
Bonjour, amis lecteurs, dans ce nouvel article, je tente aujourd’hui d’aborder le monde des banques et de la monnaie. Cela m’a pris du temps pour y pénétrer et essayer de le comprendre modestement à mon niveau. Je vous livre ici une explication générale du rôle des banques en reprenant essentiellement dans son contenu, le documentaire de Gabriel Rabhi intitulé « Dette, crise, chômage, qui crée l’argent ». Je n’ai pas abordé la finance qui sera l’objet de mon prochain article. Le sujet est risqué et peut rebuter bon nombre d’entre vous car le monde des banques et de la finance est complexe, voire occulte. Mais bon, je me hasarde à cet exercice en espérant qu’il vous sera quand même un peu utile…
QUI CREE L’ARGENT ?
« La crise qui a éclaté dans la finance en 2008 a affecté l’économie du monde entier. Elle a particulièrement touché celle des pays occidentaux où le chômage atteint des niveaux inégalés depuis les années 1930 et la grande crise, dont nous savons qu’elle a conduit à la plus grande catastrophe de l’humanité.
Quelques grandes déclarations politiques prononcées à la sortie des réunions des G8 et G20 pouvaient laisser penser que les leçons en avaient été tirées. Malheureusement il n’en est rien et aujourd’hui, quelques années après, la finance qui fut à l’origine de la crise est encore plus puissante qu’elle n’était en 2008, la taille des banques et organismes financiers est passée en 5 ans de 340% du PIB des pays de l’Union européenne à 368%. Après avoir dicté leur loi à toute l’économie les banques et la finance la dictent maintenant aux Etats et leur imposent l’austérité comme remède à leurs propres errements !«
Claude Simon Collectif Roosvelt.
Tentons tout d’abord de comprendre la monnaie : au coeur de nos économies, elle est le fluide qui permet les échanges des biens et des services.
Les biens sont des objets physiques qui ont un prix comme : la nourriture, des outils, l’immobilier, ceux de la vie courante (véhicules, électronique, etc).
Les services sont du temps que l’on consacre à quelque chose contre une rémunération. Ex : les médecins, garagistes, avocats, secrétaires vendent leur temps sous forme de services.
Les biens et les services s’achètent et se vendent avec de la monnaie.
Il est indispensable de savoir qui crée la monnaie pour comprendre comment le monde fonctionne.
1 LES DEUX FORMES DE LA MONNAIE
a- Les billets de banque et pièces de monnaie qu’on nomme monnaie centrale corporelle. On peut les retirer à la banque directement ou aux guichets des distributeurs . On les appelle aussi monnaie manuelle liquide ou espèce. Les pièces de monnaie sont fabriquées en France par l’établissement public « Monnaie de Paris » qui en confie la mise en circulation à la banque de France ( ou banque centrale de la France). La masse de monnaie représentée par les pièces est peu importante et son poids économique négligeable. Les billets dits aussi monnaie fiduciaire (vient du latin fiducia qui veut dire confiance) sont également imprimés par la Banque de France. Chaque billet est en fait une reconnaissance de dette » de la banque émettrice vis-à-vis du détenteur, chaque billet libellé en euros étant signé par le directeur de la Banque centrale de France. Depuis les années 1970, les banques centrales ne sont plus tenues de rembourser les billets par une contrepartie en or. La loi sanctionne les faux billets.
b- L’autre monnaie, moins connue, c’est celle qui est sur notre compteen banque, appelée monnaie scripturale privée (vient du mot latin scripta qui veut dire écrit). Cette monnaie n’existe que sous la forme de chiffres informatiques sur la comptabilité des banques commerciales privées, on l’appelle aussi monnaie secondaire. Elle circule par des écrits : signatures sur les chèques ou codes pour les cartes bancaires.
Les banques commerciales privées appelées banques secondaires sont les banques des particuliers ou des entreprises, exemple : la BNP, le Crédit Agricole, la Société Générale.
Ce sont des entreprises privées à but lucratif. Les banques commerciales privées sont les distributeurs de billets et pièces de monnaie. Elles ne fabriquent pas la monnaie mais ce sont elles qui la créent. Elles sont des intermédiaires, des commerçants qui font commerce de la monnaie centrale. Elles ont développé un substitut à la monnaie manuelle (ou liquide) qui est la monnaie secondaire ou scripturale privée .
