
Adaptation baroque et virtuose du Pentamerone ( cinq jours ) de Gianbattista Basile, le conte des contes, ouvrage narratif du XVII ème siècle -1634/1636- nous parvient en salle sous une forme expurgée et réduite à trois contes, trois historiettes érotiques, étranges et violentes, où se détachent le grotesque, la vulgarité sublime et le merveilleux.
A l’origine, un auteur mercenaire à la solde de la Sérénissime République de Venise. Académicien, courtisan, poète, dilettante, gouverneur et aventurier de la plume. Cette suite de contes populaires écrits en dialecte napolitain se compose d’un savant mélange d’auto-dérision, de parodie, de truculence qui se terminent par un proverbe.
Reconnaissance posthume par infusion que lui accorderont tour à tour les Frères Grimm et Charles Perrault.

Ces récits de faits ou d’aventures imaginaires dont la puissance émotionnelle, irrationnelle échappe à toute vraisemblance servaient à agrémenter l’éducation des enfants et perpétuer cette tradition orale très ancienne.
Revenons au film dans lequel, nous passons d’un château l’autre dans trois royaumes. Les lieux du tournage en Italie sont d’une beauté extrême : Castel del Monto, Gorges d’Alcantara, Bois de Sasseto, la Sicile, les Pouilles…
Trois châteaux donc, deux rois, une reine. Chaque personnage ( Vincent Cassel, Salma Hayek, fabuleux Tobby Jones ) se trouve sous l’emprise de névroses obsessionnelles. Entre libertinage débridé, désir d’enfant compulsif et hystérique, amour inconditionnel et introverti d’une puce, nous sommes ballotés d’un espace grandiose vers des univers clos, hermétiques, tyranniques, mystérieux en compagnie d’une pléïade de fées, de monstres marins, d’ogres, de vieilles lavandières, de saltimbanques, de courtisans, de nécromanciens, de sorciers, de magiciens dans des décors et des costumes époustouflants. Ces histoires fantastiques ont un parfum d’enfance et nous nous laissons embarquer et charmer par la magie qu’elles opèrent en titillant tout l’arsenal de nos émotions les plus enfouies.

Dans un environnement animal, végétal, minéral en parfaite symbiose, cette fresque digne de Goya nous réconcilie avec ce cinéma aujourd’hui orphelin de Pasolini, Fellini, qui possédaient l’art et l’étincelle de bousculer les « bonnes » convenances, ériger la paillardise au rang des Beaux Arts.
Aux éditions Circé, vous pouvez vous procurer l’intégrale de l’œuvre dont les récits intemporels et éternels trouveront de fervents lecteurs parmi votre entourage, un accueil chaleureux et enthousiaste de vos petits monstres friands de lectures nocturnes ainsi qu’une place privilégiée sur l’étagère de votre bibliothèque Ikea.
Petit détail sur le film : la version originale est en anglais et sous-titrée en français. Ce choix s’est imposé pour une portée plus universelle. On peut regretter, toutefois, l’absence du dialecte napolitain dont la musicalité et la sonorité me sembleraient plus judicieuses et authentiques. Légère déception sur la fin avec cette scène qui rassemble les personnages en une kermesse joyeuse ?
Ah ! La réécriture d’un roman, de nouvelles, de contes pour le grand écran est toujours un exercice périlleux qui doit impérativement répondre à des objectifs commerciaux pour satisfaire le plus grand nombre. A l’inverse, le plaisir est immense et récompensé comme ce fut le cas avec une série télévisée sur France 2 – en plusieurs volets – adaptée de contes de Guy de Maupassant faisant étalage des mœurs, coutumes et déroute humaine dans un univers rural ou bourgeois.