Carnet de voyage : LA BELLE GUINEE – Julie Ladret

28 Mai 2018

L’overdose de lumière

Les étroites ruelles du quartier s’électrisent sous mes pas. Une flaque d’eau rougeâtre gicle sur les mollets d’un enfant. Il m’accueille aussi bien que la vie l’a fait pour lui. Sa main tendue couverte de charbon nous invite à avancer un peu plus loin dans ce monde surnaturel imprégné d’odeurs inédites…

Des maisons en tôle cachent des femmes courbées pilant des feuilles de manioc. D’une force surprenante, elles écrasent le reste de silence d’un rythme toujours égal.

Les hommes sont assis à l’ombre d’une discussion sous une case en torchis.

Le linge et le riz sèchent à terre au bord d’une route sans fin. La lumière charme les récoltes et fait ruisseler un mince cours d’eau terreux. Tout près, des monceaux d’ordures s’entassent. Le charnier de la consommation exhibe sa puanteur…Des petites demeures délavées, décrépies où vivent plusieurs familles s’additionnent dans ma tête.

Une jeune femme se blanchit la peau, signe d’une beauté empruntée. Une fleur d’ébène qui rêve d’être lys. Tout est possible ici, tout existe…

Un taxi «arche de Noé» transporte des poules, un bœuf et des chèvres parmi quelques hommes.

Plus loin, dans le village forestier, un cœur cogne follement contre une peau fragile. Un papillon affolé, prisonnier d’une toile de verre. L’enfant fixe ma vie, il est atteint de la maladie du siècle. Un cercle brisé au sein d’une passion, un ange d’incompréhension…

Ce pays est un incroyable tableau expressionniste…

Chaque coup de peinture est une senteur, une odeur, une douleur, une émotion, un flou artistique. Rien n’est défini, tout est laissé à l’imagination.

Ma mémoire déborde d’images intemporelles, irréelles tel un songe. Comme si l’Afrique n’était qu’un magnifique songe qui hante les nuits de mon âme blanche. La fièvre gagne les plus tendres cœurs et les font exploser d’immensité devant ce tableau…

Il faut aller là-bas pour comprendre que chaque beauté accompagne le voyage jusqu’à ce que nos yeux s’éclairent, jusqu’à l’overdose de lumière…

L’avion décolle. Un dernier coup d’œil au hublot et les nuages ravissent à mon âme le visage de la Belle Guinée. La mère me lâche la main et souffle le vent qui porte l’oiseau de fer. Un au revoir au goût de noix de cola, amer, un goût d’adieu.

Encore maintenant mon âme est gorgée d’eau salée, de terre rouge, de verdure luxuriante et d’enfants… De beaux enfants chantant Soussou, Malinké, Peul, Kissi

De beaux enfants chantant l’Afrique toute entière.

Ladret Julie

F I N 

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