Ce qui fait la richesse des banques ce n’est pas cette monnaie mais c’est ce qu’elles possèdent personnellement : immeubles, bureaux, titres financiers divers (actions, obligations, etc), bénéfices des intérêts des prêts, la monnaie qui leur est propre et le compte qu’elles ont à la banque centrale de France.
Elles ne prêtent pas sur leurs fonds propres, mais sur l’argent qu’elles créent (virtuellement) à la banque centrale pour distribuer des crédits sur lesquels elles s’octroient des intérêts.
2 LES BANQUES

a-Les banques privées commerciales (ou nommées de détail)
Leur fonction est :
– D’assurer les services bancaires de paiement des particuliers et des entreprises (chèques, cartes bancaires, distribution de monnaie, etc ) et gèrent la gestion des moyens de paiement en mettant en oeuvre une logistique physique et informatique (virements, prélèvements, etc)
– de recevoir et garder en dépôt des fonds du public : collecter les disponibilités remboursables et une partie de l’épargne – les plus avantageux pour les banques étant les comptes courants qui ne sont pas rémunérés et apportent aux banques des ressources gratuites
– d’octroyer des crédits aux particuliers et aux entreprises : cette distribution constitue un acte majeur dans notre système économique actuel, car il contribue au fonctionnement de l’économie. Nous verrons plus tard que ce sont ces crédits octroyés aux clients des banques qui créent la monnaie (dite scripturale). Elle se matérialise par tous les dépôts (crédits octroyés) versés par les banques sur les comptes bancaires des clients.
On distingue différents types de banques privées : les banques d’investissement (conseil, introduction en bourse, etc), les banques d’affaires (gèrent les fusions, les offres publiques d’achat ou d’échanges OPA/OPE), de dépôts (Codevi, caisse ou poste épargne), celles qui travaillent auprès des grandes entreprises et les banques commerciales dites « de détail » ou de réseau qui exercent une activité de crédit et d’offre de produits de placements auprès de clientèles individuelles, d’entreprises de petite taille ou de taille moyenne, de collectivités locales et d’associations.
Les banques universelles ou globales (Barclays, BNP Paribas) sont des grands conglomérats financiers qui regroupent les différents métiers des banques de détail, des banques de financement et d’investissement et des banques de gestion d’actifs.
b- Les banques centrales

La banque centrale est une institution publique missionnée par l’Etat ou les Etats d’une zone monétaire pour fabriquer les billets et les pièces de monnaie. La France, comme tous les pays de la zone euro possède sa propre banque centrale.
– Pour l’ensemble des pays de la zone Euro a été créée la Banque Centrale de l’Union Européenne (la BCE) qui gère la monnaie nommée Euro. Il s’agit d’une institution d’essence fédérale qui a été établie le 1er janvier 1998, son siège est à Francfort.
Elle a pour objectif de favoriser le bon fonctionnement de l’économie, son but n’est pas de faire des profits mais d’appliquer une politique monétaire commune dans la zone euro. La BCE a pour objectif de maintenir la stabilité des prix et doit envoyer chaque année son rapport aux instances européennes, tout en restant statutairement indépendante.
– Les banques centrales de chaque Etat euro sont les banques des banques commerciales privées, ces dernières pouvant leur emprunter à plus ou moins long terme. Ces prêts portent des intérêts, c’est d’ailleurs par les taux d’intérêt de ces prêts que les banques centrales infléchissent la politique monétaire et donc la politique économique des pays. En effet un taux bas permet aux banques de détail de se refinancer à bon compte et sont incitées à distribuer davantage de crédits à ses clients, à des taux plus faibles.
Les banques centrales ont pour rôle d’assurer un contrôle des banques de détail afin de vérifier
– leur liquidité (de posséder la monnaie disponible)
– leur solvabilité (posséder l’avoir suffisant pour faire face à des difficultés).
Les statuts des banques et leur mode de gouvernance contribuent à l’orientation de leur politique monétaire.
c- Le trésor public
Organisme d’Etat, il a un compte à la Banque Centrale. Son double rôle est d’encaisser tous les impôts et taxes et de payer les dépenses de l’Etat : les fonctionnaires, les investissements de l’Etat, ses infrastructures, frais de fonctionnement, fournisseurs, etc.
Le trésor public n’accepte pour paiement des banques que la monnaie centrale. En revanche, quand le trésor public paie un fournisseur, il verse l’argent demandé sur le compte de la banque privée de ce fournisseur.
