Les ombres
La pluie s’échoue dans les tranchées rouges. Elle met sous silence la nature comme une mère fait taire son enfant en l’allaitant. Des ombres s’insinuent, bougent sous un ciel épais de nuages. Elles n’ont pas d’âge, elles semblent naître et disparaître au gré des éclaircies.
Je me sens pressé, oppressé… Ces mains qui me serrent, me touchent, mendient autant qu’elles saluent.
La chaleur fiévreuse enserre ma poitrine. Mon corps pleure doucement comme pour le délivrer de son étau. Tout s’ébranle dans mon cœur et tout demeure. Chaque bruit et geste se grave dedans… Tout s’enflamme, se consume en moi et personne n’est là pour s’y réchauffer…
Les lèvres de pluie
Les rayons de soleil s’enlacent autour des feuilles du manguier… Un amour qui porte le lendemain dans chaque fruit juteux et sucré. Un amour qui sublime les lèvres de pluie entre la beauté et l’envie.
L’exode
Quand les routes éventrées sont piétinées par la peur, tout semble incroyablement long…
Les réfugiés perdent leurs terres d’honneur, leurs rizières, leurs petits riens qui faisaient de leurs vies un soleil ébloui…
Couvert de sombres poussières rougeâtres, les habits se déchirent et les regards se creusent.

La marche est si lente…
Le pillage ravage les mémoires gorgées de beauté. Le chagrin vient ensuite ravir le reste d’espoir…
Chacun pense au petit village où vit son immense famille. L’attendent-ils, ous assis autour du puits. La concession est le meilleur refuge…
Répudiés de leurs villes, les exilés deviennent fardeaux pour leur famille subitement agrandie. Mais ils partageront le riz jusqu’à la faim.
Puisque la terre est donnée à tous, il n’y a jamais d’orphelins…
Sauvés des hyènes par la communauté humaine