
Tout s’envole (1°album)
Les deux vélos
Mais y’a le rose
Partir 2021
Les mains
Pierrot
Tout s’envole
Marie sous la pluie
La jeune fille aux croissants
Un p’tit lapin
Attention fragile
« La vie des gens, c’est comme un film » (« Les deux vélos »).
Aujourd’hui, c’est en effet au cinéma que je vous convie, les chansons de Christophe Andréani étant des courts métrages qui font songer aux films de Jacques Tati, avec leur fantaisie et leur poésie du quotidien. Ici pas de drames, pas de faits divers, mais deux bicyclettes à partir desquelles l’auteur se raconte une histoire, un piaf qui égaie Paris ou encore une petite vendeuse de croissants (inspirée par un personnage réel) dont il regrette qu’elle ne puisse être immortalisée par Vermeer et qui offre quelques miettes de ses pâtisseries à un oiseau (sans doute le pierrot de la cinquième chanson). Des scènes touchantes, déroulées avec une délicatesse et un art consommé du détail qui fait mouche et dénuées de toute mièvrerie. Des films où il est tantôt spectateur, tantôt acteur.
Deux vélos, donc : un noir et un blanc, le premier appartenant à une jeune fille, l’autre à son compagnon. En fait, l’auteur n’en sait rien puisqu’il n’a jamais pu (jamais voulu ?) voir qui prenait quoi. Et un beau jour, un troisième vélo, « une petite reine » (l’appellation n’a jamais été aussi pertinente), rose celui-ci, fait son apparition. Du coup, le noir est resté là, abandonné, tandis qu’un peu plus tard apparaît un vélo moins volumineux (muni de petites roues ?), blanc et rose.
Fin du film. Nouveau générique musical : un texte qui répond au précédent. Notre réalisateur nous la fait encore en couleur mais cette fois en énumérant quelques teintes plus ou moins arrogantes (le vert) ou tristounettes et en réaffirmant la supériorité de la vie en rose. Le vert, il n’en veut pas au fond de son verre. Peut-être s’agit-il de « la fée verte », autrement dit de l’absinthe, qui a causé tant de ravages dans les organismes de nos arrière-grands-pères avant d’être interdite ? Pour les autres couleurs, le côté négatif est bien plus évident : le blanc, celui des vieillards chenus, ou celui, « Tranchant comme un bout de fer-blanc ». Pour le noir et le gris, nul besoin d’explications.
Je voudrais m’attarder un tout petit peu sur le deuxième couplet, consacré au bleu, avec ses rimes qui rappellent, certainement pas par hasard, « La java du solitaire » de Roger Riffard
Qu’ce soit la brune, qu’ce soit la bleue
Je la dans’ d’une manière lamenta-bleue (Riffard)
« A part son ciel admira-bleu
Il a un goût discuta-bleu
Et des rimes imprononça-bleues. (Andréani)

Pour en savoir un peu plus sur le goût de Christophe Andréani pour les jeux de sonorités je vous renvoie à l’album de Clémentine « Portraits » et à la chanson « Les hommes sont des con… » (des comprimés » … « déconcertants ») dont Christophe a signé les paroles.
Mais il n’est pas seulement auteur. Dans le présent album, s’il a écrit les 10 textes, il a composé 8 des musiques (celle de « Tout s’envole » est à mettre au crédit de Pierre Donoré et celle de « La jeune fille aux croissants » est de Frédéric Perriot, qui a été, en outre, l’instigateur, le réalisateur et le « mixeur » de cet enregistrement).
Ainsi que le titre l’indique, « Partir 2021 » est, bien sûr, une chanson d’anticipation (comme il existe des romans et des films du même acabit). Il se projette dans l’avenir, après le 2 janvier 2021. Il a fini par emprunter un vol pour les Caraïbes. Histoire de recommencer à zéro.Mais Dieu que la décision fut difficile :
« On se promet de prendre un train
Pourtant on reste là
Alors qu’il n’y’a plus qu’à ».
Une chanson qui se distingue des autres. Une manière de nous dire après quelles hésitations il a franchi le pas et enregistré ses chansons lui-même ?