3 UN PEU D’HISTOIRE
Afin de comprendre l’origine des différentes formes de monnaie, il faut comprendre pourquoi la monnaie a été créée, parcourons son histoire depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. Elle s’étale sur des milliers d’années.
Pour compenser l’absence d’une monnaie commune, c’est tout d’abord le troc qui a jalonné l’histoire des échanges entre les hommes. Le troc est le fait d’échanger un bien ou un service, contre un autre bien au service (qui possèdent tous deux des valeurs similaires). S’il a longtemps été le seul moyen d’échanges entre les gens et entre les peuples, le troc s’est progressivement affiné en prenant les objets (outils, etc) ou animaux comme pièces d’échanges.
La monnaie serait apparue spontanément par la sélection de marchandises parmi les plus pratiques et les plus recherchées pour ces échanges immédiats.
Dans un premier temps ce furent : le riz, le sel, l’avoine, les animaux ou des biens matériels qui auraient été utilisés comme monnaie jusqu’à l’apparition de la monnaie métallique en or, en argent ou en cuivre (métaux recherchés du fait de leur valeur durable et rare).
Le crédit ne serait apparu que plus tard quand de la monnaie fut accumulée pour pouvoir être prêtée à ceux qui en avaient besoin.
Pour les historiens c’est le crédit, en réalité, qui est apparu avant la monnaie, c’est-à-dire la comptabilité des dettes que les hommes contractaient les uns envers les autres.
Au-delà de la confiance qui a permis dans un premier temps les échanges différés, les hommes se sont rendu compte qu’au-delà d’un certain volume d’échanges la parole ne suffisait plus à garantir la confiance.
Il fallu alors les consigner par écrit : on inventa l’écriture. Puis il fallut apprendre à lire et à compter : on inventa l’école. Il fallut aussi avoir confiance dans la quantité mesurée de ce que l’on échangeait : on inventa les étalons et la métrologie (science de la mesure). Enfin, il fallut un arbitre en cas de litiges : on inventa les tribunaux.
Les communautés prenaient une unité de compte virtuelle ou un étalon pour donner un prix aux biens et aux services qu’ils s’ échangeaient. On a retrouvé dans nombre de fouilles archéologiques une multitude d’objets servant de registres de dettes : bâtons, pierres gravées, papyrus, etc. Parmi les plus anciens registres figurent des centaines de milliers de tablettes d’argile datant de l’époque sumérienne où étaient consignés des dettes. Ces tablettes étaient gérées dans des temples proches des marchés.
Durant plusieurs milliers d’années il n’y eut pas de monnaie, juste la comptabilité des dettes des uns et des autres et des communautés entre elles. Ce n’est que vers 700 ans avant JC que des souverains de castes régnantes ont imposé l’usage de la monnaie comme moyen d’échange, sous forme de pièces de métal précieux (or, argent, cuivre) dont ils s’attribuèrent l’exclusivité de la production. Ils payaient de cette manière leurs soldats et menaient ainsi des guerres pour conquérir de nouveaux territoires.

Pour se procurer nourriture et équipements, les soldats imposèrent par la force cette monnaie comme moyen de paiement aux paysans et aux marchands. Le pouvoir récupérait ensuite de cette monnaie lors de la perception des impôts, celle-ci devint rapidement monnaie officielle. Etant acceptée comme moyen de paiement, elle se diffusa dans la communauté. Le pouvoir pouvait donc acheter nourriture, marchandises et richesses grâce à la monnaie qu’il produisait lui-même.
Tant que quelqu’un avait une dette envers un autre, il n’était pas libre ou risquait de devenir l’esclave de son créancier ou d’être emprisonné s’il ne s’acquittait pas de l’impôt. Ce fut la servitude pour dettes, c’est pour cette raison qu’une monnaie employée pour régler une dette ou un impôt a un pouvoir libératoire. La monnaie fut donc créée par des castes régnantes, par des souverains favorisant ainsi leur mainmise sur une partie de la production des populations : vivre et s’enrichir sans travailler.
C’est par ce principe que des empires se sont bâtis. Le troc ne fut pratiqué par la suite que durant les périodes de chaos et de conflits lorsque la monnaie vint à manquer.
Au moyen âge, avec le développement du commerce, les métaux précieux devinrent monnaie internationale.
Comme il était risqué de transporter ces métaux, à partir du 17è siècle, les marchands de Londres et de Stockholm ont commencé à donner la garde de leurs métaux précieux aux orfèvres, les négociants en métaux précieux.
