Fenêtre sur cours : CATASTROIKA – d’Aris Chatzistefanou et Katerina Kitidi par Constantin Mourakopoulos

Ce deuxième film d’Aris Chatzistefanou et Katerina Kitidi est sorti en avril 2012 : concis, cohérent, factuel et respectueux de la chronologie. Vive ce journalisme de qualité et d’investigations qui devient une denrée rare par ces temps frivoles, amnésiques et le plus souvent empreints de vulgarité et d’obscénité médiatique.

Dans ce récit, les deux comparses décortiquent, avec la précision et le savoir-faire d’un horloger jurassien, les mécanismes et les stratégies adoptées par la Troika ( B.C.E – Union Européenne – F.M.I ) qui ont précipité la chute brutale de la Grèce caractérisée par un endettement colossal. Par son montage et les archives cinématographiques proposées, ce documentaire présente de façon magistrale les expériences fondamentales suivies de l’implantation progressive et appliquée du néo-libéralisme au sein de l’Europe. Du coup d’Etat en Russie en 1993 et ses conséquences désastreuses qui fut baptisé « Catastroïca » en passant par la destruction systémique de l’économie de la R.D.A, le système installe comme unique réponse à sa démesure : un pouvoir fort et brutal quitte à flirter ou intriguer avec des groupes fascistes. La fin justifie les moyens.

Sous perfusion :

La dette devient un des moyens les plus pervers et cyniques pour finaliser les projets anti-démocratiques, soumettre un pays à un régime totalitaire et rendre la population vulnérable et corvéable aux bonnes volontés du big market. Cela nous rappelle le livre d’Orwell : La ferme des animaux, une fable animalière parue en 1945 que je vous suggère de lire.

Les pratiques initiées au cœur du mécanisme de destruction se concrétisent par l’apparition d’une oligarchie internetalisée et mondialisée.

En Grèce, le programme de privatisation des principales entreprises publiques a été coordonné et planifié par les gouvernements grecs successifs, les partenaires-créanciers, les experts, le lobbying, les banquiers (dont Goldman Sachs) et une caste de vampires hellènes égoïstes et cupides. Pour honorer le remboursement des emprunts (capital + intérêts) souscrits auprès des banques privées puis des trois larrons troïkamen, une des conditions « sine qua non » à remplir -sans consultation préalable référendaire- fut la mise aux enchères du patrimoine grec entre les mains des investisseurs étrangers. Afin de mener à bien ces opérations en toute illégitimité, le gouvernement aux commandes et les médias aux manettes du Pouvoir se sont associés de concert.

Comment cela s’est-il-passé? Tout commence par des attaques ciblées progressives et le dénigrement à l’encontre des fonctionnaires. Puis les organismes publics sont abandonnés par l’Etat (restrictions des crédits budgétaires d’équipements, d’entretiens, réduction des droits syndicaux, diminution des subventions, suppressions de postes…) Quant ces basses besognes et ces manœuvres relayées par les perroquets télévisuels sont exécutées, les « Pouvoirs Publics » revendent les meilleurs morceaux ou l’intégralité des biens du pays aux plus offrants à des tarifs très très très attractifs ( largement en-dessous de la valeur nominale estimée) Super aubaine ! Jackpot !

Cette stratégie d’austérité se répand et les mesures vont bon train. Face au pourrissement de la situation, la crise, le désespoir mais aussi la colère et la révolte gagnent du terrain. Le peuple se rebiffe, manifeste tandis que la Police aux ordres surveille, contrôle, mate les récalcitrants, et sème le désarroi! Le peuple résiste, se regroupe, ne baisse pas les bras, conspue, se solidarise, dénonce, fonce, se lève, grogne, rechigne, refuse, se moque, plaisante, chante, réclame, riposte, combat, crée, se dresse, danse, pleure, souffre, cogne, tague, crie, écrit, hurle, panse, pense, bloque, blogue, facebooke, se résosocialise, marche, parle, réfléchit, observe, revient sans cesse, boycotte, désobéit, insiste et insiste encore plus qu’hier et moins que demain.

Les médecins soi-disant « qualifiés », les Super-Nanny, les justiciers auréolés de leur mépris, les gourous fourguent leur potion, leur tisane, leur prêchi-prêcha, leur dose, guérissent le mal par le mal comme de vulgaires ronds de cuir, d’huissiers d’injustice, d’escrocs-voyous, d’usurpateurs pathétiques bouffis de vanité, d’hyper-ego, voraces et morbides.

La valeur pédagogique et intéressante de ce documentaire se résume par la mise en perspective avec l’Histoire contemporaine. De la Russie à l’Allemagne de l’Est lors de la réunification après la chute du mur de Berlin puis par un détour en G.B avec la dame de fer (Margaret Tatcher) et son grotesque « No Alternative » nous assistons à l’explosion du chômage, l’augmentation exponentielle de l’endettement puis in fine l’appauvrissement du pays et des ménages.

De nombreuses apparitions et témoignages dans ce film : l’écrivain Luis Sepulveda, le metteur en scène Ken Loach, le philosophe Slavoj Zizek, Georges Katzopoulos prof de droit, Greg Palast journaliste et la canadienne Naomi Klein auteure d’un ouvrage remarquable : La Stratégie du choc. 

Tour à tour, chaque invité donne sa vision de la situation. On remarquera au passage, que dans ce contexte social délabré, les répercussions psychologiques sont totalement absentes des diagrammes, statistiques du PNB, du PIB ou autres paramètres de la comptabilité. Les méthodes et réformes sont exclusivement élaborées selon les exigences et positionnements politiques soutenus et décidés par les hommes et technocrates en costards Cerruti – Hugo Boss – les péroreuses de la social-démocratie, du F.M.I, de l’O.M.C et de l’O.T.A.N

Excellent outil de savoir et de transmission, ce film nous éclaire sur les enjeux et les opérations de transfusion des nouvelles règles du jeu.

Fumeurs de tabac goût americano-merkelien lisez bien l’étiquette avant de consommer immodérément ce poison : La crise financière nuit gravement à la démocratie et par conséquent à nos libertés collectives et individuelles. Nous assistons à une colonisation progressive. Une atrophie inquiétante des droits se manifeste insensiblement et sournoisement.

« Du pain, de l’éducation, de la liberté  » est un des nombreux slogans affichés et repris en chœur par les participants aux nombreuses manifestations qui se sont déroulées à Athènes, Thessalonique et d’autres villes.

P.S : en guise de conclusion je vous livre cette citation de l’historien grec Thucydide du 5ème siècle Av J.C

Il est dans la nature humaine d’opprimer ceux qui cèdent et de céder à ceux qui résistent !

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