« Les mains » est sans doute l’une des plus belles. Une chanson d’espoir. Trois couplets commençant par « Quand leurs deux mains ». Des mains qui « se sont frôlées », « se sont serrées », puis « se sont quittées ». Mais pour mieux se retrouver dans quelque ailleurs. Les trois étapes terrestres d’une vie amoureuse. L’amour plus fort que la mort. Remarquable !
Des chansons d’amour, il y en a d’autres : « Marie sous la pluie » où, comme un Belge attendait Madeleine, il se dit que « Marie n’ viendra pas » parce qu’il fait mauvais temps. Le petit miracle, c’est qu’elle vient malgré tout et que les gouttes de pluie l’embellissent.
Et puis, quand bien même elle ne serait pas venue, il y a tellement de choses et de gens à regarder et à aimer, assis à la terrasse d’un bar. : « Le p’tit lapin ». Acteur devenu spectateur de la rue à son corps défendant mais tout aussi heureux. Signalons que Christophe Andréani a participé à des ateliers d’écriture avec Claude Lemesle et Allain Leprest. Et, dans cette chanson, on sent nettement l’influence du second. Deux exemples :
« J’laisse en pourboire deux gouttes de pluie »,
« J’ai j’té ma peine du bout des ailes ».
Autre chanson d’amour : « Tout s’envole» :
Les abeilles, les avions
Le parfum des citrons
La souplesse des roseaux
Les souvenirs d’école ».
Certes,
« Mais tu vois mon amour et moi
On est là
devant toi ».
C’est plus que de l’optimisme, c’est la certitude que le monde peut être beau à condition d’y croire.
« Pierrot » est à la première personne. Christophe joue sur les deux sens, avec et sans majuscule (petit Pierre ou petit oiseau). Il semble parler de lui en tant que chanteur. Tel le petit moineau, son job est de siffler afin d’apporter un peu de sérénité aux « essoufflés », aux « plus nerveux ». C’est vrai,
« Un chant d’oiseau dans la journée
C’est gai même quand il pleut »
et qu’on attend Marie. Ajoutons que le « moineau des villes » rêve de devenir « le moineau des îles ». En 2021 peut-être ?
L’album se termine par ce qui pourrait être un coup de gueule mais les coups de gueule, ce n’est pas du tout le genre de la maison. C’est malgré tout un langage sans concessions (un peu trop soft, peut-être) :
«Quelque part sur la planète
Une plage et puis l’océan
Les tankers font la navette
C’est bientôt le printemps
Un jour ou l’autre un naufrage
Dans les bras de l’Atlantique
On récupère l’équipage
Pas les produits chimiques ».
N’empêche que c’est, dans l’album, la seule histoire sans happy end. La technologie dépoétise le monde avant de le détruire. Certes, le confort ne nous est pas indifférent mais il ne faudrait pas en faire une religion. Et malheureusement, toutes les COP 21 du monde risquent de ne pas y changer grand-chose.
« Pourquoi sauver les rivages ?
Protéger les oiseaux-lyre ?
C’est écrit dans les nuages
Pour celui qui sait lire ».
Il serait donc souhaitable et urgent que nos décideurs sortent de leur illettrisme.

En tout cas, n’hésitez pas à vous procurer ce CD. Vous ne serez pas déçus. D’autant que la voix de Christophe est chaleureuse et « proche » et l’accompagnement musical varié, parfois riche (mais sans excès), par exemple dans « Les deux vélos », volontiers sautillant (« Pierrot ») parfois plus mesuré (« Les mains »). Les arrangements et le jeu des guitares sont à mettre à l’actif de Jacques Belghit, les percussions à celui de Roberto Pisanu, la basse à celui de Nicolas Chelly. Pas beaucoup d’instruments mais, comme toute bonne musique de film, ceux-ci s’intègrent magnifiquement au spectacle, tout en sensibilité, sans jamais rechercher de grands effets.
Allez voir le site de Christophe, vous y trouverez toutes les infos pratiques : http://www.andreani.net/cd1/cd.htm
« Un saule pleurait » ne figure pas sur l’album. Dans le prochain, sans doute.