En échange, les orfèvres leur donnaient un reçu, un certificat de dépôt nominatif qui permettait à son détenteur de récupérer à tout moment son métal précieux. Lors des retraits, les orfèvres demandaient une petite somme pour le stockage de la monnaie et les services rendus.
Les boutiques des orfèvres devinrent des coffres bien gardés. Les certificats par la suite ne furent plus nominatifs, seul était noté le poids des métaux précieux. Les orfèvres se mirent à se payer non pas en métal précieux mais avec des certificats : la monnaie papier était née. Ils constatèrent que les marchands laissaient leurs métaux précieux dans les coffres sans les utiliser et eurent ainsi l’idée de prêter ces métaux précieux à d’autres marchands pour développer leur commerce.
Plutôt que de prêter ces métaux, les orfèvres se mirent à émettre des certificats en papier aux emprunteurs et lorsque ceux-ci remboursaient leur dettes, ils rendaient leurs certificats aux orfèvres et leur versaient un intérêt. Cette pratique leur a permis de s’enrichir en multipliant les intérêts perçus.
Le papier monnaie (échangeable contre des métaux) étant accepté par les marchands, les orfèvres se mirent à leur tour à en imprimer pour leurs propres dépenses et achats tant que les emprunteurs et les déposants ne venaient pas tous en même temps demander leur argent. Le petit tour de magie des orfèvres pour s’enrichir restait secret.
Aujourd’hui les métaux précieux sont remplacés par la monnaie centrale, avec l’avènement de la République et de la démocratie, c’est l’appareil législatif qui rédige la loi au nom du peuple et l’Etat, la Nation fait fabriquer sa propre monnaie par la banque centrale citée précédemment.
La loi dit que tout citoyen doit accepter non pas des métaux précieux, mais de la monnaie de l’Etat comme règlement d’une dette, c’est ce qui donne son cours légal à la monnaie de l’Etat.
Cette monnaie fiduciaire est liée à l’assurance qu’on peut échanger des biens et des services avec cette monnaie. Lorsqu’un client dépose des billets sur son compte, la banque le crédite, le client peut retirer à tout moment cet argent. La monnaie dite « secondaire » ou scripturale est l’équivalent des certificats de dépôt des anciens orfèvres.
Tout comme le certificat de l’orfèvre était une re de l’orfèvre envers chaque marchand dépositaire, un compte bancaire est une dette en monnaie centrale de la banque envers chaque client.
Lorsqu’on règle aujourd’hui un commerçant, la banque établit un transfert de monnaie scripturale (argent sur notre compte) au compte du commerçant.
Quand les orfèvres faisaient crédit, ils émettaient bien plus de certificats de dépôt que de métaux précieux disponibles dans leurs coffres et quand les marchands les remboursaient ils détruisaient ces certificats.
Aujourd’hui le principe des banques est le même : quand une banque accorde un crédit à un client, il crée de la monnaie scripturale sur son compte et cela à partir de rien. Dans ce même mouvement, elle crée ainsi des crédits plus qu’elle ne possède de monnaie centrale dans ses coffres et lorsque le client rembourse sa dette, la banque détruit également sa dette (monnaie scripturale), c’est ce qu’on appelle : la création monétaire (le crédit) et la destruction monétaire (le remboursement du crédit).
La monnaie scripturale étant acceptée comme paiement, les banques peuvent ainsi créer de la monnaie à partir de rien pour couvrir leurs dépenses et leurs achats (tout comme les anciens orfèvres) on dit que les banques monétisent leurs dépenses.
Ici la notion est importante : le peuple a l’illusion que c’est l’Etat qui crée la monnaie alors qu’en réalité ce sont les banques commerciales privées qui ont ce privilège en émettant des crédits. Sans création monétaire des banques commerciales par le crédit, il n’y aurait presque pas de monnaie en circulation.
Les banques et la monnaie sont comme les deux faces d’une même pièce : il faut que la monnaie ait été créée par le crédit bancaire pour que l’Etat puisse en prélever par les impôts et les taxes. Ainsi les banques ont besoin des Etats pour établir une législation protégeant ce privilège et faire appliquer cette législation par la justice et les forces de l’ordre.
4 LES MECANISMES BANCAIRES
Presque tout le monde possède de nos jours un compte en banque. Celle-ci possède une réserve unique de billets de banque et de monnaie scripturale (l’avoir sur les comptes). Ces comptes représentent juste des chiffres dans la comptabilité de la banque commerciale, on les nomme des unités de compte.
