu’une paix durable ne peut être établie que sur la base de justice sociale. La loi fixe un socle de protections que patronat et syndicats de salariés, ne peuvent améliorer que par la négociation. C’est ainsi que s’est construit le Code du Travail que nous connaissons aujourd’hui. 
Dans les années 1980-90, la contre-révolution libérale en marche, a commencé à faire baisser le coût du travail pour satisfaire la rentabilité du capital.  C’est depuis lors qu’on assiste à un dévoiement de la négociation collective qui passe à une négociation de régression adaptée aux exigences de l’entreprise. La réforme du droit du travail est sous-tendue par l’idée que les protections sociales accordées aux salariés nuiraient à l’emploi. Le gouvernement à l’écoute du patronat, tente de sortir de l’opposition traditionnelle entre salariés et employeurs, au profit d’une opposition entre travailleurs et chômeurs et entre travailleurs précaires et permanents. 
Une étude récente de l’OCDE a démontré qu’en Allemagne l’indice de protection de l’emploi a augmenté et que le niveau du chômage a baissé, ce qui contredit l’idée que le Code du travail pourrait être responsable du chômage. Il n’y a donc aucun lien direct entre protection des travailleurs et dynamisme du « marché du travail ».
C’est un jeu dangereux que d’opposer les salariés qui ont un travail à ceux qui en sont privés (notamment les jeunes). Dans un contexte de crise sociale, de recherche de boucs émissaires, c’est donner du grain à moudre à l’extrême droite, avec de lourdes menaces sur le « vivre ensemble ».
Le code du Travail est trop volumineux, dit-on ? Il n’est pas plus volumineux que tous nos codes constitutionnels. Sa soi-disant « simplification » effectuée en 2008 a doublé son nombre d’articles ! On omet de dire que la plus grande partie du Code (3600 pages environ)  est réservée à la publication de décisions de justice et à l’introduction de dérogations multiples voulues par le patronat et (en particulier) le MEDEF. Ainsi les récentes dérogations concernant le travail du dimanche introduite par la loi Macron ont ajouté au Code du Travail 5 pleines pages du journal officiel.
Le code du travail est accusé d’être trop rigide et volumineux à la fois, ce qui inquiète salariés et patrons, mais en réalité il offre déjà énormément de flexibilité. Exemple :  il est possible de déroger aux 35 heures de multiples façons avec les systèmes d’aménagement et de modulation d’horaires, de forfaits en jours, etc. Si le code comporte de nombreuses parties, c’est pour que tous puissent s’y retrouver, salariés de tous les secteurs et petites et grandes entreprises. Les partisans de la réforme du Code du travail, pour masquer leur dessein, avancent la problématique de sa complexité. Son épaisseur le rendrait inaccessible à la fois au salarié et à l’employeur, entraînant inquiétudes et recours contentieux : alors, qu’attendons-nous pour revoir toutes ces dérogations et alléger le Code du travail qui gagnera en efficacité des garanties collectives fortes et claires pour tous.
La dernière réforme présente un danger d’inversion des normes : elles visent à dédouaner l’État de sa responsabilité et à transférer la responsabilité sociale de l’entreprise qui relève de l’employeur vers les salariés et leurs élus. Prétendre vouloir adapter le code du travail à l’entreprise reviendrait à avoir un éclatement du droit du travail, à son émiettement, en autant d’entreprises en fonction de la taille ou de la situation du salarié. Cela rendrait impossible à l’inspection du travail l’exercice de ses missions et ne ferait qu’accroître la jurisprudence. Le bout de ce processus n’étant ni plus ni moins que le remplacement du contrat de travail par la convention commerciale. Les contrats de maintien dans l’emploi constituent les prémices de cette évolution.
Plus que jamais il est nécessaire de renforcer le code du travail pour lutter contre l’explosion de la précarité et la dégradation de la vie au travail, avec le nombre de Burn Out qui augmente.  Il n’y a que trop de flexibilité, 8 salariés sur 10 sont recrutés sur des CDD, pour des périodes de plus en plus courtes. On ne peut réduire le Code du Travail à une simple déclaration de principes ou de droits fondamentaux, il est un vrai droit constitutionnel, un socle à partir duquel le travail doit s’articuler, pour ne plus abaisser les garanties collectives gagnées de longue lutte par nos aïeuls. Il nous faut l’élargir aux enjeux d’aujourd’hui : la précarisation du salariat, l’uberisation de l’économie, les salariés détachés, l’autoentreprenariat, etc.  Une réforme du droit du travail, digne de ce nom, devrait établir un cadre juridique assurant à tous les travailleurs – salariés ou indépendants – qui concourent à cette chaîne de production des valeurs les conditions d’un travail décent. Et la France, riche de sa longue histoire syndicale, devrait être l’un des meilleurs garants de la pérennité de ce code, face à la vague dévastatrice d’une économie libérale mondiale livrée à elle-même. 

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