Lorsqu’on retire de l’argent, la banque fait les opérations à notre place et nous donne le sentiment de retirer cet argent sur SON compte alors qu’en réalité la banque convertit des chiffres en réalité centrale corporelle (en billets de banque), la monnaie de l’Etat. A l’inverse quand un client dépose de l’argent sur son compte, celui-ci augmente simplement. Chaque compte représente seulement un chiffre dans un ordinateur central de la banque. La somme des unités de compte qui correspond au crédit de notre compte s’appelle un dépôt.
On a l’illusion que la banque possède l’équivalent en billets de banque du montant de ses dépôts ce qui est faux, elle n’en détient qu’une petite partie car il est entendu que tous les clients ne retirent pas au même moment ce qu’ils ont sur leur compte.
La loi impose aux banques commerciales de convertir les unités de compte en billets de banque à notre demande, c’est pour cela que les banques appellent ces chiffres des euros. Pour les banques, ce ne sont pas des Euros mais de simples transferts d’unités de compte, d’un compte à un autre en monnaie scripturale privée. Chaque banque a sa propre comptabilité, gère ses chiffres et ses propres unités de compte. Toutes les monnaies des banques commerciales privées sont convertibles en monnaie centrale corporelle avec la même valeur.
En revanche la monnaie d’une banque commerciale privée n’est garantie que par la banque elle-même, celle-ci peut faire faillite et dans ce cas ne peut plus garantir sa monnaie privée ainsi que le montant des comptes bancaires de ses clients.
Moins de 7 % de l’argent qui circule est sous la forme de pièces ou de billets de banque. La monnaie inscrite sur notre compte bancaire n’est qu’une reconnaissance de dette de la banque envers son client, rien de plus. Chaque banque doit rembourser à tout moment les comptes de ses clients.
Pour les banques, un client est :
. « liquide » si le montant d’argent dont il dispose sur son compte est supérieur à ses dettes (si celles-ci étaient à régler immédiatement)
. « solvable » si le total de ses richesses (immobilier, titres, etc) est supérieur à ses dettes.
5 LES TRANSFERTS ET ECHANGES ENTRE LES BANQUES
Lorsque les transferts monétaires se réalisent entre deux banques différentes, la monnaie de la banque centrale intervient. Toutes les banques commerciales privées ont un compte à la banque centrale.
Lorsqu’une banque commercialise trop de billets elle peut les déposer à la banque centrale et à l’inverse lorsqu’elle en manque, elle peut demander à la BC de convertir sa monnaie scripturale en billets de banque.
On appelle la monnaie centrale corporelle (les billets) la masse monétaire.
Entre elles les banques se paient en monnaie centrale et n’acceptent pour paiement des autres banques que de la monnaie provenant de la Banque centrale qui est convertie par la suite en monnaie scripturale par chaque banque. La seule monnaie légale est celle de la banque centrale de l’Etat.
Un bilan des échanges est établi tous les jours à la banque centrale : c’est la compensation. Elle est calculée par une chambre de compensation qui gère par informatique un grand nombre de transactions afin de faire le bilan de ces échanges entre les
organismes financiers dont les banques. La plus connue de ces chambres est celle de Clearstream, connue pour l’affaire politico-financière qui porte son nom.
La BC française a mis en place un fonds de garantie des dépôts bancaires pour éviter les banque run ou faillites d’une ou de plusieurs banques. Ce fonds monétaire de deux milliards d’euros environ est en revanche insuffisant car les banques françaises gèrent largement plus que ce montant en monnaie scripturale. Les deux premières banques françaises gèrent plus de la moitié des dépôts bancaires.

Résumons : l’essentiel de la monnaie qui circule est créée et gérée par les banques privées dans le cadre des crédits qu’elles octroient aux particuliers comme aux entreprises. Ce pouvoir considérable explique qu’en cas de faillite bancaire s’ensuivrait automatiquement un blocage de l’économie : plus de paiements, plus de transactions possibles, donc plus de ventes ou achats de détail pour les entreprises comme pour les particuliers.
On voit que le métier bancaire qui paraît simple dans son principe n’est pas banal car en cas de difficultés il entraîne des risques majeurs pour toute l’économie. C’est pour cela qu’il doit être surveillé et contrôlé de près. C’est en fonction de ces risques que le système bancaire fait courir à l’économie, que les Etats lui apportent leur garantie ou des fonds pour assurer et pérenniser leur solvabilité. Entre 2008 et 2010 mille milliards d’euros ont été versés aux banques fin d’éviter une banqueroute générale.
Les gouvernements sauvent les banques en taxant l’ensemble des citoyens si nécessaire. On constate que quand les dirigeants et actionnaires des grandes banques touchent des bénéfices ceux-ci s’enrichissent, mais quand les grandes banques sont en difficulté ce sont les Etats, l’ensemble des citoyens qui les sauvent. Les banques privatisent leurs gains et socialisent leurs pertes.

Extrait d’un entretien avec Frédéric Lordon, directeur de recherches au CNRS, économiste et chercheur au centre de sociologie européenne :
« A propos des sauvetages bancaires de 2008 et 2009 on peut dire deux choses : ils étaient une nécessité vitale et ils ont été des scandales sans nom. On a sauvé les banques sans la moindre contrepartie ou début de règlementation financière ou transformation des structures bancaires. Le corps social en a gros. C’était une nécessité de les sauver en regard des dévastations économiques et sociales qui suivraient la matérialisation d’un risque systémique : les transactions élémentaires deviendraient impossibles : aller acheter du pain par exemple…
Si toutes les banques ne sont pas sauvées, elles tombent ensemble, le chaos social qui s’ensuivrait obligerait tous les états à venir au secours de la finance et c’est dans cette articulation entre la nécessité impérieuse d’une part et le scandale de l’autre que le corps social est obligé par les pouvoirs publics interposés d’intervenir pour le secours des banques. Les intérêts matériels de la population sont intimement liés à la structure bancaire et on voit bien où se situe le problème : les banques ont une position très particulière dans la structure du capitalisme, elles sont les dépositaires de fait de biens publics vitaux pour une société marchande.
Si l’effondrement bancaire survenait , les encaissements des populations (dépôts, épargne,etc) disparaîtraient. L’intégrité du système des paiements s’effondrerait également. C’est parce que les banques ont capté ces biens publics qu’elles peuvent contraindre l’Etat à subvenir à leur effondrement (du fait qu’elles sont les teneurs de comptes, des mouvements de crédits et qu’elles opèrent toutes les transactions élémentaires). Cette situation ressemble à une prise d’otage.
La question de principe est la suivante : derrière la question du sauvetage des banques, le corps social doit se poser la question de savoir s’il continue de tolérer que ces biens publics vitaux soient ainsi remis à des intérêts privés et aussi mal éclairés que ceux de la finance quand elle est mouillée de plus en plus dans les marchés de capitaux. Poser la question, c’est y répondre, si on ne répond pas à cette question, cette obligation de venir à la rescousse des banques se reposera éternellement. Il faut envisager la déprivatisation intégrale du secteur bancaire ».
6 LA MASSE MONETAIRE
Nous venons de voir que la monnaie scripturale privée est créée par les crédits des banques, à partir de rien et que cette monnaie est détruite ensuite lors du remboursement des crédits. Ce mouvement courant de création/destruction simultané de la monnaie appelé masse monétaire est similaire dans chaque pays et ceci en fonction des mouvements de populations : soit les naissances et les décès.
Le système monétaire fonctionne donc comme un système pyramidal : pour payer les crédits en cours de remboursement, il faut à chaque fois que de nouveaux crédits soient accordés, sinon la monnaie se raréfie et certains emprunteurs sont dans l’incapacité de rembourser leurs crédits. C’est un système qui doit donc perpétuellement s’autoalimenter.
La monnaie en circulation créée contre intérêts par les banques, garantit à celles-ci une rente perpétuelle. On peut dire qu’il y a d’une part les créanciers qui sont les banques et d’autre part les débiteurs et le « reste du monde ». La rareté de la monnaie, est ce qui organise la concurrence entre les individus, les entreprises et les nations.
Les banques créent de la monnaie d’abord en fonction de leurs propres intérêts et non en fonction de l’intérêt général : des conflits armés sont plus lucratifs que la diplomatie, la concurrence est plus dépensière que la coopération et la spéculation est plus rentable que le social.
Si la monnaie n’est plus le reflet économique de ceux qui créent des richesses réelles, mais le moyen par lequel ces richesses réelles sont échangées, l’argent devient le maître du monde et une inversion des ordres anciens s’opère : le divin est remplacé par l’argent (et n’a de valeur alors que ce qui a un prix), les marchés font office de morale (car rien ne doit enfreindre les lois du marché) et la finance est au service des marchés.
Pour réaliser les moindres échanges commerciaux ou de biens, notre système économique est totalement dépendant des banques. En réalité nous ne sommes pas libres de ne pas être endettés.
Sans dette il n’y a pas d’économie, ce système oblige les Etats et l’ensemble de la société à être perpétuellement endettés simplement pour le fait de pouvoir disposer de la monnaie (et pouvoir faire les échanges économiques). La politique et les Etats sont de ce fait au service des banques et les protègent avec les lois qui contraignent les emprunteurs à rembourser leurs crédits quitte à saisir leurs biens, les expulser ou les envoyer en prison. Nous sommes dans un véritable rapport de force. C’est par ce principe que le système bancaire a asservi le monde à son profit sans contrepartie productive.
Les dettes issues des crédits bancaires sont en fait un moyen par lequel les banques extorquent une partie de notre travail, contre une création de monnaie temporaire. En associant la notion de dette avec le crédit bancaire, cette pratique a été moralisée et normalisée.
Tant que ce sont les banques qui décident de ce qui mérite ou non d’être financé en fonction de leurs propres intérêts, le pouvoir politique et le libéralisme ne sont qu’illusion.
7 CROISSANCE, DECROISSANCE ?

Le taux de croissance économique que nous avons connu en Occident depuis les années des « trente glorieuses » jusqu’à nos jours a nécessité la production et l’utilisation de beaucoup de matières premières et d’énergie. Ces deux impératifs ont abouti à des logiques de compétition, de surproduction et de surconsommation pour les pays les plus riches en engendrant des disparités énormes entre les populations Nord/Sud et des conflits mondiaux liés aux matières premières comme le pétrole et le gaz.
Aujourd’hui on constate que l’humanité tout entière est en train de se confronter aux limites des possibilités de la terre dont les ressources naturelles ne sont pas inépuisables et se raréfient. Depuis de nombreuses années, des économistes, des environnementalistes, évoquent l’idée de la « décroissance » qui freinerait cette surproduction empêchant la planète de se régénérer.
La décroissance est un concept à la fois politique, économique et social, selon lequel l’accroissement permanent de la démographie mondiale et la croissance économique censée en découler ne sont pas des bienfaits pour l’humanité, mais représentent des dangers pour l’environnement et la paix.
Cette baisse d’activité consumériste sous-entend en conséquence pour les banques et la finance une baisse des demandes de crédits donc une contraction de la masse monétaire qui pourrait déboucher, si elle survenait d’une façon brutale sur une crise économique.
En réalité les Etats, les nations ont été asservies par une impérieuse nécessité d’une dette perpétuée pour disposer de monnaie, donc d’une croissance soutenue impliquant une course à la croissance constante.
QUELLES SOLUTIONS POUR UN AUTRE SYSTEME BANCAIRE
Le système bancaire actuel qui fabrique de l’argent à partir de rien est la plus étonnante combine jamais inventée.
Les dettes qui augmentent dans la société ne sont dues qu’à une petite oligarchie de la population située en haut de la hiérarchie qui préfère priver les 90% de la population du droit de vivre plutôt que de renoncer à leurs privilèges.
Pour refuser ce système néo-libéral mondialiste qui privatise et financiarise l’ensemble de l’économie, il faut que la création monétaire soit au service de l’intérêt général. Stopper la course pyramidale de création/destruction de la monnaie par les banques privées qui force à la surproduction de produits et contribue à détruire la planète.
Mettre en place un contrôle public des banques en opérant une séparation franche entre banques d’affaires et les banques de dépôts ce qui éviterait les graves crises bancaires comme celle de 2008 qui mettent nos économies en danger.
Permettre d’augmenter l’implication des citoyens dans la vie politique et accroître leur rôle dans les prises de décision, à travers une démocratie plus participative qui servirait réellement l’intérêt général et non les intérêts particuliers.
La gouvernance des nations n’est pas réservée aux seuls politiques. Des peuples éclairés sont tout à fait capables de mettre en place une politique qui défende leur intérêt et celui des générations futures.
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Propos recueillis dans le documentaire de Gabriel Rabhi « Dette, crise, chômage.. »
« Stop à la dérive des banques et de la finance » de Claude Simon édité par le Collectif Roosvelt